LE DEVOIR DE PHILO
Avoir une religion rend-il meilleur?
Pour Platon, la vraie piété passe par une critique des croyances religieuses
17 juin 2017 | François Doyon - L’auteur est professeur de philosophie au cégep de Saint-Jérôme et il a publié «Les philosophes québécois et leur défense des religions» aux Éditions Connaissances et Savoirs (2017). | Le Devoir de philo
Dans un Québec où l’on associe encore l’éthique à la culture religieuse, il est pertinent de se rappeler que, pour le philosophe grec Platon, la religion est capable d’inspirer le meilleur comme le pire.
Photo: iStock
Dans un Québec où l’on associe encore l’éthique à la culture religieuse, il est pertinent de se rappeler que, pour le philosophe grec Platon, la religion est capable d’inspirer le meilleur comme le pire.
Deux fois par mois, Le Devoir lance à des passionnés de philosophie et d’histoire des idées le défi de décrypter une question d’actualité à partir des thèses d’un penseur marquant.
Une étude rendue publique en octobre 2016 arrive à la conclusion que les jeunes issus de communautés culturelles ne courent pas plus de risques de se radicaliser que les Québécois dits « de souche ». « Les collégiens qui ne s’identifient à aucune religion soutiennent plus la radicalisation violente que ceux qui se disent chrétiens ou musulmans », ajoute Cécile Rousseau, l’une des coauteures de l’étude. Croire en un dieu rendrait moins susceptible de soutenir la radicalisation violente. La religion aurait-elle la vertu de nous rendre meilleurs ?
Dans un Québec où l’on associe encore l’éthique à la culture religieuse, il est pertinent de se rappeler que, pour le philosophe grec Platon, la religion est capable d’inspirer le meilleur comme le pire. Le plus célèbre élève de Socrate écrit que la croyance dans les dieux peut et doit servir à nous rendre meilleurs, mais elle doit auparavant être expurgée de tous ses éléments qui pourraient inciter à commettre l’injustice.
Photo: Tommy Guignard
François Doyon, auteur et professeur de philosophie au cégep
de Saint-Jérôme
Les devoirs religieux sont-ils des devoirs moraux ?
Pour plaire à son dieu, le croyant doit accomplir ses devoirs religieux. Les dieux nous demandent de faire ce qu’ils aiment. Mais ce que les dieux aiment est-il identique à ce qui est aimable en soi, identique au bien ? Est-ce l’amour des dieux qui détermine ce qui est bien ou est-ce le bien qui suscite l’amour des dieux ?
Par ces questions, le Socrate de Platon nous incite à nous interroger sur la justification des commandements prescrits par la religion. Si ce qui est bon est bon parce qu’aimé par les dieux, les commandements divins seraient arbitraires. Mais si les dieux aiment ce qui est bon parce que c’est bon, alors la volonté divine est soumise à des critères de moralité supérieurs à elle et les commandements divins ne sont des commandements divins que parce qu’ils sont l’expression d’exigences supérieures qui s’imposent indépendamment des préférences divines. Le dieu qui commande est donc lui-même soumis au bien et n’est donc pas le fondement ultime de la morale.
L’établissement d’une distinction entre les préférences divines et le bien permet à Platon de critiquer la religion de son temps. Plusieurs dieux, en effet, ont des comportements moralement douteux : Zeus est un mari infidèle, Kronos dévore ses enfants, plusieurs dieux mentent et complotent les uns contre les autres… Les dieux d’Homère et d’Hésiode n’aiment pas uniquement ce qui est bon ; plaire aux dieux, ce n’est donc pas nécessairement faire le bien.
Dans un Québec où l’on associe encore l’éthique à la culture religieuse, il est pertinent de se rappeler que, pour le philosophe grec Platon, la religion est capable d’inspirer le meilleur comme le pire
François Doyon, professeur de philosophie
Vivre comme si nous allions être jugés
Platon pensait qu’agir de façon à plaire aux dieux n’est pas nécessairement agir moralement, mais il soutenait également que l’absence de religion pouvait conduire à l’immoralité. La croyance religieuse dans le jugement des âmes après la mort est pour Platon un moyen de persuader les humains qu’il est désavantageux de commettre l’injustice.
