L’enseignement des quatre religions, une espèce en voie de disparition?
MIS EN LIGNE LE 20/09/2017 À 11:24 NADINE DELRUE, ENSEIGNANTE ET MAÎTRE DE STAGE RETRAITÉE
Une carte blanche de Nadine Delrue. Le cours d’« Education à la Philosophie et la Citoyenneté » pourrait bientôt supplanter les cours « traditionnels » de religion. Certains s’en réjouissent, d’autres le craignent.
d-20150324-388JLA 2015-03-24 13:30:21
Il est possible, sinon probable, qu’à l’avenir, dans l’enseignement secondaire officiel, les cours de religions cèdent progressivement la place au cours d’« Education à la Philosophie et la Citoyenneté ». C’est l’espoir des uns, la crainte des autres.
De toute manière, pour le bien des uns comme des autres, il est nécessaire de porter la plus grande attention à la réussite de ce cours, donc à sa bonne organisation, mais aussi à l’intérêt de son contenu. Celui-ci ne manquera pas d’influencer le comportement des générations futures qui devront apprendre à se connaître et à se respecter. A se tolérer.
Sont très intéressantes, de ce point de vue, les interventions du député écolo Christos Doulkeridis qui demandait que plus de place soit faite à l’histoire, à l’histoire de la philosophie, mais aussi à celle des religions. Il plaide en faveur de connaissances historiques solides en ces matières.
Le sacré dans la société pluraliste
A cette requête j’ajouterais deux souhaits : l’un concerne cette mémoire de nos racines, l’autre la philosophie des sciences elle-même.
Mon premier souhait concerne un des buts annoncé dans le programme de ce cours : « découvrir les valeurs communes qui rassemblent les religions », toutes les religions. Le sacré n’est-il pas la valeur qui les imprègne toutes et de tout temps ? Mais comment présenter le sacré, catégorie difficile s’il en est ? Peut-être pourrait-on s’appuyer sur des exemples d’art sacré qui le manifestent ? Ces œuvres que l’Unesco déclare patrimoine mondial de l’humanité ? Ce souhait m’est venu à mon retour d’un voyage en Sicile. Au XIIe siècle, l’admirable civilisation arabo-normande y a fleuri, parmi guerres et violence. En architecture, en décoration de mosaïques, on admire le brassage de merveilles chrétiennes et de merveilles musulmanes mêlées. Art sacré, patrimoine immense de beauté, univers de symboles. Des chefs-d’œuvre du passé, surgit, flamboyante, une valeur toujours actuelle : le Sacré qui a sa place, lui aussi, dans la société pluraliste que nous souhaitons.
Une rationalité ouverte
Mon second souhait concerne le domaine philosophique, plus précisément la philosophie des sciences. Pour accompagner les jeunes citoyens de la société scientifico-technique, je propose une perspective large, une rationalité ouverte, comme celle de Ilya Prigogine et Isabelle Stengers. Ces auteurs présentent leur démarche dans deux ouvrages aux titres significatifs : La Nouvelle Alliance – Métamorphose de la science (1) et Entre le temps et l’éternité (2) qui ouvrent les sciences au dialogue avec les philosophies.
Dans le cadre de la formation des enseignants au sacré de l’Islam, deux universitaires islamologues retiennent l’attention : Felice Dassetto et Corinne Torrekens. Ces auteurs dénoncent une vision de l’Islam souvent faussée en Belgique. Ils affirment qu’il y a une « vraie demande chez les jeunes musulmans à Bruxelles » auprès desquels il est urgent de « contrebalancer les discours les plus radicaux ». (3)
Une dernière remarque. Depuis 1948, la Déclaration universelle des droits de l’homme assure à chacun la liberté de religion (Article 18). Ce droit est l’un des plus bafoués au monde (4). Sans enseignement religieux à l’école primaire et secondaire, sans présentation des mystères chrétiens, des mystères musulmans et autres, qui ont inspiré tant d’œuvres d’art et notre culture, respecte-t-on encore ce droit ?
