Cette analyse traite d'un sujet particulièrement méconnu pour le lectorat français qui cherche des informations sérieuses et honnêtes à ce propos.
Attention : commencez par lire la 1ère Partie pour une bonne compréhension. Texte Original Complet à partir duquel a été réalisée l'adaptation en français en Deux Parties
L'avenir politique de la Soka Gakkai et du Komeito
Entre le 22 et le 29 septembre 2015, j'ai correspondu (en japonais) avec un peu plus d'une douzaine d'adhérents de Gakkai que j'ai connus grâce à quinze années de travail ethnographique soutenu en tant que chercheur non membre sur les activités de Gakkai au Japon.
Leurs réponses indiquent que soutenir le Komeito reste une composante centrale, bien que de plus en plus complexe, de la vie de Gakkai. Les membres que je connais ont développé des façons sophistiquées et parfois surprenantes d'interpréter les nouvelles lois en fonction de leur compréhension des principes bouddhistes de Nichiren et des enseignements de leur maître Daisaku Ikeda. Ici, je fournis certaines traductions de quelques-uns des membres qui m'ont donné la permission de traduire leurs réflexions sous des pseudonymes.
Les membres que je cite, à l'exception de la dernière personne, sont des anciens de l'Université Soka qui sont passés il y a des années de la division des jeunes hommes à la division des hommes, une étape marquante chez les hommes de Gakkai. Ils sont âgés de la mi-quarantaine à la mi-cinquantaine, et tous sont des adhérents de la deuxième génération de Gakkai. Ils vivent dans la région métropolitaine de Tokyo. Ils représentent ce que l'on pourrait considérer comme la réussite paradigmatique de la Soka Gakkai : leurs parents ont grandi dans la pauvreté durant les années d'après-guerre et se sont sacrifiés pour envoyer leurs fils à l'Université Soka relativement nouvelle (fondée en 1971). Ces enfants ont étudié dur et ont réussi avec succès dans une variété de vocations après l'obtention du diplôme. Étant donné leur éducation dans l'école phare de la Soka Gakkai, ils représentent une forme d'élite masculine de Gakkai.
Mon enquête préliminaire sur les attitudes de certains hommes représentatifs de Gakkai permet un aperçu sur les postures des cadres locaux de Gakkai qui connaissent les questions entourant la législation sur la sécurité et qui réfléchissent à la formulation de moyens pour encourager les autres à continuer à soutenir le Komeito, même si l'idéal change de cap.
Comme tout enfant né de parents pratiquants qui a grandi dans les écoles Soka, ces cadres bouddhistes sont des camarades de classe, peut-être des amis, avec les signataires de l'Association de l'Université Soka condamnant les nouvelles lois, et ils partagent beaucoup, spirituellement, existentiellement, avec Amano Tatsushi.
Mais ils ont des vues très différentes…
Nishino, un membre au début de la cinquantaine, il travaille comme administrateur système pour une entreprise du centre de Tokyo. Il habite juste au-dessus de la frontière municipale de Tokyo, dans la banlieue de la préfecture de Chiba, où il sert comme chef de chapitre et supervise environ deux cents familles de Gakkai. Il a répondu en détail à une question directe que je lui ai posée : que pensez-vous du soutien du Komeito à la législation sur la sécurité ?
Sa réponse. « Fondamentalement, je prends position de soutenir la législation sur la sécurité. » Il dit carrément : « 1) Je suis surtout satisfait du contenu des textes législatifs, 2) Je suis une personne avec des responsabilités administratives au sein de Soka Gakkai, et 3) Je trouve les opinions du camp de l'opposition gênantes. Je n'ai pas diffusé mon opinion, alors il est peut-être apparu que je suis tacitement d'accord avec les manifestants. Je veux clarifier ma position. Considérant le soutien de Gakkai au Komeito, je pense que nous sommes maintenant à la croisée des chemins. Pendant longtemps, le Komeito servit dans l'opposition, et nous pouvions montrer d'humbles exemples d'accomplissements pratiques (peut-être microscopiques) ; ceux-ci nous ont donné un sentiment de satisfaction. Les temps ont changé, le parti a rejoint l'administration au pouvoir, et en peu de temps (franchement, à notre grande surprise) nous avons pu apprendre ce que c'est que de réaliser des promesses de campagne et des politiques au-delà de nos attentes. Alors était née la cohésion de la Soka Gakkai et de la haute direction du parti politique savourant ensemble les souvenirs [de ces victoires]. Bien sûr, nous, les supporteurs locaux, avons continué nos activités sans changement, parce que Gakkai est la représentation du soutien uni au Komeito. »
« Mais alors, pourquoi le soutien s'est-il divisé au sein des divisions locales du Gakkai ? Mon sentiment personnel est que, à la base, l'organisation est divisée entre 1) un groupe qui a connu la pureté, ou la noblesse, du bon vieux temps de Komeito et Soka Gakkai résistant au pouvoir autoritaire, 2) un deuxième groupe composé de personnes qui exerce l'autorité et, tout en recevant toutes les critiques, assume toute la responsabilité de la gestion de l'organisation. Les deux groupes, de différentes manières, extraient des citations de la pensée et de la philosophie de maître Ikeda, alors qu'ils se dressent les uns contre les autres. Donc, vu de l'extérieur, il est peut-être difficile de comprendre ce qui se passe. Particulièrement parce que le thème cette fois est la « paix », en considérant la volumétrie des écrits et des discours d'Ikeda sur ce thème, et qui sont des produits spécifiques à leur temps, et qui sont de ceux qui parlent de préoccupations universelles, je dirais que le groupe protestant à la bonne position. »
Nishino a continué à réfléchir sur où il croit que Soka Gakkai se dirige dans le futur. Pour clarifier ses points, il s'est appuyé sur des interprétations bouddhistes complexes de Nichiren pour encadrer son opinion négative vis-à-vis des adhérents de Gakkai qui se sont opposés au Komeito. Ses explications s'étendaient bien au-delà des fracas médiatiques pour englober une exégèse novatrice des concepts de Nichiren, une élaboration doctrinale qui fait partie de sa tentative de préparer les membres de Gakkai à un monde après [le décès de] Daisaku Ikeda.
« La doctrine de l'organisation religieuse indique qu'il ne devrait même pas y avoir un cheveu de compromis, mais dans la réalisation quotidienne des activités de base du prosélytisme, de la sollicitation à la souscriptions des abonnements au Seikyō Shinbun, et de l'administration, il est évident que diverses opinions émergent. Un aspect splendide de la Soka Gakkai est que, finalement, les différents membres parviennent à un consensus dans la mesure où ils respectent mutuellement les points de vue des uns et des autres. Je suis profondément convaincu par les conseils de maître Ikeda sur ce point, quand il a dit que si : le Christ, le Bouddha et Mahomet se rencontraient pour parler entre eux, ils atteindraient une grande compréhension mutuelle pour le bonheur et la paix de l'humanité. »
« Alors, dans ces moments-là, quand les opinions au sein de l'administration de Gakkai et celles d'une autre organisation de soutien ne concordent pas, qu'y a-t-il à faire? Je crois qu'une norme facile pour déterminer vient de la doctrine des cinq comparaisons de Nichiren1 [qui permet d'établir l'authenticité de la doctrine bouddhiste]. Jusqu'à présent, Nichiren Shōshū et Soka Gakkai sont d'accord, mais en étudiant ces distinctions, mes collègues et moi avons pris la position suivante [de formuler deux autres comparaisons] :
6) Comparaison entre Secte et Gakkai (Nichiren Shōshū ou Soka Gakkai) ;
7) Comparaison entre Ikeda et Gakkai (maître Ikeda ou Soka Gakkai).
