[size=33]Téléphonie : pourquoi le chargeur universel est dans l'impasse[/size]
- Par Arthur Marcadé
- Publié le 10/08/2018 à 06:00
Face au peu de progrès réalisés par les fabricants de portables, la Commission européenne veut relancer son projet d'harmonisation des chargeurs initié il y a bientôt dix ans.
Le dossier du chargeur unique et universel est de retour sur la table de la Commission européenne. Objectif affiché: parvenir à un seul et même chargeur pour tous les téléphones mobiles, tablettes, GPS et autres instruments électroniques vendus dans l'Union européenne, toutes marques confondues. Une ambition qui fait sens lorsque l'on sait que 51.000 tonnes de déchets électroniques sont constituées uniquement de chargeurs chaque année selon l'exécutif européen.
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Les discussions entre l'UE et 14 fabricants de portables (Samsung, Nokia, Huawei, Apple...) avaient commencé en 2009, et n'ont manifestement pas porté leurs fruits. «Au vu des progrès insatisfaisants de cette démarche volontaire, la Commission lancera bientôt une étude d'impact pour évaluer les avantages et les inconvénients des différentes possibilités», a déclaré mardi la Commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestage. «L'incompatibilité des chargeurs de téléphone portable constitue non seulement un problème pour les utilisateurs, mais aussi une préoccupation environnementale d'envergure au sein de l'Union européenne», avait affirmé la Commission lors du lancement de la concertation en 2009. Cette dernière avait abouti à un accord la même année, aux termes duquel les fabricants de téléphones s'engageaient à lancer leur production de chargeurs uniformisés.
Des résultats très limités
Près de trois ans après la signature du premier protocole entre la Commission européenne et les 14 fabricants, la volonté de l'exécutif européen était partiellement réalisée. La majorité des appareils concernés, au premier rang desquels Samsung et Huawei, emploient désormais des chargeurs micro-USB. Néanmoins, plus de la moitié des entreprises présentes autour de la table en 2009 n'ont pas renouvelé l'accord les années suivantes. Et les appareils sont toujours vendus accompagnés d'un chargeur dédié, ce qui ne satisfait en rien les objectifs environnementaux de Bruxelles.
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Autre ombre au tableau, et pas des moindres, le géant Apple résiste encore et toujours aux normes européennes. «Nous attendions une attitude volontaire de la part des entreprises. Certaines ont joué le jeu, comprenant surtout l'aspect écologique du dossier, mais nous sommes encore en négociation avec d'autres qui restent plus difficiles à convaincre», admet-on au sein de la Commission. La firme récemment valorisée à 1000 milliards de dollars a beau avoir signé les accords successifs à ce sujet avec la Commission en 2009, 2013 et 2014 alors que d'autres quittaient le navire (comme Sony, Motorolla, Sony Ericsson...), elle se refuse toujours à abandonner son chargeur «Lightning», qui ne fonctionne qu'avec ses appareils les plus récents et fait partie intégrante de son image de marque.
Un nouveau texte signé par sept fabricants - Apple, Samsung, Google, Sony, LG, Lenovo et Motorola - en mars dernier était censé avoir fait bouger les lignes. En apparence seulement. Car s'ils se sont engagés à ce que leurs appareils soient rechargeables avec un connecteur USB-C (c'est déjà le cas pour la plupart), plus performant et de meilleure qualité, il n'en reste pas moins que l'autre bout, celui qui se raccorde au téléphone, peut varier. C'est ainsi que les fabricants continuent d'utiliser la connectique de leur choix.
Manque de réalisme
Étrangement, la Commission semblait admettre dans un rapport de 2014 avoir des espoirs limités quant à la réalisation pleine et entière de ses objectifs. Elle relevait notamment que l'harmonisation des chargeurs représenterait des coûts bien plus importants pour les fabricants, avec des augmentations de 20 à 30%, soit un coût supplémentaire de 70 millions d'euros par an pour chaque vendeur. Ce qui ne l'a pas empêché en 2014 de s'engager à imposer le chargeur universel au plus tard en 2017...
L'harmonisation n'est «pas évidente», admet notre source au sein de la Commission. «La puissance ou la vitesse nécessaire au chargement évolue sans arrêt selon les nouveaux modèles de téléphone. Il y a eu une réelle volonté de la part du Parlement et de la Commission européenne de relancer l'accord, mais après quatre ans de négociations, nous avons compris que nous avions manqué d'ambition et de réalisme dans ce dossier».
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Faut-il en passer par la loi et imposer des sanctions aux fabricants contrevenants? Ce serait une «mauvaise stratégie», explique-t-on à Bruxelles: «notre but est d'avancer sur ce dossier en satisfaisant toutes les parties.» Dans ces conditions, et malgré la détermination officiellement affichée par la Commissaire à la concurrence, le chargeur universel semble bien parti pour se faire attendre encore longtemps...