Monaco et la religion catholique
Christine Pignarre - publié le 01/07/2011
L'avortement thérapeutique a été dépénalisé il y a seulement deux ans dans la cité monégasque. Cette mesure étonnamment tardive nous invite, à l'heure où l'on ne parle du rocher qu'à travers le mariage du prince Albert, à analyser les rapports existants entre la Principauté et l’Eglise Romaine.
Ancienne monarchie de droit divin, Monaco est depuis la constitution de 1962, une monarchie constitutionnelle héréditaire. Loin de la laïcité revendiquée en territoire français, la religion catholique, en vertu de l’article 9, y est reconnue comme religion d’Etat, ce qui n’exclut pas pour autant l’exercice d’autres religions (Cf. art.23). Si les liens étroits entre le pouvoir temporel du prince et ceux de la papauté sont réels, on peut s’interroger quant à leur nature.
La bonne entente entre les deux autorités est capitale ; en témoignent les visites régulières des familles souveraines auprès du pape. La dernière en date remonte à la visite du prince Albert au pape Benoit XVI en octobre 2009, tandis qu’une rencontre de ce dernier à Monaco est prévue l'année prochaine, ce qui n’est pas arrivé depuis le XVIe siècle.
Quant aux prérogatives du prince sur le clergé, elles se sont amoindries depuis le concile Vatican II. Il n’a plus en charge par exemple, la nomination de l’archevêque, et son rôle en matière religieuse revêt davantage un caractère consultatif. De la même manière, l’Eglise romaine n’a pas a priori de pouvoir sur les décisions politiques. Toutefois, des évènements récents invitent à penser à une certaine ingérence de la part de Rome. C’est le cas notamment du débat sur l’avortement, qui pendant cinq ans a opposé le ministre d’Etat à l’archevêque, avant d’être dépénalisé partiellement en 2009. Ou bien encore celui plus actuel portant sur l'euthanasie, où la pression des autorités catholiques annihile toute possibilités d'évolution sur la question.
Ces rapprochements entre les deux pouvoirs – spirituel et temporel – trouvent leur source à l'origine même de l'histoire des Grimaldi et de la cité monégasque. Quand en 1297, la famille Grimaldi – dont le prince Albert est l’actuel héritier – s’empare de la cité monégasque, elle se lie très rapidement avec les communautés chrétiennes en place ; fonctionnant sur un système de patronage et de collations de bénéfices ecclésiastiques, bien propre à l’époque médiévale. Les princes, à l’instar de la majorité de la population autochtone, font le choix de se ranger du côté des Guelfes – faction papiste, opposée à celle dite des Gibelins, dans les luttes de pouvoir pour la gouvernance du Saint-Empire-Germanique. C’est donc très tôt que les Grimaldi revendiquent leur soutien à Rome, dans une double perspective : il s’agit de s’affirmer face aux états forts voisins tout en légitimant le caractère divin de la dynastie.
Ainsi, la période moderne se confond avec la lutte continue menée par les princes pour obtenir l’émancipation religieuse du territoire de Monaco, face au puissant évêché de Nice. Ils obtiennent satisfaction au milieu du XVIIIe siècle, où le concordat de 1751 fixe les bases de l’indépendance religieuse de la cité, en la plaçant directement sous l’autorité de la papauté. Décision entérinée par la création de l’évêché de Monaco en 1887, élevé au rang d’archevêché en 1981.
Le mariage religieux de ce samedi 2 juillet, célébré par l'archevêque Mgr Barsi, est l'occasion de réactualiser l'attachement fort de la principauté à la religion catholique. Le dépôt du bouquet par la mariée dans l'église Sainte-Dévote – église construite à la mémoire de la sainte patronne de Monaco, également celle de la famille princière – est une tradition répétée à chaque mariage. Elle traduit la volonté d’enraciner la dynastie des Grimaldi sur le sol monégasque et rappelle la dimension religieuse du pouvoir politique en place.
http://www.lemondedesreligions.fr/actualite/monaco-et-la-religion-catholique-01-07-2011-1684_118.php
Christine Pignarre - publié le 01/07/2011
L'avortement thérapeutique a été dépénalisé il y a seulement deux ans dans la cité monégasque. Cette mesure étonnamment tardive nous invite, à l'heure où l'on ne parle du rocher qu'à travers le mariage du prince Albert, à analyser les rapports existants entre la Principauté et l’Eglise Romaine.
