[size=38]Des abus sexuels ont été commis dans la communauté bouddhiste Triratna[/size]
Enquête
La communauté bouddhiste Triratna a été fondée par Sangharakshita (à droite sur la photo), né sous le nom de Dennis Lingwood et décédé le 30 octobre dernier.[size=12]CC BY 2.0/AKUPPA JOHN WIGHAM/FLICKR [/size]
La parole se libère de plus en plus autour des phénomènes d’emprise et de dérives dans les communautés spirituelles et religieuses, quelle que soit la confession. Cette fois-ci, c’est l’univers bouddhiste qui est visé. Un rapport, daté du 30 octobre dernier, réalisé à l’initiative de neuf membres de la communauté de Triratna, vient d’être révélé au grand public grâce à l’article publié par l’hebdomadaire britannique The Observer, le 21 juillet.
Parmi les 423 personnes interrogées sur un réseau de 2 000 membres établi dans 29 pays du monde, dont la France, près d’une sur cinq – 16 % précisément – aurait été victime ou témoin d’abus sexuels, sans avoir été contactée par la « procédure de réparation » mise en place en 2017.
Un système déviant qui a été instauré par le fondateur du mouvement, lui-même, Sangharakshita, né sous le nom de Dennis Lingwood et décédé le 30 octobre 2018. Initié au bouddhisme par des moines tibétains en Inde, où il a passé vingt ans, ce Britannique est revenu en Angleterre et a fondé en 1967 les Amis de l’Ordre Bouddhiste Occidental (AOBO), renommé par la suite « Communauté bouddhiste Triratna ». Il y a développé sa propre interprétation de la spiritualité bouddhiste.
« Beaucoup d’idées étaient peu orthodoxes, note The Observer. Lingwood encourageait les adeptes hétérosexuels à expérimenter l’homosexualité pour accroître leur ouverture d’esprit. Il se montrait très critique de la famille nucléaire [deux parents et leurs enfants, NDLR] et des communautés mixtes en général. »
Les abus s’avèrent aussi d’ordre financier. « Les membres les plus investis peuvent subir des pressions pour travailler, parfois à temps complet, au service de la communauté à bas salaire », déplore l’ancien membre Mark Dunlop, interrogé par La Croix.
Abusé sexuellement, comme d’autres adhérents, par le fondateur de Triratna, ce dernier décide de quitter le mouvement en 1986 après y avoir passé quatorze ans. D’après Mark Dunlop, « un certain nombre de membres de l’ordre ont imité le comportement de Sangharakshita ».
Les témoignages cités dans le rapport le confirment. « J’ai été sexuellement abusé par un ancien membre de l’ordre », confie un adepte ordonné depuis plus de quinze ans. « Je connais plusieurs cas et les détails sont affreux, déclare un autre, également au sein de Triratna depuis plus de quinze ans. Ils comprennent des interventions douteuses des membres dont les profils sont les plus en vue pour décourager les victimes de porter plainte. »
Contactée par La Croix, la communauté Triratna affirme être au courant de ces dérives depuis plus de vingt ans, sans avoir jamais exclu Sangharakshita pour autant. « Notre objectif principal consiste à veiller au bien-être de tous ceux qui ont souffert dans le passé. Nous nous engageons autant que possible à résoudre leurs problèmes », poursuit l’institution. En 2013, les responsables ont en effet engagé « un travail formel de protection ».
Lancée quatre ans plus tard, la « procédure de réparation » doit, elle, permettre d’« apprendre à approfondir les discussions difficiles, à revenir sur les erreurs du passé, à en tirer des enseignements et à proposer des politiques, des protocoles, des procédures précis ainsi que des formations pour aider à faire face de manière plus efficace aux défis que la communauté rencontrera à partir de maintenant et dans le futur », peut-on lire sur le site de Triratna.
Or, d’après les conclusions du rapport publié le 30 octobre, « il y a potentiellement des dizaines de personnes blessées par de mauvais comportements qui n’ont pas reçu de soutien dans le cadre de [cette] procédure ».
Difficile cependant, pour la psychologue anglaise Michelle Haslam, de se prononcer sur le mouvement fondé par Sangharakshita. Cette ex-adhérente de la Nouvelle Tradition Kadampa – qui s’appuie sur la tradition du bouddhisme tibétain Kadampa – et auteure d’un rapport sur ses dérives sectaires explique qu’« il est vraiment compliqué de définir une secte. Beaucoup de personnes considèrent que Triratna est une secte, d’autres non. C’est une question d’interprétation ».
Enquête
Un rapport réalisé par neuf des 2 000 membres de la communauté bouddhiste Triratna et mis en lumière par The Observer révèle que de nombreux adhérents ont été victimes ou témoins d’abus sexuels. Si des mesures ont bien été prises, cela s’avère insuffisant, selon la majorité des personnes interrogées.