Je pense qu'en ce moment, la distinction nécessaire pour préserver une religion correcte est le niveau sept. »
« La faction opposée à la législation sur la sécurité cite autant Ikeda [que les autres membres de Gakkai]. Mais qui gagne de leurs actions ? Des gens du côté anti-Soka qui, comme « observateurs de Gakkai », recueillent les commentaires des manifestants en tant que professionnels ; les médias de masse qui tirent profit des téléspectateurs attirés par des reportages spéciaux sur la Soka Gakkai ; et les communistes ombrageux et parasitaires qui visent secrètement à développer la force de leur parti. Si des personnes agissant comme membres de la Soka Gakkai provoquent ce genre de désordre, même si elles utilisent de nombreuses citations des écrits de maître Ikeda, et même si elles cherchent à réaliser de nobles intentions, on ne peut pas les appeler disciples de maître Ikeda. En ce qui concerne leur transmission du Dharma [l'enseignement bouddhique] ; ils ne sont rien d'autre que des 'vers dans le corps du lion' qui infestent la Soka Gakkai. »
Tous les membres avec lesquels j'ai communiqué n'ont pas exprimé leur point de vue sur le niveau d'élaboration doctrinale de Nishino. Hamasaki, un ingénieur dans la mi-quarantaine qui travaille pour une firme européenne et voyage beaucoup outre-mer, a trouvé un ton pragmatique :
« La législation sur la sécurité est également devenue un sujet de discussion à l'étranger, n'est-ce pas ? La relation entre Komeito et Soka Gakkai, la relation entre ces organisations et les manifestations a été décrite dans les médias. Même à l'intérieur de la Soka Gakkai il y a des gens qui ont des façons de penser différentes, il y a donc des gens qui s'opposent à cette loi. Mais personnellement, je pense que l'engagement politique et la mobilisation de Gakkai sont séparés. En ce qui concerne les gens qui étaient à la manifestation brandissant des pancartes avec le visage de maître Toda [deuxième président de Gakkai] et d'autres images [de politiciens du Komeito], je doute que ces gens étaient de vrais adhérents de Gakkai. C'est parce que d'habitude, si vous êtes un membre de Gakkai, vous n'apporteriez pas une photo du Grand Maître Toda à un endroit comme ça. Je ne pense pas non plus que vous apportiez le drapeau tricolore pour déclarer « je m'oppose à ce statut en tant que membre de Gakkai ! » à un mouvement de protestations qui ne sait rien [de la Soka Gakkai]. »
« Donc, je pense que ce sont les gens anti-Gakkai habituels ou ceux qui utilisent Gakkai dans le cadre d'un travail d'appoint. Ou ce sont des membres de Gakkai, mais peut-être avec des idées bizarres. Cela étant dit, en ce qui concerne cette législation, il semble y avoir des arguments pour et contre, et pas un simple argument en faveur du Komeito. Plutôt que de dire que je soutiens la décision [sur la législation sur la sécurité], je pense que le Komeito doit gérer cette question avec soin. Le Komeito est dépendant de la force numérique écrasante du PLD [le parti au pouvoir de Shinzo Abe], donc je ne sais pas où le Komeito devrait intervenir, mais je veux voir le parti jouer son rôle en faisant preuve de retenue au sein de la coalition gouvernementale. »
« Il y a des gens qui discutent des liens entre l'article 9 et la pensée, les publications et les conseils du président Ikeda, mais je pense que ceux-ci sont distincts de la création d'une législation. Quand il y a un tumulte sur les questions de sécurité (et il semble que ce soit principalement parce que les médias attisent les flammes quand ils identifient les groupes qui font le plus de bruit sur les questions politiques), dans chaque cas et à chaque époque il existe une manière ad hoc. »
« Mais si vous voulez avoir une vraie discussion, vous devez analyser l'interprétation de l'Article Neuf, le rôle des Forces d'Autodéfense, le contenu du Traité de Sécurité USA-Japon et la relation avec les Nations Unies, sinon une discussion fiable et une conclusion ne vont pas émerger. Vu de cette façon, je pense personnellement que le Komeito était parti chercher un moyen de proposer la meilleure politique possible. D'autres membres ont été ébranlés par les divisions de Gakkai au sujet de la sécurité. »
Andō, ingénieur de près de cinquante ans, passe son temps - en dehors du travail et de ses participations aux activités de Gakkai - à amasser des enregistrements de musique classique et à prendre des photographies spectaculaires de la nature. Il a également exprimé son soutien au Komeito, mais avec une volonté de reconnaître les critiques et un sentiment d'angoisse palpable, qu'il cherche à apaiser par un appel à la foi :
« En ce qui concerne cette législation récente - un différend discret s'est répandu dans mon district local. Les membres de la Division des femmes mariées déplorent qu'il y en ait dont le cœur soit déchiré, que certains ne viennent plus parler avec leurs amis, que certains de leurs amis ont refusé de recevoir le Seikyō Shinbun [le quotidien officiel de Gakkai]. Depuis longtemps, tout le monde a estimé que la « solidarité de la foi » était la chose la plus importante, il est donc difficile d'exprimer des opinions négatives, et je pense que tout le monde croit que l'on doit toujours avoir une pensée d'apparence consensuelle. C'est pourquoi de nombreux membres se sont tus, je pense. Les gens qui se livrent à une performance radicale dans les médias en arborant le drapeau tricolore ne sont pas vraiment des membres de Gakkai - ma femme et moi avons ri ensemble lorsque nous en avons parlé. Les membres du Komeito sont venus dans notre district pour parler de cette législation avec la Division des hommes, mais même du point de vue de ceux d'entre nous qui ont des responsabilités au sein de la Soka Gakkai, la quantité d'informations fournies était absolument dérisoire. Vous ne voyez que des nouvelles positives écrites dans le Kōmei Shinbun [journal du Komeito]. Les membres ne sont pas disposés à écouter les voix extérieures ou les médias, de sorte que l'assise pour cultiver des opinions individuelles est certainement très limitée. Je crois que le Komeito vise une « voie moyenne », peu importe si les temps sont calmes ou s'il y a une urgence. C'est la voie du milieu. Ils pensent d'abord à la vie humaine - c'est ce que je crois. »
« J'imagine que, aussi ouvert que soit le débat à la Diète, la réalité est qu'il doit y avoir des secrets strictement cachés concernant les affaires internationales. Les partis au pouvoir au Japon ont déterminé qu'il était nécessaire de créer cette nouvelle législation - je dois le croire. Donc, il y a un membre du Komeito à la Diète nommé Tōyama Kiyohiko qui joue un rôle central dans le soutien de cette législation. Il était mon cadet à la Soka Senior High School, dans le même dortoir. C'est un gars sérieux, intelligent et courageux. S'il dit « c'est bon », je dois... ne pas le croire (rires). Si j'y pense par moi-même, je ne sais pas si cette loi est bonne ou non. Ce n'est pas une réaction proactive, mais j'ai confiance en ce que le Komeito gère. »
« Dans la direction de Gakkai, il y a la façon de penser selon le principe d'utiliser « la foi au lieu de la sagesse ». Cela signifie substituer la foi à la place de la sagesse. Ces mots me viennent toujours à l'esprit quand je demande aux autres de soutenir le Komeito. Les humains ne sont pas seulement des êtres rationnels, je pense. L'intuition et les choses que l'on ne peut décrire, le mouvement de son esprit, sont importants pour l'action personnelle. Pour cette raison, je pense que quelque chose que vous « croyez », sans questionner d'où il vient, est très important. N'avons-nous pas en quelque sorte oublié la valeur de ce que signifie « croire » dans la société moderne ? Cela ne signifie pas si l'on croit que la rationalité est inutile qu'il ne faut pas étudier davantage pour approfondir sa compréhension des problèmes. A travers eux, on détermine 'qu'est-ce que je crois ?' Et comment déterminer le bonheur du malheur. »
