[size=38]En Cisjordanie occupée, des archéologues évangéliques soutenus par Israël[/size]
Des touristes visitent le site archéologique de Shiloh, en Cisjordanie, le 12 mars 2019.[size=12]SEBASTIAN SCHEINER/AP[/size]
À quelques mètres de la colonie israélienne de Shiloh, en Cisjordanie occupée, une vingtaine d’archéologues amateurs s’affairent sur une zone de la taille d’un demi-terrain de football. Pour la plupart américains, ces bénévoles, tous évangéliques, paient près de 1 000 dollars (884 €) la semaine pour rejoindre les « Associates for Biblical Research », un « ministère » fondé par l’archéologue américain Scott Stripling.
Défenseurs d’une archéologie où la Bible a valeur de document historique tangible, ses membres sont convaincus qu’un trésor repose sous leurs pieds : les vestiges du Tabernacle, la tente qui, dans l’Ancien Testament, aurait abrité les Tables de la Loi.
Depuis la Convention de La Haye, en 1954, il est pourtant interdit de creuser dans un territoire occupé. À une exception près : quand une menace pèse sur le patrimoine. C’est l’argument régulièrement utilisé par Scott Stripling pour justifier ses travaux. Pour les chrétiens messianiques comme lui, aider les juifs à s’approprier la terre de leurs ancêtres permet de créer les conditions du retour du Messie.
Mais dans le même temps, l’action de ces ultra-religieux revient à soutenir la présence illégale de l’État hébreu en « Judée Samarie », le nom biblique de la Cisjordanie. Si Scott Stripling et ses camarades répètent à l’envi « ne rien avoir contre les Palestiniens », ils considèrent qu’ils n’ont « rien à faire » sur ces terres. Selon leur vision historico-religieuse, elles appartiennent à Israël.
Organisées avec le soutien de l’administration civile israélienne en charge de la zone C (la partie des Territoires palestiniens entièrement contrôlée par Israël), ces fouilles sont toutefois loin de faire l’unanimité au sein de l’État hébreu. Dimanche 19 mai, la Cour suprême israélienne a retoqué la pétition de deux ONG israéliennes demandant que soit rendue publique toute information relative aux fouilles faites en Cisjordanie afin de faire interdire les recherches illégales. Selon les juges, une telle décision risquait d’exposer les archéologues concernés à un boycott académique mais aussi de « saper ses intérêts (ceux d’Israël) dans le cadre de futures négociations avec l’Autorité palestinienne » ou de « servir de moyen d’attaque pour ceux qui cherchent à nuire à Israël sur la scène internationale ».
Pour Yonathan Mizrahi, archéologue et président de Emek Shaveh, l’une des deux ONG signataires, la collaboration entre ces archéologues et Israël est une façon pour l’État hébreu de « justifier sa présence » à Jérusalem-Est, annexé par l’État hébreu, et en Cisjordanie occupée. Depuis 2013, son organisation œuvre pour la défense des droits du patrimoine culturel et la protection des sites antiques en tant que biens publics, appartenant à toutes les communautés.
Sous son chapeau de cow-boy qui lui donne des airs d’Indiana Jones, Scott Stripling s’émeut peu de ces débats : « Peu importe qui gère la zone. Sans nous, ces vestiges risquent d’être perdus. Si le conflit est un jour résolu, celui qui aura le contrôle du territoire aura accès aux objets. » De fait, aujourd’hui, cet « accès » est réservé aux Antiquités israéliennes qui, pour la troisième année consécutive, aident l’archéologue et son équipe à analyser les pièces récoltées.
L’an dernier, une grenade en céramique, un fruit associé au Tabernacle, a renforcé leur conviction que la « tente d’assignation » a bel et bien existé. Fort de ce succès, l’organisation de Scott Stripling a déjà prévu de revenir creuser à Shiloh au moins jusqu’en 2020.
Des archéologues évangéliques cherchent à prouver l’existence de sites mentionnés dans la Bible. Soutenues par les autorités israéliennes mais illégales au regard du droit international, leurs fouilles font débat en Israël.
