Caucase : les Églises de Russie et de Géorgie face aux groupes orthodoxes séparatistes de l’Abkhazie
PAR RELIGIOSCOPE, 9 NOVEMBRE 2017
Dans les contextes religieux chrétiens orthodoxes, les projets nationalistes s'accompagnent souvent de revendications en vue de l'établissement d'Églises nationales, perçues comme une composante nécessaire de l'affirmation identitaire. Cela entraîne des conflits avec les Églises historiques considérant ce territoire comme leur. Les conflits autour des régions sécessionnistes de la Géorgie (Abkhazie et Ossétie du Sud), soutenues par la Russie et reconnues depuis 2008 par celle-ci (et par quelques rares autres États), ne font pas exception et ont permis l'établissement de groupes orthodoxes sur les marges des Églises se considérant comme « canoniques ». En Ossétie du Sud, cela a conduit à l'établissement de paroisses relevant d'une juridiction vieille-calendariste grecque. En Abkhazie, comme l'avaient expliqué deux articles publiés par Religioscope en 2010 et en 2011, des prêtres et moines sans évêque ont proclamé en 2009 leur indépendance face à l'Église de Géorgie et tentent d'instaurer une Église nationale abkhaze. Le petit mouvement a connu une scission en 2011 : deux groupes prétendent maintenant représenter l'Église d'Abkhazie (l'un intitulé « Éparchie d'Abkhazie » et l'autre « Sainte Métropole d'Abkhazie »).
Même si la Russie soutient les sécessions abkhaze et ossète méridionale, le Patriarcat de Moscou s'est soigneusement gardé d'annexer spirituellement ces territoires : il continue de les reconnaître comme relevant canoniquement de l'Église de Géorgie, quitte à négocier avec celle-ci des arrangements pour que des prêtres russes soient autorisés à célébrer en certains lieux. Confronté à la délicate situation des divisions de l'Église orthodoxe en Ukraine, le Patriarcat de Moscou ne veut pas se voir accusé d'empiéter sur les territoires d'autres Églises orthodoxes historiques. Le 2 novembre 2017, le Métropolite Hilarion (Alfeyev), à la tête du Département des relations extérieures de l'Église orthodoxe russe, a rendu visite au Patriarche Élie II de Géorgie et a émis à cette occasion une sévère condamnation des séparatistes ecclésiastiques abkhazes, rapporte un article de Giorgi Menabde (Eurasia Daily Monitor, 7 novembre 2017). C'est particulièrement la situation du monastère de Novy Afon (Nouvel Athos), un lieu de pèlerinage orthodoxe russe en Géorgie, qui suscite l'ire du Métropolite. Cherchant sans succès à obtenir la reconnaissance du Patriarcat de Constantinople, le clergé dissident de Novy Afon a empêché d'y célébrer le prêtre russe approuvé par le Patriarche de Géorgie à la demande de son homologue moscovite.
L'arrière-plan de cette affaire n'est pas simplement la volonté d'un petit groupe de conserver le contrôle d'un sanctuaire prestigieux et très visité, explique Menabde. Dans leur recherche d'affirmation de l'indépendance abkhaze, les autorités locales ne souhaitent pas voir la plus célèbre église du pays passer de facto sous le contrôle du Patriarcat de Moscou — nonobstant l'alliance politique avec la Russie. Cela illustre la complexité des relations dans ces manœuvres politico-religieuses. Dans l'immédiat, les séparatistes orthodoxes abkhazes risquent bien de devoir faire face à l'hostilité conjointe des Églises de Russie et de Géorgie, avec de possibles répercussions politiques, estime Menabde. Si le Patriarche de Géorgie — malgré sa faiblesse physique — parvient à se rendre à Moscou au début du mois de décembre 2017 en réponse à l'invitation que lui a adressée son homologue russe, il n'est pas exclu qu'un des résultats de cette visite soit une déclaration conjointe sur la situation en Abkhazie, conclut l'article de l'Eurasia Daily Monitor.
Giorgi Menabde, « Russia and Georgia agree to Unite Against ‘Church Separatism’ in Abkhazia », Eurasia Daily Monitor, 14/143, 7 novembre 2017.
https://jamestown.org/program/russia-georgia-agree-unite-church-separatism-abkhazia/
Kristina M. Conroy, « Semi-Recognized States and Ambiguous Churches : The Orthodox Church in South Ossetia and Abkhazia », Journal of Church and State, vol. 57, N° 4, déc. 2015, pp. 621–639.