« Je ne comprends pas vraiment ce projet de loi, et je suis toujours dans un dilemme quant à la façon d'en parler lorsque je suis appelé à le recommander à d'autres, mais au moins, je crois au Komeito en tant que parti respectueux de la vie humaine. Tous les membres avec lesquels j'ai communiqué ont exprimé leur scepticisme quant à savoir si les manifestants filmés portant le drapeau tricolore lors des manifestations étaient ou non membres de la Soka Gakkai. »
Dans ses messages, M. Tsuda, qui se nomme lui-même « membre ordinaire de la division des hommes », affirmait que « même si les manifestants étaient membres, ils étaient dupés en créant un spectacle médiatique : c'est bien si le drapeau tricolore apparaît. Les membres de Gakkai sont interviewés, mais même dans les scènes [à la télévision] quand il n'y a pas d'interview, il semble que le drapeau soit délibérément filmé, est-ce vraiment des membres de Gakkai ? Pour cette raison, les gens du Japon et les membres de Gakkai sont trompés. » Il a également exprimé des doutes quant à la légitimité de la pétition diffusée par le personnel et les anciens élèves de l'Université Soka. « Heureusement, il ne semble pas exister de membres de la protestation dans ma région, mais certains intellectuels de Gakkai participent aux manifestations, grâce à la pétition. En réalité, ce mouvement de protestation à l'Université Soka semble être guidé par quelqu'un du Hokkekō2. S'il y avait vraiment un grand mouvement de protestation à l'Université Soka, ce serait une nouvelle beaucoup plus importante, je pense. Certains membres ont reconnu une diversité d'opinions parmi leurs collègues locaux, certains exprimant des sentiments nettement centristes, d'autres de droite. »
M. Takazawa, un musicien qui vit et travaille dans l'ouest de Tokyo, a reconnu que « autour de moi il y a des gens qui expriment des opinions à la fois pour et contre. Pour moi, je pense que ce genre de loi devrait peut-être passer après la révision constitutionnelle – peut-être ? Les citoyens de ce pays, y compris moi-même, sont doux quand il s'agit de comprendre les questions de sécurité. Quand viendra le temps de soutenir les candidats du Komeito aux prochaines élections, ils demanderont que cette question ne soit pas présentée comme l'expression de leur plate-forme : c'est parce que Gakkai est une organisation qui maintient une philosophie anti-guerre que cette protestation a éclaté. Mais le Komeito est le facteur atténuant empêchant l'exercice de la force militaire. C'est ainsi que nous pouvons évaluer le problème. »
D'autres ont été encore plus direct : « Je suis contre ceux qui s'opposent à la législation sur la sécurité », a déclaré M. Nishimura, un homme d’État parmi ce groupe de l'Université Soka. « Au sein de Soka Gakkai de ma région, ces événements récents n'ont eu aucun effet. Pour expliquer la décision du Komeito, nous devons lire Nichiren, revisiter l'histoire de Gakkai et veiller à ce que le Komeito ne prenne pas ses distances par rapport à sa position pour contrer le pouvoir autoritaire. L'histoire de Gakkai est celle de la lutte contre l'autoritarisme ; nous connaissons la peur du pouvoir autoritaire. Pour cette raison, parce que le Komeito a rejoint la coalition et s'est assuré une place à partir de laquelle il peut contrôler le pouvoir coercitif violent, il doit maintenir sa responsabilité envers le peuple japonais en préservant ce rôle. Pour ce faire, le parti a choisi de s'adapter à la politique de sécurité, je pense. »
Parmi ceux que j'ai appris à connaître dans mes années de recherche ethnographique, certains ont quitté la Soka Gakkai. Un membre, que j'appellerai M. Sonoda, « est devenu profondément amer à propos de ce qu'il voit comme l'attitude singulière de la Soka Gakkai à l'égard de D. Ikeda au détriment du respect solennel pour le bouddhisme de Nichiren. » Bien qu'il soit né d'une mère dévote de Gakkai et qu'il fût lui-même un adepte dévoué jusqu'à il y a deux ans, « il psalmodie maintenant secrètement devant un gohonzon reçu de la Nichiren Shōshū - un sacrilège impensable pour les adhérents de Gakkai - et il ridiculise le Komeito en le considérant comme une faction du Parti Libéral Démocrate. » Son opposition à Gakkai et au Komeito, cependant, ne s'est pas traduite par une opposition à la législation sur la sécurité. Au lieu de cela, il a exprimé un empressement effrayant pour « une résolution cathartique des conflits régionaux en ébullition, il trouve que Gakkai s'accommode des nouvelles lois de sécurité qui lui semblent modérées en comparaison avec ce qu'ils se passent en : Asie de l'Est, Corée du Nord, Russie, Chine, ces pays qui entretiennent différents types de friction [avec le Japon]. L'Amérique ne veut pas envoyer son propre peuple dans les combats du Japon (ce qui est évident, pour les politiciens de droite), mais si elle ne fait rien, ces combats vont se transformer en conflits énormes. Les pays qui considèrent Okinawa et les Territoires du Nord comme leurs propres territoires fomentent des conflits pour faire avancer leurs plans de colonisation. La Russie et la Chine sont armées pour cela. »
Conclusion : le Komeito peut-il continuer de bénéficier du soutien de la Soka Gakkai ?
Il n'y a pas que les politiciens qui pensent aux avantages de rester au pouvoir. Les membres de Gakkai font partie de ces très peu de personnes engagées politiquement qui peuvent se souvenir très bien de ce que c'est que d'être au gouvernement, et dans l'opposition. Cela leur donne une perspective rare et précieuse sur les coûts et les avantages des compromis du Komeito.
Au cours de mon travail de terrain avec des membres de Gakkai au Japon, j'ai été frappé par les opinions que j'ai entendues entre 2009 et fin 2012, lorsque le Komeito et le PLD étaient dans l'opposition et que le Parti Démocratique du Japon était au pouvoir.
Mes amis de Gakkai ont exprimé leur frustration d'être dans l'opposition. Cet interrègne de trois ans leur a clairement rappelé des décennies d'impuissance durant lesquelles ils se sont battus, ainsi que celles des générations de leurs parents et grands-parents. Pour avoir appartenu à ce que leurs rivaux religieux et politiques qualifiaient de « religion des pauvres », il a été difficile pour les militants de base de gagner le respect (même à contrecœur) alors qu'ils étaient ridiculisés et redoutés de leurs adversaires, et d'avoir une chance de démontrer en tant que parti au pouvoir que les craintes, durant l'après-guerre, d'un complot de Gakkai avec le Komeito pour instaurer une gouvernance religieuse [dictatoriale] étaient infondée3,
Garder le Komeito dans le gouvernement comme une force atténuante contre l'intransigeance du PLD, c'est une récompense pour les adhérents de Gakkai. Ils sont prêts à sacrifier les principes fondateurs et à déployer des efforts considérables pour expliquer pourquoi maintenir le soutien au Komeito, même après des renversements de politique, est à la fois rationnel et éthiquement défendable.
Les membres de Gakkai s'adaptant stratégiquement à l'abandon par le Komeito du pacifisme n'est en aucun cas un nouveau développement. Fin 2003, le gouvernement de coalition alors dirigé par le Premier ministre Koizumi Jun'ichirō a financé des opérations militaires, ravitaillé des navires militaires alliés et, plus controversé, envoyé des troupes de la Force d'Autodéfense participer à la guerre en Irak. Bien que quelques centaines de soldats des SDF aient servi sans être blessés jusqu'en 2006 dans des rôles non-combattants, la présence de soldats et de marins japonais au milieu d'une guerre dans un pays étranger a déclenché l'indignation du public.