Ancienne monarchie de droit divin, Monaco est depuis la constitution de 1962, une monarchie constitutionnelle héréditaire. Loin de la laïcité revendiquée en territoire français, la religion catholique, en vertu de l’article 9, y est reconnue comme religion d’Etat, ce qui n’exclut pas pour autant l’exercice d’autres religions (Cf. art.23). Si les liens étroits entre le pouvoir temporel du prince et ceux de la papauté sont réels, on peut s’interroger quant à leur nature.
La bonne entente entre les deux autorités est capitale ; en témoignent les visites régulières des familles souveraines auprès du pape. La dernière en date remonte à la visite du prince Albert au pape Benoit XVI en octobre 2009, tandis qu’une rencontre de ce dernier à Monaco est prévue l'année prochaine, ce qui n’est pas arrivé depuis le XVIe siècle.
Quant aux prérogatives du prince sur le clergé, elles se sont amoindries depuis le concile Vatican II. Il n’a plus en charge par exemple, la nomination de l’archevêque, et son rôle en matière religieuse revêt davantage un caractère consultatif. De la même manière, l’Eglise romaine n’a pas a priori de pouvoir sur les décisions politiques. Toutefois, des évènements récents invitent à penser à une certaine ingérence de la part de Rome. C’est le cas notamment du débat sur l’avortement, qui pendant cinq ans a opposé le ministre d’Etat à l’archevêque, avant d’être dépénalisé partiellement en 2009. Ou bien encore celui plus actuel portant sur l'euthanasie, où la pression des autorités catholiques annihile toute possibilités d'évolution sur la question.
Ces rapprochements entre les deux pouvoirs – spirituel et temporel – trouvent leur source à l'origine même de l'histoire des Grimaldi et de la cité monégasque. Quand en 1297, la famille Grimaldi – dont le prince Albert est l’actuel héritier – s’empare de la cité monégasque, elle se lie très rapidement avec les communautés chrétiennes en place ; fonctionnant sur un système de patronage et de collations de bénéfices ecclésiastiques, bien propre à l’époque médiévale. Les princes, à l’instar de la majorité de la population autochtone, font le choix de se ranger du côté des Guelfes – faction papiste, opposée à celle dite des Gibelins, dans les luttes de pouvoir pour la gouvernance du Saint-Empire-Germanique. C’est donc très tôt que les Grimaldi revendiquent leur soutien à Rome, dans une double perspective : il s’agit de s’affirmer face aux états forts voisins tout en légitimant le caractère divin de la dynastie.
Ainsi, la période moderne se confond avec la lutte continue menée par les princes pour obtenir l’émancipation religieuse du territoire de Monaco, face au puissant évêché de Nice. Ils obtiennent satisfaction au milieu du XVIIIe siècle, où le concordat de 1751 fixe les bases de l’indépendance religieuse de la cité, en la plaçant directement sous l’autorité de la papauté. Décision entérinée par la création de l’évêché de Monaco en 1887, élevé au rang d’archevêché en 1981.
Le mariage religieux de ce samedi 2 juillet, célébré par l'archevêque Mgr Barsi, est l'occasion de réactualiser l'attachement fort de la principauté à la religion catholique. Le dépôt du bouquet par la mariée dans l'église Sainte-Dévote – église construite à la mémoire de la sainte patronne de Monaco, également celle de la famille princière – est une tradition répétée à chaque mariage. Elle traduit la volonté d’enraciner la dynastie des Grimaldi sur le sol monégasque et rappelle la dimension religieuse du pouvoir politique en place.
http://www.lemondedesreligions.fr/actualite/monaco-et-la-religion-catholique-01-07-2011-1684_118.php