PAR RELIGIOSCOPE, 9 NOVEMBRE 2017
Dans les contextes religieux chrétiens orthodoxes, les projets nationalistes s'accompagnent souvent de revendications en vue de l'établissement d'Églises nationales, perçues comme une composante nécessaire de l'affirmation identitaire. Cela entraîne des conflits avec les Églises historiques considérant ce territoire comme leur. Les conflits autour des régions sécessionnistes de la Géorgie (Abkhazie et Ossétie du Sud), soutenues par la Russie et reconnues depuis 2008 par celle-ci (et par quelques rares autres États), ne font pas exception et ont permis l'établissement de groupes orthodoxes sur les marges des Églises se considérant comme « canoniques ». En Ossétie du Sud, cela a conduit à l'établissement de paroisses relevant d'une juridiction vieille-calendariste grecque. En Abkhazie, comme l'avaient expliqué deux articles publiés par Religioscope en 2010 et en 2011, des prêtres et moines sans évêque ont proclamé en 2009 leur indépendance face à l'Église de Géorgie et tentent d'instaurer une Église nationale abkhaze. Le petit mouvement a connu une scission en 2011 : deux groupes prétendent maintenant représenter l'Église d'Abkhazie (l'un intitulé « Éparchie d'Abkhazie » et l'autre « Sainte Métropole d'Abkhazie »).
Même si la Russie soutient les sécessions abkhaze et ossète méridionale, le Patriarcat de Moscou s'est soigneusement gardé d'annexer spirituellement ces territoires : il continue de les reconnaître comme relevant canoniquement de l'Église de Géorgie, quitte à négocier avec celle-ci des arrangements pour que des prêtres russes soient autorisés à célébrer en certains lieux. Confronté à la délicate situation des divisions de l'Église orthodoxe en Ukraine, le Patriarcat de Moscou ne veut pas se voir accusé d'empiéter sur les territoires d'autres Églises orthodoxes historiques. Le 2 novembre 2017, le Métropolite Hilarion (Alfeyev), à la tête du Département des relations extérieures de l'Église orthodoxe russe, a rendu visite au Patriarche Élie II de Géorgie et a émis à cette occasion une sévère condamnation des séparatistes ecclésiastiques abkhazes, rapporte un article de Giorgi Menabde (Eurasia Daily Monitor, 7 novembre 2017). C'est particulièrement la situation du monastère de Novy Afon (Nouvel Athos), un lieu de pèlerinage orthodoxe russe en Géorgie, qui suscite l'ire du Métropolite. Cherchant sans succès à obtenir la reconnaissance du Patriarcat de Constantinople, le clergé dissident de Novy Afon a empêché d'y célébrer le prêtre russe approuvé par le Patriarche de Géorgie à la demande de son homologue moscovite.
L'arrière-plan de cette affaire n'est pas simplement la volonté d'un petit groupe de conserver le contrôle d'un sanctuaire prestigieux et très visité, explique Menabde. Dans leur recherche d'affirmation de l'indépendance abkhaze, les autorités locales ne souhaitent pas voir la plus célèbre église du pays passer de facto sous le contrôle du Patriarcat de Moscou — nonobstant l'alliance politique avec la Russie. Cela illustre la complexité des relations dans ces manœuvres politico-religieuses. Dans l'immédiat, les séparatistes orthodoxes abkhazes risquent bien de devoir faire face à l'hostilité conjointe des Églises de Russie et de Géorgie, avec de possibles répercussions politiques, estime Menabde. Si le Patriarche de Géorgie — malgré sa faiblesse physique — parvient à se rendre à Moscou au début du mois de décembre 2017 en réponse à l'invitation que lui a adressée son homologue russe, il n'est pas exclu qu'un des résultats de cette visite soit une déclaration conjointe sur la situation en Abkhazie, conclut l'article de l'Eurasia Daily Monitor.
Giorgi Menabde, « Russia and Georgia agree to Unite Against ‘Church Separatism’ in Abkhazia », Eurasia Daily Monitor, 14/143, 7 novembre 2017.
https://jamestown.org/program/russia-georgia-agree-unite-church-separatism-abkhazia/
Kristina M. Conroy, « Semi-Recognized States and Ambiguous Churches : The Orthodox Church in South Ossetia and Abkhazia », Journal of Church and State, vol. 57, N° 4, déc. 2015, pp. 621–639.