Le Komeito, en tant que membre de la coalition au pouvoir, a été contraint de défendre son soutien à l'envoi de l'armée (SDF) en Irak auprès du public, et de ses propres membres en colère. Anne Mette Fisker-Nielsen, dans son ethnographie d'étudiants politiquement engagés de l'Université Soka, a pris note des moyens par lesquels les jeunes adhérents de Gakkai ont accepté leur soutien au Komeito pendant la guerre en Irak. Dans certains cas, les étudiants interrogés considéraient le SDF comme une force envoyée pour aider le peuple irakien, tandis que d'autres affirmaient que le Komeito aurait dû s'opposer à la dépêche irakienne dirigée par le PLD, même si cela signifiait un retour à l'opposition. Cependant, la plupart ont adopté une position pragmatique semblable à celle des partisans que j'ai cités plus haut : le Komeito représente mieux les intérêts de Gakkai, il est idéalement adapté pour atténuer les pires politiques du PLD et, finalement, être au gouvernement est infiniment plus efficace que d'être dans l'opposition.
De même, Robert Kisala a recueilli des données d'enquête et mena des entretiens avec des membres de Gakkai qui démontraient leur « difficulté à maintenir la position pacifiste sans abandonner tout engagement avec la société ». Kisala découvrit qu'en raison des dilemmes pratiques occasionnés par la politique du Komeito, les membres de la Soka Gakkai étaient parmi les plus disposés des pratiquants religieux pacifistes qu'il a sondés pour permettre des accommodements et la coopération récente avec les Libéraux Démocrates sur la loi de 1992 de Coopération pour les Opérations de Maintien de la Paix des Nations Unies.
Contestataires de Gakkai contre le Komeito & Défenseurs de Gakkai pour le Komeito
L'aide pragmatique au Komeito par sa base de soutien issue de Gakkai a persisté même pendant que d'autres membres de Gakkai étaient filmés protestant en dehors de la Diète. Les résultats des élections locales les plus récentes indiquent que le taux de participation des candidats du Komeito ne semble pas en avoir souffert. En fait, les candidats locaux du Komeito bénéficient dans certains cas d'un niveau de soutien sans précédent. Souvent ces candidats se sont présentés sans opposition. Dans chaque cas le nombre total de votes qui leur était opposé restait faible, ces résultats indiquent que le soutien aux politiciens locaux de Komeito reste fiable.
Les politiciens qui jouissent d'une plus grande notoriété nationale continueront-ils à recevoir le soutien de leurs partisans de Gakkai. Les politiciens municipaux n'écrivent pas de législation sur la sécurité, après tout, et ils ont souvent une bonne réputation concernant leur attention sur les problèmes locaux. Il y a des raisons de croire que le soutien au Komeito reste central à la foi de Gakkai, ses électeurs pourraient répondre aux appels du parti pour gagner d'autres élections de la Chambre Haute, mais évitons toute hypothèse facile sur ce soutien.
Le changement semble être dans l'air : les adhérents de Gakkai, partageant peut-être le sentiment que M. Soka Gakkai se trouve à la croisée des chemins, sont descendus dans la rue pour protester contre le Komeito, et leurs administrateurs expriment leur consternation à cet égard. Il y a pour les membres de Gakkai une possibilité de faire entendre leur consternation aux urnes. Il se trouve que la non-action des électeurs de Gakkai peut exercer un effet transformateur : les membres sont capables de pratiquer ce que l'anthropologue James C. Scott appelle la « résistance symbolique » : différer, dissimuler et autres tactiques apparemment inconséquentes mais qui lorsqu'elles s'accumulent produisent les puissantes « armes des faibles ». Alors que les politiciens du Komeito considèrent le compromis avec le PLD comme une stratégie réussie pour rester au pouvoir, les membres de Gakkai ne sont pas nécessairement du même avis. En fonction des événements et de leur humeur, les électeurs sont prêts à exprimer leur mécontentement à travers leurs propres compromis - à savoir, en se gardant de pratiquer autour d'eux la sollicitation des votes pour le PLD comme les y incite la doctrine de la Soka Gakkai4.
Il y a d'autres facteurs à l'œuvre pour changer de supporters pour le Komeito. Les informateurs de Gakkai ont fait allusion à des changements qui se produiront après la vie du président Ikeda, mais sans en avoir explicitement discuté dans les réponses à mes courriers. Il a quatre-vingt-sept ans [en 2015] et n'a pas été vu en public depuis des années [en 2009]. Il y a de nombreuses preuves que l'administration de Gakkai travaille à la routinisation de son charisme afin de s'assurer que les activités des membres continuent au même rythme vigoureux d'aujourd'hui même après le décès officiel d'Ikeda. Les membres locaux eux-mêmes sont remarquablement réfléchis sur le changement que subit leur propre organisation. M. Andō a réfléchi à ce sujet en décrivant le soutien du Komeito à la foi : « le leadership charismatique s'amenuise et le pouvoir centrifuge se renforce remarquablement. Nous avons besoin de construire un [autre] mode de gestion de Gakkai et de soutenir le Komeito pour la nouvelle génération. »
En résumé, bien qu'il y ait un précédent de dissidence dans Gakkai qui s'est manifesté lors des scrutins, et qu'il y ait des transformations en son sein dans un proche avenir, il serait imprudent de voir les manifestations télévisées représenter une orientation résolue de Gakkai contre le Komeito. La couverture des dissidents de Gakkai, par les médias et les observateurs érudits, qui s'opposent fermement au Cabinet Abe et à la législation sur la sécurité peut apparaître comme une expression de vœux pieux, comme l'utilisation sélective de preuves pour soutenir une conclusion prédéterminée. Les récentes discussions avec les membres et les précédents historiques font qu'il est difficile de croire que des millions d'adhérents de Gakkai, comme les membres qui se sont réunis avec Mme Origuchi pour aider le candidat à l'élection à Tokyo, se débarrasseront simplement de cet élément fondamental de leur pratique religieuse.
Note 1 I) Comparaison interne et externe (enseignements bouddhistes et non-bouddhistes).
II) Comparaison plus ou moins grande (Bouddhisme Mahāyāna et Hīnayāna).
III) Comparaison Provisoire et Véritable du Bouddhisme Mahāyāna :
(pré-enseignements du Sūtra du Lotus par le Bouddha historique et enseignement véritable dans le Sutra du Lotus).
IV) Comparaison de l'origine et de la trace (la partie d'origine du Sutra du Lotus et les parties des traces antérieures)
V) Comparaison des semailles et des récoltes (l'enseignement du bouddha dans les traditions orales de ses disciples et leurs descendants) et (l'enseignement du bouddha transmis directement par ses disciple instruits du temps de son vivant)
Note 2 Hokkekô : Une autre organisation laïque du bouddhisme de Nichiren rattachée au temple principal de la Nichiren Shoshu ; lequel est l'ennemi juré de Gakkai qui l'a abondamment soutenu financièrement en tolérant tous ses écarts doctrinaux et moraux durant des décennies.Tout comme elle abhorre toutes les autres écoles de Nichiren qu'elle considère comme dégénérées
Note 3 Daisaku Ikeda a clairement exprimé dans ses discours de cette époque son intention d'instaurer un régime politique fondé par la Soka Gakkai comme religion d'état avec un système social économique et culturel visant à établir la paix par la propagation de son bouddhisme orthodoxe et dont il serait « le roi bouddhique » le Tenrin : le roi qui fait tourner la roue du karma (titre traditionnellement attribué au bouddha historique Shakyamuni). Cet objectif officiel est vérifiable dans les archives et publications des années 1970 de Gakkai
Note 4 L'expression la plus claire d'une telle dissidence des membres de Gakkai s'est manifestée lors des élections législatives du 13 juillet 2014 dans la préfecture de Shiga, un vote tenu moins de deux semaines après la décision impopulaire du 1er juillet de permettre la légitime défense collective. Koyari Takashi, ancien conseiller du cabinet Shinzo Abe et successeur du gouverneur sortant du PLD, a perdu l'élection face au Parti Démocratique du Japon
Attention : commencez par lire la 1ère Partie pour une bonne compréhension. Texte Original Complet à partir duquel a été réalisée l'adaptation en français en Deux Parties
L'avenir politique de la Soka Gakkai et du Komeito
Entre le 22 et le 29 septembre 2015, j'ai correspondu (en japonais) avec un peu plus d'une douzaine d'adhérents de Gakkai que j'ai connus grâce à quinze années de travail ethnographique soutenu en tant que chercheur non membre sur les activités de Gakkai au Japon.