- Salomé Parent (à Shiloh en Cisjordanie occupée),
- le 11/06/2019 à 07:31
Des touristes visitent le site archéologique de Shiloh, en Cisjordanie, le 12 mars 2019.[size=12]SEBASTIAN SCHEINER/AP[/size]
À quelques mètres de la colonie israélienne de Shiloh, en Cisjordanie occupée, une vingtaine d’archéologues amateurs s’affairent sur une zone de la taille d’un demi-terrain de football. Pour la plupart américains, ces bénévoles, tous évangéliques, paient près de 1 000 dollars (884 €) la semaine pour rejoindre les « Associates for Biblical Research », un « ministère » fondé par l’archéologue américain Scott Stripling.
Défenseurs d’une archéologie où la Bible a valeur de document historique tangible, ses membres sont convaincus qu’un trésor repose sous leurs pieds : les vestiges du Tabernacle, la tente qui, dans l’Ancien Testament, aurait abrité les Tables de la Loi.
Soutien à la présence illégale d’Israël
Depuis la Convention de La Haye, en 1954, il est pourtant interdit de creuser dans un territoire occupé. À une exception près : quand une menace pèse sur le patrimoine. C’est l’argument régulièrement utilisé par Scott Stripling pour justifier ses travaux. Pour les chrétiens messianiques comme lui, aider les juifs à s’approprier la terre de leurs ancêtres permet de créer les conditions du retour du Messie.
Mais dans le même temps, l’action de ces ultra-religieux revient à soutenir la présence illégale de l’État hébreu en « Judée Samarie », le nom biblique de la Cisjordanie. Si Scott Stripling et ses camarades répètent à l’envi « ne rien avoir contre les Palestiniens », ils considèrent qu’ils n’ont « rien à faire » sur ces terres. Selon leur vision historico-religieuse, elles appartiennent à Israël.
Organisées avec le soutien de l’administration civile israélienne en charge de la zone C (la partie des Territoires palestiniens entièrement contrôlée par Israël), ces fouilles sont toutefois loin de faire l’unanimité au sein de l’État hébreu. Dimanche 19 mai, la Cour suprême israélienne a retoqué la pétition de deux ONG israéliennes demandant que soit rendue publique toute information relative aux fouilles faites en Cisjordanie afin de faire interdire les recherches illégales. Selon les juges, une telle décision risquait d’exposer les archéologues concernés à un boycott académique mais aussi de « saper ses intérêts (ceux d’Israël) dans le cadre de futures négociations avec l’Autorité palestinienne » ou de « servir de moyen d’attaque pour ceux qui cherchent à nuire à Israël sur la scène internationale ».
Grenade en céramique
Pour Yonathan Mizrahi, archéologue et président de Emek Shaveh, l’une des deux ONG signataires, la collaboration entre ces archéologues et Israël est une façon pour l’État hébreu de « justifier sa présence » à Jérusalem-Est, annexé par l’État hébreu, et en Cisjordanie occupée. Depuis 2013, son organisation œuvre pour la défense des droits du patrimoine culturel et la protection des sites antiques en tant que biens publics, appartenant à toutes les communautés.
Sous son chapeau de cow-boy qui lui donne des airs d’Indiana Jones, Scott Stripling s’émeut peu de ces débats : « Peu importe qui gère la zone. Sans nous, ces vestiges risquent d’être perdus. Si le conflit est un jour résolu, celui qui aura le contrôle du territoire aura accès aux objets. » De fait, aujourd’hui, cet « accès » est réservé aux Antiquités israéliennes qui, pour la troisième année consécutive, aident l’archéologue et son équipe à analyser les pièces récoltées.
L’an dernier, une grenade en céramique, un fruit associé au Tabernacle, a renforcé leur conviction que la « tente d’assignation » a bel et bien existé. Fort de ce succès, l’organisation de Scott Stripling a déjà prévu de revenir creuser à Shiloh au moins jusqu’en 2020.