Dans La République, Platon raconte l’histoire du berger Gygès, un honnête homme rendu incapable de résister à la tentation de faire le mal par la découverte d’un anneau qui confère l’invisibilité. En effet, lorsque l’impunité est assurée, qu’est-ce qui empêche un humain de nuire à ses semblables pour satisfaire son intérêt personnel ? L’histoire nous donne comme exemples de nombreux dictateurs qui, ayant tous les pouvoirs, ont commis en toute impunité des crimes épouvantables. Nous n’avons même pas besoin d’exemples aussi extrêmes, car il suffit de penser aux téléchargements illégaux de contenus sur Internet. Avec aussi peu de risque d’être puni, pourquoi s’en priverait-on ? La question philosophique qui se pose ici est : « Si nous sommes assurés de ne jamais être punis, pourquoi serions-nous justes ? » Dans le Gorgias, Platon fait dire au sophiste Calliclès que celui qui est capable de commettre l’injustice sans subir d’inconvénients devrait commettre l’injustice. Selon Calliclès, la « justice » n’est qu’une notion définie par les faibles et il ne faut pas vouloir la justice, à moins d’être faibles. Il est juste que celui qui vaut davantage ait une plus grosse part que celui qui vaut moins.
Pour nous persuader de ne jamais commettre l’injustice, Platon écrit que le salaire de l’injustice, ce sont les souffrances infernales.
À la fin du Gorgias, Socrate explique à Calliclès que chaque injustice commise durant la vie terrestre laisse une marque de laideur sur l’âme. Après la mort, l’âme est toute nue, dépouillée du corps qui la voilait. Elle comparaît alors devant le tribunal divin. Si les dieux la jugent trop laide, elle sera condamnée à des supplices afin de la purifier, si elle est encore récupérable. Sinon, elle sera torturée éternellement pour servir d’avertissement aux autres âmes. Les incurables sont « suspendus véritablement comme un épouvantail dans la prison de l’Hadès, où le spectacle qu’ils donnent est un avertissement pour chaque nouveau coupable qui pénètre dans ces lieux » (Gorgias, 525c). Influencé par l’orphisme, Platon met la croyance en l’existence de supplices infernaux au service de la politique : il ne faut jamais commettre l’injustice, car nul ne pourra échapper au jugement après la mort.
Platon considère que l’athéisme est un mal, car certaines personnes particulièrement égoïstes commettraient encore plus de mal sans la crainte du châtiment divin. Ce sont les plus pervers qui ont le plus besoin de la peur de l’enfer, comme ce sont les plus désespérés qui ont le plus besoin de la religion pour supporter la vie. Chez Platon, la religion est mise au service de la morale, mais ne fonde pas la morale. Elle est mise au service du bien de la communauté politique.
Si le christianisme et l’islam étaient des religions respectant l’exigence de moralité de Platon, leurs adeptes les plus radicaux ne trouveraient pas dans la religion des justifications de leurs crimes
François Doyon, professeur de philosophie
Corriger les religions
Dans Le sophiste, Platon écrit que « la réfutation est la plus importante et la plus juste des purifications » et que celui qui n’est pas réfuté « restera impur et conservera inculte et enlaidie ce qui devrait être la chose la plus pure et la meilleure pour celui qui aspire au véritable bonheur » (Le sophiste, 230c-d). Pour Platon, la vraie piété passe par une critique des croyances religieuses traditionnelles.
