Pourquoi Trump a-t-il fait ce détour par le Vatican avant de se rendre au sommet de l’OTAN ?
Isabelle de Gaulmyn, le 28/05/2017 à 14h56
Les catholiques sont aujourd’hui près de 25 % des Américains, soit un quart, la plus importante confession. Trump, en proie à de grosses difficultés internes, peut ainsi redorer son image à bon compte.
Melania Trump, Donald Trump et le pape François. / EVAN VUCCI/AFP
De fait, l’image semblait un peu incongrue : cet américain solide, un peu embarrassé qui traversait la loge de Raphaël, la Salle Clémentine avec ses marbres étincelants et ses gardes suisses en uniforme d’apparat du Vatican, semblait lui-même impressionné de ce cadre qui reflète 2 000 ans d’histoire. D’autant plus qu’il venait voir un homme qui s’était opposé ouvertement à son élection : on se souvient que le pape François avait dit, évoquant la candidature de Trump, que « celui qui veut construire des murs et non des ponts n’est pas chrétien ».
En réalité, tout oppose le président des États-Unis au pape : le premier est un blanc évangélique, qui ne comprend absolument rien au catholicisme, farouchement opposé à l’immigration en provenance de l’Amérique latine, et pour qui l’argent est le baromètre du monde. Le second est un latino, qui lutte pour la prise en compte des immigrés dont il a fait le leitmotiv de son pontificat. L’un de ses textes les plus importants est une encyclique sur le climat (laudato si) alors que Trump est un climato-sceptique.
Trump aurait-il changé d’avis ?
Il n’est pas certain que l’opinion profonde de Donald Trump ait changé, mais c’est un pragmatique. Et aux États-Unis, auprès des catholiques, ce pape est populaire. Selon un récent sondage du Pew forum institut, 87 % des catholiques américains approuvent le pape François. À noter que c’est une tradition chez les catholiques américains où l’on est volontiers papiste : longtemps minoritaire, et mal considérée, la minorité catholique a toujours vu dans le pape celui qui pouvait les défendre.
À LIRE : Avec François, Donald Trump a parlé paix et écologie
Or les catholiques sont aujourd’hui près de 25 % des Américains, soit un quart, la plus importante confession. Trump, en proie à de grosses difficultés internes, peut ainsi redorer son image à bon compte.
De plus, toute une partie de la droite catholique conservatrice, assez puissante aux États-Unis car elle bénéficie du soutien d’une grande partie des évêques, a voulu ce voyage : montrer le pape serrant la main de Trump, c’est dire aussi que le pape n’est pas si extrême que cela sur l’immigration et la pauvreté, et que les sujets d’accord sont nombreux avec le nouvel hôte de la Maison-Blanche : lutte contre l’avortement, contre le mariage homosexuel etc. Une manière de minorer ce que le discours du pape François peut avoir d’irritant et de gênant pour un pan du catholicisme américain.
Une rencontre diplomatique habituelle pour un président des États-Unis.
Depuis une trentaine d’années, ces rencontres sont régulières et Obama, avant de terminer son second mandat, avait même tenu à venir rendre une dernière visite au pape. Mais Il faut savoir que cela n’a pas toujours été le cas : ce n’est que très tard, en 1984, que les relations diplomatiques ont été établies, soit bien après tous les autres pays occidentaux, sous la présidence de Ronald Reagan.
En fait, l’histoire explique cette réticence : traditionnellement anticatholiques, les États-Unis ont longtemps refusé de reconnaître le pape comme un interlocuteur ayant le rang de chef d’État. Les États-Unis ont été créés par des migrants réformés, qui fuyaient en partie les persécutions catholiques en Europe. Ils étaient justement fiers d’avoir mis en place un modèle de nouvel État, fondé sur une séparation stricte avec les Églises, contrairement à ce qu’ils connaissaient en Europe.
À LIRE : La paix au programme de l’entretien entre le pape François et Donald Trump
D’ailleurs, les premières immigrations catholiques (italiennes, polonaises, irlandaises) ont provoqué des mouvements de xénophobie assez fortes, et des persécutions anti catholiques dans des quartiers d’immigrants. Longtemps, les catholiques n’ont pas été considérés comme partie prenante de la nation américaine (au moins jusqu’à l’élection de Kennedy), et il était impossible au président de la République des États-Unis d’avoir des relations officielles avec le pape. Nixon avait tenté, et pris une volée de critiques des milieux protestants.