Leurs réponses indiquent que soutenir le Komeito reste une composante centrale, bien que de plus en plus complexe, de la vie de Gakkai. Les membres que je connais ont développé des façons sophistiquées et parfois surprenantes d'interpréter les nouvelles lois en fonction de leur compréhension des principes bouddhistes de Nichiren et des enseignements de leur maître Daisaku Ikeda. Ici, je fournis certaines traductions de quelques-uns des membres qui m'ont donné la permission de traduire leurs réflexions sous des pseudonymes.
Les membres que je cite, à l'exception de la dernière personne, sont des anciens de l'Université Soka qui sont passés il y a des années de la division des jeunes hommes à la division des hommes, une étape marquante chez les hommes de Gakkai. Ils sont âgés de la mi-quarantaine à la mi-cinquantaine, et tous sont des adhérents de la deuxième génération de Gakkai. Ils vivent dans la région métropolitaine de Tokyo. Ils représentent ce que l'on pourrait considérer comme la réussite paradigmatique de la Soka Gakkai : leurs parents ont grandi dans la pauvreté durant les années d'après-guerre et se sont sacrifiés pour envoyer leurs fils à l'Université Soka relativement nouvelle (fondée en 1971). Ces enfants ont étudié dur et ont réussi avec succès dans une variété de vocations après l'obtention du diplôme. Étant donné leur éducation dans l'école phare de la Soka Gakkai, ils représentent une forme d'élite masculine de Gakkai.
Mon enquête préliminaire sur les attitudes de certains hommes représentatifs de Gakkai permet un aperçu sur les postures des cadres locaux de Gakkai qui connaissent les questions entourant la législation sur la sécurité et qui réfléchissent à la formulation de moyens pour encourager les autres à continuer à soutenir le Komeito, même si l'idéal change de cap.
Comme tout enfant né de parents pratiquants qui a grandi dans les écoles Soka, ces cadres bouddhistes sont des camarades de classe, peut-être des amis, avec les signataires de l'Association de l'Université Soka condamnant les nouvelles lois, et ils partagent beaucoup, spirituellement, existentiellement, avec Amano Tatsushi.
Mais ils ont des vues très différentes…
Nishino, un membre au début de la cinquantaine, il travaille comme administrateur système pour une entreprise du centre de Tokyo. Il habite juste au-dessus de la frontière municipale de Tokyo, dans la banlieue de la préfecture de Chiba, où il sert comme chef de chapitre et supervise environ deux cents familles de Gakkai. Il a répondu en détail à une question directe que je lui ai posée : que pensez-vous du soutien du Komeito à la législation sur la sécurité ?
Sa réponse. « Fondamentalement, je prends position de soutenir la législation sur la sécurité. » Il dit carrément : « 1) Je suis surtout satisfait du contenu des textes législatifs, 2) Je suis une personne avec des responsabilités administratives au sein de Soka Gakkai, et 3) Je trouve les opinions du camp de l'opposition gênantes. Je n'ai pas diffusé mon opinion, alors il est peut-être apparu que je suis tacitement d'accord avec les manifestants. Je veux clarifier ma position. Considérant le soutien de Gakkai au Komeito, je pense que nous sommes maintenant à la croisée des chemins. Pendant longtemps, le Komeito servit dans l'opposition, et nous pouvions montrer d'humbles exemples d'accomplissements pratiques (peut-être microscopiques) ; ceux-ci nous ont donné un sentiment de satisfaction. Les temps ont changé, le parti a rejoint l'administration au pouvoir, et en peu de temps (franchement, à notre grande surprise) nous avons pu apprendre ce que c'est que de réaliser des promesses de campagne et des politiques au-delà de nos attentes. Alors était née la cohésion de la Soka Gakkai et de la haute direction du parti politique savourant ensemble les souvenirs [de ces victoires]. Bien sûr, nous, les supporteurs locaux, avons continué nos activités sans changement, parce que Gakkai est la représentation du soutien uni au Komeito. »
« Mais alors, pourquoi le soutien s'est-il divisé au sein des divisions locales du Gakkai ? Mon sentiment personnel est que, à la base, l'organisation est divisée entre 1) un groupe qui a connu la pureté, ou la noblesse, du bon vieux temps de Komeito et Soka Gakkai résistant au pouvoir autoritaire, 2) un deuxième groupe composé de personnes qui exerce l'autorité et, tout en recevant toutes les critiques, assume toute la responsabilité de la gestion de l'organisation. Les deux groupes, de différentes manières, extraient des citations de la pensée et de la philosophie de maître Ikeda, alors qu'ils se dressent les uns contre les autres. Donc, vu de l'extérieur, il est peut-être difficile de comprendre ce qui se passe. Particulièrement parce que le thème cette fois est la « paix », en considérant la volumétrie des écrits et des discours d'Ikeda sur ce thème, et qui sont des produits spécifiques à leur temps, et qui sont de ceux qui parlent de préoccupations universelles, je dirais que le groupe protestant à la bonne position. »
Nishino a continué à réfléchir sur où il croit que Soka Gakkai se dirige dans le futur. Pour clarifier ses points, il s'est appuyé sur des interprétations bouddhistes complexes de Nichiren pour encadrer son opinion négative vis-à-vis des adhérents de Gakkai qui se sont opposés au Komeito. Ses explications s'étendaient bien au-delà des fracas médiatiques pour englober une exégèse novatrice des concepts de Nichiren, une élaboration doctrinale qui fait partie de sa tentative de préparer les membres de Gakkai à un monde après [le décès de] Daisaku Ikeda.
« La doctrine de l'organisation religieuse indique qu'il ne devrait même pas y avoir un cheveu de compromis, mais dans la réalisation quotidienne des activités de base du prosélytisme, de la sollicitation à la souscriptions des abonnements au Seikyō Shinbun, et de l'administration, il est évident que diverses opinions émergent. Un aspect splendide de la Soka Gakkai est que, finalement, les différents membres parviennent à un consensus dans la mesure où ils respectent mutuellement les points de vue des uns et des autres. Je suis profondément convaincu par les conseils de maître Ikeda sur ce point, quand il a dit que si : le Christ, le Bouddha et Mahomet se rencontraient pour parler entre eux, ils atteindraient une grande compréhension mutuelle pour le bonheur et la paix de l'humanité. »
« Alors, dans ces moments-là, quand les opinions au sein de l'administration de Gakkai et celles d'une autre organisation de soutien ne concordent pas, qu'y a-t-il à faire? Je crois qu'une norme facile pour déterminer vient de la doctrine des cinq comparaisons de Nichiren1 [qui permet d'établir l'authenticité de la doctrine bouddhiste]. Jusqu'à présent, Nichiren Shōshū et Soka Gakkai sont d'accord, mais en étudiant ces distinctions, mes collègues et moi avons pris la position suivante [de formuler deux autres comparaisons] :
6) Comparaison entre Secte et Gakkai (Nichiren Shōshū ou Soka Gakkai) ;
7) Comparaison entre Ikeda et Gakkai (maître Ikeda ou Soka Gakkai).