Le Coran contient un certain nombre de passages susceptibles de justifier théologiquement le djihadisme. Plusieurs passages de l’Ancien Testament sont aussi très violents, de même que certaines déclarations du Jésus des Évangiles, qui dit ne pas être venu apporter la paix, mais le glaive (Matthieu 10, 34). Platon nous dirait qu’il faut améliorer les religions du Livre. Platon voulait purifier la tradition religieuse de son temps. Dans une cité juste, on ne laisse pas « les enfants écouter les premières fables venues, forgées par les premiers venus, et recevoir dans leurs âmes des opinions le plus souvent contraires à celles qu’ils doivent avoir, à notre avis, quand ils seront grands » (La République, 377 b). Il faut au contraire « veiller sur les faiseurs de fables, choisir leurs bonnes compositions et rejeter les mauvaises » (La République, 377b-c). Les jeunes, insiste Platon, doivent être exposés à des modèles de vertu et non pas de débauche ; les premiers modèles qui leur sont donnés laissent des traces permanentes sur leur caractère moral. « Mais qu’on raconte l’histoire d’Héra enchaînée par son fils, d’Héphaïstos précipité du ciel par son père, pour avoir défendu sa mère que celui-ci frappait, et les combats des dieux qu’Homère imagina, voilà ce que nous n’admettons pas dans la cité, que ces fictions soient allégoriques ou non » (La République, 378d). Platon reconnaît que les fables religieuses, y compris celles qu’il faut comprendre au sens figuré, peuvent inspirer des crimes.
Si le christianisme et l’islam étaient des religions respectant l’exigence de moralité de Platon, leurs adeptes les plus radicaux ne trouveraient pas dans la religion des justifications à leurs crimes. Or nous savons que les extrémistes chrétiens et musulmans peuvent aisément puiser dans la Bible ou le Coran des passages pour justifier des actes abominables. Que les passages soient mal compris par les auteurs de crimes n’est pas une excuse. Un texte sacré ne peut pas se permettre d’être équivoque en ce qui concerne la morale. Refuser d’admettre que les religions inspirent des comportements parfois inacceptables, c’est sombrer dans un angélisme naïf. Il reste plus sage de postuler que certaines religions peuvent inspirer le bien comme le mal. La foi est certes incapable de déplacer des montagnes, mais elle peut aussi lancer des pierres sur une femme sans défense ou jeter un homosexuel du haut d’un édifice.
Platon n’espère pas une humanité sans religion. Le dévouement est à notre espèce aussi naturel que l’égoïsme. La religion est l’organisation de ce dévouement. Participons donc à ses bonnes oeuvres en tirant le meilleur de ses traditions de vertus. Ne repoussons que l’intolérance.
Des commentaires ? Écrivez à Robert Dutrisac. Pour lire ou relire les anciens textes du Devoir de philo.
Avoir une religion rend-il meilleur?
Pour Platon, la vraie piété passe par une critique des croyances religieuses
17 juin 2017 | François Doyon - L’auteur est professeur de philosophie au cégep de Saint-Jérôme et il a publié «Les philosophes québécois et leur défense des religions» aux Éditions Connaissances et Savoirs (2017). | Le Devoir de philo
Dans un Québec où l’on associe encore l’éthique à la culture religieuse, il est pertinent de se rappeler que, pour le philosophe grec Platon, la religion est capable d’inspirer le meilleur comme le pire.
Photo: iStock
Dans un Québec où l’on associe encore l’éthique à la culture religieuse, il est pertinent de se rappeler que, pour le philosophe grec Platon, la religion est capable d’inspirer le meilleur comme le pire.
Deux fois par mois, Le Devoir lance à des passionnés de philosophie et d’histoire des idées le défi de décrypter une question d’actualité à partir des thèses d’un penseur marquant.
Une étude rendue publique en octobre 2016 arrive à la conclusion que les jeunes issus de communautés culturelles ne courent pas plus de risques de se radicaliser que les Québécois dits « de souche ». « Les collégiens qui ne s’identifient à aucune religion soutiennent plus la radicalisation violente que ceux qui se disent chrétiens ou musulmans », ajoute Cécile Rousseau, l’une des coauteures de l’étude. Croire en un dieu rendrait moins susceptible de soutenir la radicalisation violente. La religion aurait-elle la vertu de nous rendre meilleurs ?
Dans un Québec où l’on associe encore l’éthique à la culture religieuse, il est pertinent de se rappeler que, pour le philosophe grec Platon, la religion est capable d’inspirer le meilleur comme le pire. Le plus célèbre élève de Socrate écrit que la croyance dans les dieux peut et doit servir à nous rendre meilleurs, mais elle doit auparavant être expurgée de tous ses éléments qui pourraient inciter à commettre l’injustice.
Photo: Tommy Guignard
François Doyon, auteur et professeur de philosophie au cégep
de Saint-Jérôme
Les devoirs religieux sont-ils des devoirs moraux ?