- Augustine Passilly,
- le 24/07/2019 à 16:46
- Modifié le 24/07/2019 à 16:58
La communauté bouddhiste Triratna a été fondée par Sangharakshita (à droite sur la photo), né sous le nom de Dennis Lingwood et décédé le 30 octobre dernier.[size=12]CC BY 2.0/AKUPPA JOHN WIGHAM/FLICKR [/size]
La parole se libère de plus en plus autour des phénomènes d’emprise et de dérives dans les communautés spirituelles et religieuses, quelle que soit la confession. Cette fois-ci, c’est l’univers bouddhiste qui est visé. Un rapport, daté du 30 octobre dernier, réalisé à l’initiative de neuf membres de la communauté de Triratna, vient d’être révélé au grand public grâce à l’article publié par l’hebdomadaire britannique The Observer, le 21 juillet.
Parmi les 423 personnes interrogées sur un réseau de 2 000 membres établi dans 29 pays du monde, dont la France, près d’une sur cinq – 16 % précisément – aurait été victime ou témoin d’abus sexuels, sans avoir été contactée par la « procédure de réparation » mise en place en 2017.
Le fondateur Sangharakshita à l’origine des abus sexuels
Un système déviant qui a été instauré par le fondateur du mouvement, lui-même, Sangharakshita, né sous le nom de Dennis Lingwood et décédé le 30 octobre 2018. Initié au bouddhisme par des moines tibétains en Inde, où il a passé vingt ans, ce Britannique est revenu en Angleterre et a fondé en 1967 les Amis de l’Ordre Bouddhiste Occidental (AOBO), renommé par la suite « Communauté bouddhiste Triratna ». Il y a développé sa propre interprétation de la spiritualité bouddhiste.
« Beaucoup d’idées étaient peu orthodoxes, note The Observer. Lingwood encourageait les adeptes hétérosexuels à expérimenter l’homosexualité pour accroître leur ouverture d’esprit. Il se montrait très critique de la famille nucléaire [deux parents et leurs enfants, NDLR] et des communautés mixtes en général. »
Les abus s’avèrent aussi d’ordre financier. « Les membres les plus investis peuvent subir des pressions pour travailler, parfois à temps complet, au service de la communauté à bas salaire », déplore l’ancien membre Mark Dunlop, interrogé par La Croix.
Abusé sexuellement, comme d’autres adhérents, par le fondateur de Triratna, ce dernier décide de quitter le mouvement en 1986 après y avoir passé quatorze ans. D’après Mark Dunlop, « un certain nombre de membres de l’ordre ont imité le comportement de Sangharakshita ».
Les témoignages cités dans le rapport le confirment. « J’ai été sexuellement abusé par un ancien membre de l’ordre », confie un adepte ordonné depuis plus de quinze ans. « Je connais plusieurs cas et les détails sont affreux, déclare un autre, également au sein de Triratna depuis plus de quinze ans. Ils comprennent des interventions douteuses des membres dont les profils sont les plus en vue pour décourager les victimes de porter plainte. »
Une procédure de réparation est en cours
Contactée par La Croix, la communauté Triratna affirme être au courant de ces dérives depuis plus de vingt ans, sans avoir jamais exclu Sangharakshita pour autant. « Notre objectif principal consiste à veiller au bien-être de tous ceux qui ont souffert dans le passé. Nous nous engageons autant que possible à résoudre leurs problèmes », poursuit l’institution. En 2013, les responsables ont en effet engagé « un travail formel de protection ».
Lancée quatre ans plus tard, la « procédure de réparation » doit, elle, permettre d’« apprendre à approfondir les discussions difficiles, à revenir sur les erreurs du passé, à en tirer des enseignements et à proposer des politiques, des protocoles, des procédures précis ainsi que des formations pour aider à faire face de manière plus efficace aux défis que la communauté rencontrera à partir de maintenant et dans le futur », peut-on lire sur le site de Triratna.
Or, d’après les conclusions du rapport publié le 30 octobre, « il y a potentiellement des dizaines de personnes blessées par de mauvais comportements qui n’ont pas reçu de soutien dans le cadre de [cette] procédure ».
Difficile cependant, pour la psychologue anglaise Michelle Haslam, de se prononcer sur le mouvement fondé par Sangharakshita. Cette ex-adhérente de la Nouvelle Tradition Kadampa – qui s’appuie sur la tradition du bouddhisme tibétain Kadampa – et auteure d’un rapport sur ses dérives sectaires explique qu’« il est vraiment compliqué de définir une secte. Beaucoup de personnes considèrent que Triratna est une secte, d’autres non. C’est une question d’interprétation ».