Je pense qu'en ce moment, la distinction nécessaire pour préserver une religion correcte est le niveau sept. »
« La faction opposée à la législation sur la sécurité cite autant Ikeda [que les autres membres de Gakkai]. Mais qui gagne de leurs actions ? Des gens du côté anti-Soka qui, comme « observateurs de Gakkai », recueillent les commentaires des manifestants en tant que professionnels ; les médias de masse qui tirent profit des téléspectateurs attirés par des reportages spéciaux sur la Soka Gakkai ; et les communistes ombrageux et parasitaires qui visent secrètement à développer la force de leur parti. Si des personnes agissant comme membres de la Soka Gakkai provoquent ce genre de désordre, même si elles utilisent de nombreuses citations des écrits de maître Ikeda, et même si elles cherchent à réaliser de nobles intentions, on ne peut pas les appeler disciples de maître Ikeda. En ce qui concerne leur transmission du Dharma [l'enseignement bouddhique] ; ils ne sont rien d'autre que des 'vers dans le corps du lion' qui infestent la Soka Gakkai. »
Tous les membres avec lesquels j'ai communiqué n'ont pas exprimé leur point de vue sur le niveau d'élaboration doctrinale de Nishino. Hamasaki, un ingénieur dans la mi-quarantaine qui travaille pour une firme européenne et voyage beaucoup outre-mer, a trouvé un ton pragmatique :
« La législation sur la sécurité est également devenue un sujet de discussion à l'étranger, n'est-ce pas ? La relation entre Komeito et Soka Gakkai, la relation entre ces organisations et les manifestations a été décrite dans les médias. Même à l'intérieur de la Soka Gakkai il y a des gens qui ont des façons de penser différentes, il y a donc des gens qui s'opposent à cette loi. Mais personnellement, je pense que l'engagement politique et la mobilisation de Gakkai sont séparés. En ce qui concerne les gens qui étaient à la manifestation brandissant des pancartes avec le visage de maître Toda [deuxième président de Gakkai] et d'autres images [de politiciens du Komeito], je doute que ces gens étaient de vrais adhérents de Gakkai. C'est parce que d'habitude, si vous êtes un membre de Gakkai, vous n'apporteriez pas une photo du Grand Maître Toda à un endroit comme ça. Je ne pense pas non plus que vous apportiez le drapeau tricolore pour déclarer « je m'oppose à ce statut en tant que membre de Gakkai ! » à un mouvement de protestations qui ne sait rien [de la Soka Gakkai]. »
« Donc, je pense que ce sont les gens anti-Gakkai habituels ou ceux qui utilisent Gakkai dans le cadre d'un travail d'appoint. Ou ce sont des membres de Gakkai, mais peut-être avec des idées bizarres. Cela étant dit, en ce qui concerne cette législation, il semble y avoir des arguments pour et contre, et pas un simple argument en faveur du Komeito. Plutôt que de dire que je soutiens la décision [sur la législation sur la sécurité], je pense que le Komeito doit gérer cette question avec soin. Le Komeito est dépendant de la force numérique écrasante du PLD [le parti au pouvoir de Shinzo Abe], donc je ne sais pas où le Komeito devrait intervenir, mais je veux voir le parti jouer son rôle en faisant preuve de retenue au sein de la coalition gouvernementale. »
« Il y a des gens qui discutent des liens entre l'article 9 et la pensée, les publications et les conseils du président Ikeda, mais je pense que ceux-ci sont distincts de la création d'une législation. Quand il y a un tumulte sur les questions de sécurité (et il semble que ce soit principalement parce que les médias attisent les flammes quand ils identifient les groupes qui font le plus de bruit sur les questions politiques), dans chaque cas et à chaque époque il existe une manière ad hoc. »
« Mais si vous voulez avoir une vraie discussion, vous devez analyser l'interprétation de l'Article Neuf, le rôle des Forces d'Autodéfense, le contenu du Traité de Sécurité USA-Japon et la relation avec les Nations Unies, sinon une discussion fiable et une conclusion ne vont pas émerger. Vu de cette façon, je pense personnellement que le Komeito était parti chercher un moyen de proposer la meilleure politique possible. D'autres membres ont été ébranlés par les divisions de Gakkai au sujet de la sécurité. »
Andō, ingénieur de près de cinquante ans, passe son temps - en dehors du travail et de ses participations aux activités de Gakkai - à amasser des enregistrements de musique classique et à prendre des photographies spectaculaires de la nature. Il a également exprimé son soutien au Komeito, mais avec une volonté de reconnaître les critiques et un sentiment d'angoisse palpable, qu'il cherche à apaiser par un appel à la foi :
« En ce qui concerne cette législation récente - un différend discret s'est répandu dans mon district local. Les membres de la Division des femmes mariées déplorent qu'il y en ait dont le cœur soit déchiré, que certains ne viennent plus parler avec leurs amis, que certains de leurs amis ont refusé de recevoir le Seikyō Shinbun [le quotidien officiel de Gakkai]. Depuis longtemps, tout le monde a estimé que la « solidarité de la foi » était la chose la plus importante, il est donc difficile d'exprimer des opinions négatives, et je pense que tout le monde croit que l'on doit toujours avoir une pensée d'apparence consensuelle. C'est pourquoi de nombreux membres se sont tus, je pense. Les gens qui se livrent à une performance radicale dans les médias en arborant le drapeau tricolore ne sont pas vraiment des membres de Gakkai - ma femme et moi avons ri ensemble lorsque nous en avons parlé. Les membres du Komeito sont venus dans notre district pour parler de cette législation avec la Division des hommes, mais même du point de vue de ceux d'entre nous qui ont des responsabilités au sein de la Soka Gakkai, la quantité d'informations fournies était absolument dérisoire. Vous ne voyez que des nouvelles positives écrites dans le Kōmei Shinbun [journal du Komeito]. Les membres ne sont pas disposés à écouter les voix extérieures ou les médias, de sorte que l'assise pour cultiver des opinions individuelles est certainement très limitée. Je crois que le Komeito vise une « voie moyenne », peu importe si les temps sont calmes ou s'il y a une urgence. C'est la voie du milieu. Ils pensent d'abord à la vie humaine - c'est ce que je crois. »
« J'imagine que, aussi ouvert que soit le débat à la Diète, la réalité est qu'il doit y avoir des secrets strictement cachés concernant les affaires internationales. Les partis au pouvoir au Japon ont déterminé qu'il était nécessaire de créer cette nouvelle législation - je dois le croire. Donc, il y a un membre du Komeito à la Diète nommé Tōyama Kiyohiko qui joue un rôle central dans le soutien de cette législation. Il était mon cadet à la Soka Senior High School, dans le même dortoir. C'est un gars sérieux, intelligent et courageux. S'il dit « c'est bon », je dois... ne pas le croire (rires). Si j'y pense par moi-même, je ne sais pas si cette loi est bonne ou non. Ce n'est pas une réaction proactive, mais j'ai confiance en ce que le Komeito gère. »
« Dans la direction de Gakkai, il y a la façon de penser selon le principe d'utiliser « la foi au lieu de la sagesse ». Cela signifie substituer la foi à la place de la sagesse. Ces mots me viennent toujours à l'esprit quand je demande aux autres de soutenir le Komeito. Les humains ne sont pas seulement des êtres rationnels, je pense. L'intuition et les choses que l'on ne peut décrire, le mouvement de son esprit, sont importants pour l'action personnelle. Pour cette raison, je pense que quelque chose que vous « croyez », sans questionner d'où il vient, est très important. N'avons-nous pas en quelque sorte oublié la valeur de ce que signifie « croire » dans la société moderne ? Cela ne signifie pas si l'on croit que la rationalité est inutile qu'il ne faut pas étudier davantage pour approfondir sa compréhension des problèmes. A travers eux, on détermine 'qu'est-ce que je crois ?' Et comment déterminer le bonheur du malheur. »