Pour plaire à son dieu, le croyant doit accomplir ses devoirs religieux. Les dieux nous demandent de faire ce qu’ils aiment. Mais ce que les dieux aiment est-il identique à ce qui est aimable en soi, identique au bien ? Est-ce l’amour des dieux qui détermine ce qui est bien ou est-ce le bien qui suscite l’amour des dieux ?
Par ces questions, le Socrate de Platon nous incite à nous interroger sur la justification des commandements prescrits par la religion. Si ce qui est bon est bon parce qu’aimé par les dieux, les commandements divins seraient arbitraires. Mais si les dieux aiment ce qui est bon parce que c’est bon, alors la volonté divine est soumise à des critères de moralité supérieurs à elle et les commandements divins ne sont des commandements divins que parce qu’ils sont l’expression d’exigences supérieures qui s’imposent indépendamment des préférences divines. Le dieu qui commande est donc lui-même soumis au bien et n’est donc pas le fondement ultime de la morale.
L’établissement d’une distinction entre les préférences divines et le bien permet à Platon de critiquer la religion de son temps. Plusieurs dieux, en effet, ont des comportements moralement douteux : Zeus est un mari infidèle, Kronos dévore ses enfants, plusieurs dieux mentent et complotent les uns contre les autres… Les dieux d’Homère et d’Hésiode n’aiment pas uniquement ce qui est bon ; plaire aux dieux, ce n’est donc pas nécessairement faire le bien.
Dans un Québec où l’on associe encore l’éthique à la culture religieuse, il est pertinent de se rappeler que, pour le philosophe grec Platon, la religion est capable d’inspirer le meilleur comme le pire
François Doyon, professeur de philosophie
Vivre comme si nous allions être jugés
Platon pensait qu’agir de façon à plaire aux dieux n’est pas nécessairement agir moralement, mais il soutenait également que l’absence de religion pouvait conduire à l’immoralité. La croyance religieuse dans le jugement des âmes après la mort est pour Platon un moyen de persuader les humains qu’il est désavantageux de commettre l’injustice.
Dans La République, Platon raconte l’histoire du berger Gygès, un honnête homme rendu incapable de résister à la tentation de faire le mal par la découverte d’un anneau qui confère l’invisibilité. En effet, lorsque l’impunité est assurée, qu’est-ce qui empêche un humain de nuire à ses semblables pour satisfaire son intérêt personnel ? L’histoire nous donne comme exemples de nombreux dictateurs qui, ayant tous les pouvoirs, ont commis en toute impunité des crimes épouvantables. Nous n’avons même pas besoin d’exemples aussi extrêmes, car il suffit de penser aux téléchargements illégaux de contenus sur Internet. Avec aussi peu de risque d’être puni, pourquoi s’en priverait-on ? La question philosophique qui se pose ici est : « Si nous sommes assurés de ne jamais être punis, pourquoi serions-nous justes ? » Dans le Gorgias, Platon fait dire au sophiste Calliclès que celui qui est capable de commettre l’injustice sans subir d’inconvénients devrait commettre l’injustice. Selon Calliclès, la « justice » n’est qu’une notion définie par les faibles et il ne faut pas vouloir la justice, à moins d’être faibles. Il est juste que celui qui vaut davantage ait une plus grosse part que celui qui vaut moins.
Pour nous persuader de ne jamais commettre l’injustice, Platon écrit que le salaire de l’injustice, ce sont les souffrances infernales.
À la fin du Gorgias, Socrate explique à Calliclès que chaque injustice commise durant la vie terrestre laisse une marque de laideur sur l’âme. Après la mort, l’âme est toute nue, dépouillée du corps qui la voilait. Elle comparaît alors devant le tribunal divin. Si les dieux la jugent trop laide, elle sera condamnée à des supplices afin de la purifier, si elle est encore récupérable. Sinon, elle sera torturée éternellement pour servir d’avertissement aux autres âmes. Les incurables sont « suspendus véritablement comme un épouvantail dans la prison de l’Hadès, où le spectacle qu’ils donnent est un avertissement pour chaque nouveau coupable qui pénètre dans ces lieux » (Gorgias, 525c). Influencé par l’orphisme, Platon met la croyance en l’existence de supplices infernaux au service de la politique : il ne faut jamais commettre l’injustice, car nul ne pourra échapper au jugement après la mort.