(1) Paris, Gallimard, 1979 (notamment les p. 9 à 29) (2) Paris, Fayard, 1988 (notamment les p. 171 à 194) (3) LLB, 9 février 2017, p. 12
(4) L’atlas des religions, Le Monde-La vie. Hors série.2011
http://plus.lesoir.be/115090/article/2017-09-20/lenseignement-des-quatre-religions-une-espece-en-voie-de-disparition
MIS EN LIGNE LE 20/09/2017 À 11:24 NADINE DELRUE, ENSEIGNANTE ET MAÎTRE DE STAGE RETRAITÉE
Une carte blanche de Nadine Delrue. Le cours d’« Education à la Philosophie et la Citoyenneté » pourrait bientôt supplanter les cours « traditionnels » de religion. Certains s’en réjouissent, d’autres le craignent.
d-20150324-388JLA 2015-03-24 13:30:21
Il est possible, sinon probable, qu’à l’avenir, dans l’enseignement secondaire officiel, les cours de religions cèdent progressivement la place au cours d’« Education à la Philosophie et la Citoyenneté ». C’est l’espoir des uns, la crainte des autres.
De toute manière, pour le bien des uns comme des autres, il est nécessaire de porter la plus grande attention à la réussite de ce cours, donc à sa bonne organisation, mais aussi à l’intérêt de son contenu. Celui-ci ne manquera pas d’influencer le comportement des générations futures qui devront apprendre à se connaître et à se respecter. A se tolérer.
Sont très intéressantes, de ce point de vue, les interventions du député écolo Christos Doulkeridis qui demandait que plus de place soit faite à l’histoire, à l’histoire de la philosophie, mais aussi à celle des religions. Il plaide en faveur de connaissances historiques solides en ces matières.
Le sacré dans la société pluraliste
A cette requête j’ajouterais deux souhaits : l’un concerne cette mémoire de nos racines, l’autre la philosophie des sciences elle-même.
Mon premier souhait concerne un des buts annoncé dans le programme de ce cours : « découvrir les valeurs communes qui rassemblent les religions », toutes les religions. Le sacré n’est-il pas la valeur qui les imprègne toutes et de tout temps ? Mais comment présenter le sacré, catégorie difficile s’il en est ? Peut-être pourrait-on s’appuyer sur des exemples d’art sacré qui le manifestent ? Ces œuvres que l’Unesco déclare patrimoine mondial de l’humanité ? Ce souhait m’est venu à mon retour d’un voyage en Sicile. Au XIIe siècle, l’admirable civilisation arabo-normande y a fleuri, parmi guerres et violence. En architecture, en décoration de mosaïques, on admire le brassage de merveilles chrétiennes et de merveilles musulmanes mêlées. Art sacré, patrimoine immense de beauté, univers de symboles. Des chefs-d’œuvre du passé, surgit, flamboyante, une valeur toujours actuelle : le Sacré qui a sa place, lui aussi, dans la société pluraliste que nous souhaitons.
Une rationalité ouverte
Mon second souhait concerne le domaine philosophique, plus précisément la philosophie des sciences. Pour accompagner les jeunes citoyens de la société scientifico-technique, je propose une perspective large, une rationalité ouverte, comme celle de Ilya Prigogine et Isabelle Stengers. Ces auteurs présentent leur démarche dans deux ouvrages aux titres significatifs : La Nouvelle Alliance – Métamorphose de la science (1) et Entre le temps et l’éternité (2) qui ouvrent les sciences au dialogue avec les philosophies.
Dans le cadre de la formation des enseignants au sacré de l’Islam, deux universitaires islamologues retiennent l’attention : Felice Dassetto et Corinne Torrekens. Ces auteurs dénoncent une vision de l’Islam souvent faussée en Belgique. Ils affirment qu’il y a une « vraie demande chez les jeunes musulmans à Bruxelles » auprès desquels il est urgent de « contrebalancer les discours les plus radicaux ». (3)
Une dernière remarque. Depuis 1948, la Déclaration universelle des droits de l’homme assure à chacun la liberté de religion (Article 18). Ce droit est l’un des plus bafoués au monde (4). Sans enseignement religieux à l’école primaire et secondaire, sans présentation des mystères chrétiens, des mystères musulmans et autres, qui ont inspiré tant d’œuvres d’art et notre culture, respecte-t-on encore ce droit ?
(1) Paris, Gallimard, 1979 (notamment les p. 9 à 29) (2) Paris, Fayard, 1988 (notamment les p. 171 à 194) (3) LLB, 9 février 2017, p. 12
(4) L’atlas des religions, Le Monde-La vie. Hors série.2011
http://plus.lesoir.be/115090/article/2017-09-20/lenseignement-des-quatre-religions-une-espece-en-voie-de-disparition