« Je ne comprends pas vraiment ce projet de loi, et je suis toujours dans un dilemme quant à la façon d'en parler lorsque je suis appelé à le recommander à d'autres, mais au moins, je crois au Komeito en tant que parti respectueux de la vie humaine. Tous les membres avec lesquels j'ai communiqué ont exprimé leur scepticisme quant à savoir si les manifestants filmés portant le drapeau tricolore lors des manifestations étaient ou non membres de la Soka Gakkai. »
Dans ses messages, M. Tsuda, qui se nomme lui-même « membre ordinaire de la division des hommes », affirmait que « même si les manifestants étaient membres, ils étaient dupés en créant un spectacle médiatique : c'est bien si le drapeau tricolore apparaît. Les membres de Gakkai sont interviewés, mais même dans les scènes [à la télévision] quand il n'y a pas d'interview, il semble que le drapeau soit délibérément filmé, est-ce vraiment des membres de Gakkai ? Pour cette raison, les gens du Japon et les membres de Gakkai sont trompés. » Il a également exprimé des doutes quant à la légitimité de la pétition diffusée par le personnel et les anciens élèves de l'Université Soka. « Heureusement, il ne semble pas exister de membres de la protestation dans ma région, mais certains intellectuels de Gakkai participent aux manifestations, grâce à la pétition. En réalité, ce mouvement de protestation à l'Université Soka semble être guidé par quelqu'un du Hokkekō2. S'il y avait vraiment un grand mouvement de protestation à l'Université Soka, ce serait une nouvelle beaucoup plus importante, je pense. Certains membres ont reconnu une diversité d'opinions parmi leurs collègues locaux, certains exprimant des sentiments nettement centristes, d'autres de droite. »
M. Takazawa, un musicien qui vit et travaille dans l'ouest de Tokyo, a reconnu que « autour de moi il y a des gens qui expriment des opinions à la fois pour et contre. Pour moi, je pense que ce genre de loi devrait peut-être passer après la révision constitutionnelle – peut-être ? Les citoyens de ce pays, y compris moi-même, sont doux quand il s'agit de comprendre les questions de sécurité. Quand viendra le temps de soutenir les candidats du Komeito aux prochaines élections, ils demanderont que cette question ne soit pas présentée comme l'expression de leur plate-forme : c'est parce que Gakkai est une organisation qui maintient une philosophie anti-guerre que cette protestation a éclaté. Mais le Komeito est le facteur atténuant empêchant l'exercice de la force militaire. C'est ainsi que nous pouvons évaluer le problème. »
D'autres ont été encore plus direct : « Je suis contre ceux qui s'opposent à la législation sur la sécurité », a déclaré M. Nishimura, un homme d’État parmi ce groupe de l'Université Soka. « Au sein de Soka Gakkai de ma région, ces événements récents n'ont eu aucun effet. Pour expliquer la décision du Komeito, nous devons lire Nichiren, revisiter l'histoire de Gakkai et veiller à ce que le Komeito ne prenne pas ses distances par rapport à sa position pour contrer le pouvoir autoritaire. L'histoire de Gakkai est celle de la lutte contre l'autoritarisme ; nous connaissons la peur du pouvoir autoritaire. Pour cette raison, parce que le Komeito a rejoint la coalition et s'est assuré une place à partir de laquelle il peut contrôler le pouvoir coercitif violent, il doit maintenir sa responsabilité envers le peuple japonais en préservant ce rôle. Pour ce faire, le parti a choisi de s'adapter à la politique de sécurité, je pense. »
Parmi ceux que j'ai appris à connaître dans mes années de recherche ethnographique, certains ont quitté la Soka Gakkai. Un membre, que j'appellerai M. Sonoda, « est devenu profondément amer à propos de ce qu'il voit comme l'attitude singulière de la Soka Gakkai à l'égard de D. Ikeda au détriment du respect solennel pour le bouddhisme de Nichiren. » Bien qu'il soit né d'une mère dévote de Gakkai et qu'il fût lui-même un adepte dévoué jusqu'à il y a deux ans, « il psalmodie maintenant secrètement devant un gohonzon reçu de la Nichiren Shōshū - un sacrilège impensable pour les adhérents de Gakkai - et il ridiculise le Komeito en le considérant comme une faction du Parti Libéral Démocrate. » Son opposition à Gakkai et au Komeito, cependant, ne s'est pas traduite par une opposition à la législation sur la sécurité. Au lieu de cela, il a exprimé un empressement effrayant pour « une résolution cathartique des conflits régionaux en ébullition, il trouve que Gakkai s'accommode des nouvelles lois de sécurité qui lui semblent modérées en comparaison avec ce qu'ils se passent en : Asie de l'Est, Corée du Nord, Russie, Chine, ces pays qui entretiennent différents types de friction [avec le Japon]. L'Amérique ne veut pas envoyer son propre peuple dans les combats du Japon (ce qui est évident, pour les politiciens de droite), mais si elle ne fait rien, ces combats vont se transformer en conflits énormes. Les pays qui considèrent Okinawa et les Territoires du Nord comme leurs propres territoires fomentent des conflits pour faire avancer leurs plans de colonisation. La Russie et la Chine sont armées pour cela. »
Conclusion : le Komeito peut-il continuer de bénéficier du soutien de la Soka Gakkai ?
Il n'y a pas que les politiciens qui pensent aux avantages de rester au pouvoir. Les membres de Gakkai font partie de ces très peu de personnes engagées politiquement qui peuvent se souvenir très bien de ce que c'est que d'être au gouvernement, et dans l'opposition. Cela leur donne une perspective rare et précieuse sur les coûts et les avantages des compromis du Komeito.
Au cours de mon travail de terrain avec des membres de Gakkai au Japon, j'ai été frappé par les opinions que j'ai entendues entre 2009 et fin 2012, lorsque le Komeito et le PLD étaient dans l'opposition et que le Parti Démocratique du Japon était au pouvoir.
Mes amis de Gakkai ont exprimé leur frustration d'être dans l'opposition. Cet interrègne de trois ans leur a clairement rappelé des décennies d'impuissance durant lesquelles ils se sont battus, ainsi que celles des générations de leurs parents et grands-parents. Pour avoir appartenu à ce que leurs rivaux religieux et politiques qualifiaient de « religion des pauvres », il a été difficile pour les militants de base de gagner le respect (même à contrecœur) alors qu'ils étaient ridiculisés et redoutés de leurs adversaires, et d'avoir une chance de démontrer en tant que parti au pouvoir que les craintes, durant l'après-guerre, d'un complot de Gakkai avec le Komeito pour instaurer une gouvernance religieuse [dictatoriale] étaient infondée3,
Garder le Komeito dans le gouvernement comme une force atténuante contre l'intransigeance du PLD, c'est une récompense pour les adhérents de Gakkai. Ils sont prêts à sacrifier les principes fondateurs et à déployer des efforts considérables pour expliquer pourquoi maintenir le soutien au Komeito, même après des renversements de politique, est à la fois rationnel et éthiquement défendable.
Les membres de Gakkai s'adaptant stratégiquement à l'abandon par le Komeito du pacifisme n'est en aucun cas un nouveau développement. Fin 2003, le gouvernement de coalition alors dirigé par le Premier ministre Koizumi Jun'ichirō a financé des opérations militaires, ravitaillé des navires militaires alliés et, plus controversé, envoyé des troupes de la Force d'Autodéfense participer à la guerre en Irak. Bien que quelques centaines de soldats des SDF aient servi sans être blessés jusqu'en 2006 dans des rôles non-combattants, la présence de soldats et de marins japonais au milieu d'une guerre dans un pays étranger a déclenché l'indignation du public.