Platon considère que l’athéisme est un mal, car certaines personnes particulièrement égoïstes commettraient encore plus de mal sans la crainte du châtiment divin. Ce sont les plus pervers qui ont le plus besoin de la peur de l’enfer, comme ce sont les plus désespérés qui ont le plus besoin de la religion pour supporter la vie. Chez Platon, la religion est mise au service de la morale, mais ne fonde pas la morale. Elle est mise au service du bien de la communauté politique.
Si le christianisme et l’islam étaient des religions respectant l’exigence de moralité de Platon, leurs adeptes les plus radicaux ne trouveraient pas dans la religion des justifications de leurs crimes
François Doyon, professeur de philosophie
Corriger les religions
Dans Le sophiste, Platon écrit que « la réfutation est la plus importante et la plus juste des purifications » et que celui qui n’est pas réfuté « restera impur et conservera inculte et enlaidie ce qui devrait être la chose la plus pure et la meilleure pour celui qui aspire au véritable bonheur » (Le sophiste, 230c-d). Pour Platon, la vraie piété passe par une critique des croyances religieuses traditionnelles.
Le Coran contient un certain nombre de passages susceptibles de justifier théologiquement le djihadisme. Plusieurs passages de l’Ancien Testament sont aussi très violents, de même que certaines déclarations du Jésus des Évangiles, qui dit ne pas être venu apporter la paix, mais le glaive (Matthieu 10, 34). Platon nous dirait qu’il faut améliorer les religions du Livre. Platon voulait purifier la tradition religieuse de son temps. Dans une cité juste, on ne laisse pas « les enfants écouter les premières fables venues, forgées par les premiers venus, et recevoir dans leurs âmes des opinions le plus souvent contraires à celles qu’ils doivent avoir, à notre avis, quand ils seront grands » (La République, 377 b). Il faut au contraire « veiller sur les faiseurs de fables, choisir leurs bonnes compositions et rejeter les mauvaises » (La République, 377b-c). Les jeunes, insiste Platon, doivent être exposés à des modèles de vertu et non pas de débauche ; les premiers modèles qui leur sont donnés laissent des traces permanentes sur leur caractère moral. « Mais qu’on raconte l’histoire d’Héra enchaînée par son fils, d’Héphaïstos précipité du ciel par son père, pour avoir défendu sa mère que celui-ci frappait, et les combats des dieux qu’Homère imagina, voilà ce que nous n’admettons pas dans la cité, que ces fictions soient allégoriques ou non » (La République, 378d). Platon reconnaît que les fables religieuses, y compris celles qu’il faut comprendre au sens figuré, peuvent inspirer des crimes.
Si le christianisme et l’islam étaient des religions respectant l’exigence de moralité de Platon, leurs adeptes les plus radicaux ne trouveraient pas dans la religion des justifications à leurs crimes. Or nous savons que les extrémistes chrétiens et musulmans peuvent aisément puiser dans la Bible ou le Coran des passages pour justifier des actes abominables. Que les passages soient mal compris par les auteurs de crimes n’est pas une excuse. Un texte sacré ne peut pas se permettre d’être équivoque en ce qui concerne la morale. Refuser d’admettre que les religions inspirent des comportements parfois inacceptables, c’est sombrer dans un angélisme naïf. Il reste plus sage de postuler que certaines religions peuvent inspirer le bien comme le mal. La foi est certes incapable de déplacer des montagnes, mais elle peut aussi lancer des pierres sur une femme sans défense ou jeter un homosexuel du haut d’un édifice.
Platon n’espère pas une humanité sans religion. Le dévouement est à notre espèce aussi naturel que l’égoïsme. La religion est l’organisation de ce dévouement. Participons donc à ses bonnes oeuvres en tirant le meilleur de ses traditions de vertus. Ne repoussons que l’intolérance.
Des commentaires ? Écrivez à Robert Dutrisac. Pour lire ou relire les anciens textes du Devoir de philo.