Le Komeito, en tant que membre de la coalition au pouvoir, a été contraint de défendre son soutien à l'envoi de l'armée (SDF) en Irak auprès du public, et de ses propres membres en colère. Anne Mette Fisker-Nielsen, dans son ethnographie d'étudiants politiquement engagés de l'Université Soka, a pris note des moyens par lesquels les jeunes adhérents de Gakkai ont accepté leur soutien au Komeito pendant la guerre en Irak. Dans certains cas, les étudiants interrogés considéraient le SDF comme une force envoyée pour aider le peuple irakien, tandis que d'autres affirmaient que le Komeito aurait dû s'opposer à la dépêche irakienne dirigée par le PLD, même si cela signifiait un retour à l'opposition. Cependant, la plupart ont adopté une position pragmatique semblable à celle des partisans que j'ai cités plus haut : le Komeito représente mieux les intérêts de Gakkai, il est idéalement adapté pour atténuer les pires politiques du PLD et, finalement, être au gouvernement est infiniment plus efficace que d'être dans l'opposition.
De même, Robert Kisala a recueilli des données d'enquête et mena des entretiens avec des membres de Gakkai qui démontraient leur « difficulté à maintenir la position pacifiste sans abandonner tout engagement avec la société ». Kisala découvrit qu'en raison des dilemmes pratiques occasionnés par la politique du Komeito, les membres de la Soka Gakkai étaient parmi les plus disposés des pratiquants religieux pacifistes qu'il a sondés pour permettre des accommodements et la coopération récente avec les Libéraux Démocrates sur la loi de 1992 de Coopération pour les Opérations de Maintien de la Paix des Nations Unies.
Contestataires de Gakkai contre le Komeito & Défenseurs de Gakkai pour le Komeito
L'aide pragmatique au Komeito par sa base de soutien issue de Gakkai a persisté même pendant que d'autres membres de Gakkai étaient filmés protestant en dehors de la Diète. Les résultats des élections locales les plus récentes indiquent que le taux de participation des candidats du Komeito ne semble pas en avoir souffert. En fait, les candidats locaux du Komeito bénéficient dans certains cas d'un niveau de soutien sans précédent. Souvent ces candidats se sont présentés sans opposition. Dans chaque cas le nombre total de votes qui leur était opposé restait faible, ces résultats indiquent que le soutien aux politiciens locaux de Komeito reste fiable.
Les politiciens qui jouissent d'une plus grande notoriété nationale continueront-ils à recevoir le soutien de leurs partisans de Gakkai. Les politiciens municipaux n'écrivent pas de législation sur la sécurité, après tout, et ils ont souvent une bonne réputation concernant leur attention sur les problèmes locaux. Il y a des raisons de croire que le soutien au Komeito reste central à la foi de Gakkai, ses électeurs pourraient répondre aux appels du parti pour gagner d'autres élections de la Chambre Haute, mais évitons toute hypothèse facile sur ce soutien.
Le changement semble être dans l'air : les adhérents de Gakkai, partageant peut-être le sentiment que M. Soka Gakkai se trouve à la croisée des chemins, sont descendus dans la rue pour protester contre le Komeito, et leurs administrateurs expriment leur consternation à cet égard. Il y a pour les membres de Gakkai une possibilité de faire entendre leur consternation aux urnes. Il se trouve que la non-action des électeurs de Gakkai peut exercer un effet transformateur : les membres sont capables de pratiquer ce que l'anthropologue James C. Scott appelle la « résistance symbolique » : différer, dissimuler et autres tactiques apparemment inconséquentes mais qui lorsqu'elles s'accumulent produisent les puissantes « armes des faibles ». Alors que les politiciens du Komeito considèrent le compromis avec le PLD comme une stratégie réussie pour rester au pouvoir, les membres de Gakkai ne sont pas nécessairement du même avis. En fonction des événements et de leur humeur, les électeurs sont prêts à exprimer leur mécontentement à travers leurs propres compromis - à savoir, en se gardant de pratiquer autour d'eux la sollicitation des votes pour le PLD comme les y incite la doctrine de la Soka Gakkai4.
Il y a d'autres facteurs à l'œuvre pour changer de supporters pour le Komeito. Les informateurs de Gakkai ont fait allusion à des changements qui se produiront après la vie du président Ikeda, mais sans en avoir explicitement discuté dans les réponses à mes courriers. Il a quatre-vingt-sept ans [en 2015] et n'a pas été vu en public depuis des années [en 2009]. Il y a de nombreuses preuves que l'administration de Gakkai travaille à la routinisation de son charisme afin de s'assurer que les activités des membres continuent au même rythme vigoureux d'aujourd'hui même après le décès officiel d'Ikeda. Les membres locaux eux-mêmes sont remarquablement réfléchis sur le changement que subit leur propre organisation. M. Andō a réfléchi à ce sujet en décrivant le soutien du Komeito à la foi : « le leadership charismatique s'amenuise et le pouvoir centrifuge se renforce remarquablement. Nous avons besoin de construire un [autre] mode de gestion de Gakkai et de soutenir le Komeito pour la nouvelle génération. »
En résumé, bien qu'il y ait un précédent de dissidence dans Gakkai qui s'est manifesté lors des scrutins, et qu'il y ait des transformations en son sein dans un proche avenir, il serait imprudent de voir les manifestations télévisées représenter une orientation résolue de Gakkai contre le Komeito. La couverture des dissidents de Gakkai, par les médias et les observateurs érudits, qui s'opposent fermement au Cabinet Abe et à la législation sur la sécurité peut apparaître comme une expression de vœux pieux, comme l'utilisation sélective de preuves pour soutenir une conclusion prédéterminée. Les récentes discussions avec les membres et les précédents historiques font qu'il est difficile de croire que des millions d'adhérents de Gakkai, comme les membres qui se sont réunis avec Mme Origuchi pour aider le candidat à l'élection à Tokyo, se débarrasseront simplement de cet élément fondamental de leur pratique religieuse.
Note 1 I) Comparaison interne et externe (enseignements bouddhistes et non-bouddhistes).
II) Comparaison plus ou moins grande (Bouddhisme Mahāyāna et Hīnayāna).
III) Comparaison Provisoire et Véritable du Bouddhisme Mahāyāna :
(pré-enseignements du Sūtra du Lotus par le Bouddha historique et enseignement véritable dans le Sutra du Lotus).
IV) Comparaison de l'origine et de la trace (la partie d'origine du Sutra du Lotus et les parties des traces antérieures)
V) Comparaison des semailles et des récoltes (l'enseignement du bouddha dans les traditions orales de ses disciples et leurs descendants) et (l'enseignement du bouddha transmis directement par ses disciple instruits du temps de son vivant)
Note 2 Hokkekô : Une autre organisation laïque du bouddhisme de Nichiren rattachée au temple principal de la Nichiren Shoshu ; lequel est l'ennemi juré de Gakkai qui l'a abondamment soutenu financièrement en tolérant tous ses écarts doctrinaux et moraux durant des décennies.Tout comme elle abhorre toutes les autres écoles de Nichiren qu'elle considère comme dégénérées
Note 3 Daisaku Ikeda a clairement exprimé dans ses discours de cette époque son intention d'instaurer un régime politique fondé par la Soka Gakkai comme religion d'état avec un système social économique et culturel visant à établir la paix par la propagation de son bouddhisme orthodoxe et dont il serait « le roi bouddhique » le Tenrin : le roi qui fait tourner la roue du karma (titre traditionnellement attribué au bouddha historique Shakyamuni). Cet objectif officiel est vérifiable dans les archives et publications des années 1970 de Gakkai
Note 4 L'expression la plus claire d'une telle dissidence des membres de Gakkai s'est manifestée lors des élections législatives du 13 juillet 2014 dans la préfecture de Shiga, un vote tenu moins de deux semaines après la décision impopulaire du 1er juillet de permettre la légitime défense collective. Koyari Takashi, ancien conseiller du cabinet Shinzo Abe et successeur du gouverneur sortant du PLD, a perdu l'élection face au Parti Démocratique du Japon