Finalement, c’est Ronald Reagan qui va permettre aux deux pays de se rapprocher et de nouer des relations officielles : Reagan était sensible au combat de Jean-Paul II contre le communisme, et, de manière plus pragmatique, les catholiques étaient devenus une communauté trop importante aux États-Unis pour continuer à bouder ostensiblement le pape.
De nouvelles relations ? Rien n'est moins sûr
Difficile à dire aujourd’hui s'il est sorti quelque chose de cette rencontre. Le pape ne se faisait guère d’illusion. Il avait dit, avant : « il faut chercher les portes qui sont au moins un peu ouvertes, pour entrer et parler de choses communes et aller de l’avant, pas à pas ». Au début, le pape semblait assez renfrogné, mais il s’est détendu, et a même eu des mots gentils pour la femme de Donald Trump, Melania. La rencontre n’a pas dû si mal se passer : les deux hommes sont sensibles au contact personnel.
Pour autant, les deux communiqués officiels ne sont pas d’accord : selon la Maison-Blanche, on a parlé de la paix au Proche-Orient, des chrétiens d’Orient, de la santé, et de la lutte contre le terrorisme. La version du Vatican est un peu différente, car il est question des migrants et non de la lutte contre le terrorisme.
Le souci pour l’écologie ne figure pas sur les deux communiqués, alors que l’on sait qu’ils en ont parlé, et que le pape a insisté et que c’est sans doute l’un des sujets où il peut avoir un peu d’influence. En le quittant, Trump a dit de manière très distincte « je n’oublierai pas ce que vous m’avez dit ». Donc, il reste à voir comment cela va s’établir, dans des actes concrets.
Isabelle de Gaulmyn
http://www.la-croix.com/Religion/Catholicisme/Pape/Pourquoi-Trump-fait-detour-Vatican-rendre-sommet-lOTAN-2017-05-28-1200850711
Isabelle de Gaulmyn, le 28/05/2017 à 14h56
Les catholiques sont aujourd’hui près de 25 % des Américains, soit un quart, la plus importante confession. Trump, en proie à de grosses difficultés internes, peut ainsi redorer son image à bon compte.
Melania Trump, Donald Trump et le pape François. / EVAN VUCCI/AFP
De fait, l’image semblait un peu incongrue : cet américain solide, un peu embarrassé qui traversait la loge de Raphaël, la Salle Clémentine avec ses marbres étincelants et ses gardes suisses en uniforme d’apparat du Vatican, semblait lui-même impressionné de ce cadre qui reflète 2 000 ans d’histoire. D’autant plus qu’il venait voir un homme qui s’était opposé ouvertement à son élection : on se souvient que le pape François avait dit, évoquant la candidature de Trump, que « celui qui veut construire des murs et non des ponts n’est pas chrétien ».
En réalité, tout oppose le président des États-Unis au pape : le premier est un blanc évangélique, qui ne comprend absolument rien au catholicisme, farouchement opposé à l’immigration en provenance de l’Amérique latine, et pour qui l’argent est le baromètre du monde. Le second est un latino, qui lutte pour la prise en compte des immigrés dont il a fait le leitmotiv de son pontificat. L’un de ses textes les plus importants est une encyclique sur le climat (laudato si) alors que Trump est un climato-sceptique.
Trump aurait-il changé d’avis ?
Il n’est pas certain que l’opinion profonde de Donald Trump ait changé, mais c’est un pragmatique. Et aux États-Unis, auprès des catholiques, ce pape est populaire. Selon un récent sondage du Pew forum institut, 87 % des catholiques américains approuvent le pape François. À noter que c’est une tradition chez les catholiques américains où l’on est volontiers papiste : longtemps minoritaire, et mal considérée, la minorité catholique a toujours vu dans le pape celui qui pouvait les défendre.
À LIRE : Avec François, Donald Trump a parlé paix et écologie
Or les catholiques sont aujourd’hui près de 25 % des Américains, soit un quart, la plus importante confession. Trump, en proie à de grosses difficultés internes, peut ainsi redorer son image à bon compte.
De plus, toute une partie de la droite catholique conservatrice, assez puissante aux États-Unis car elle bénéficie du soutien d’une grande partie des évêques, a voulu ce voyage : montrer le pape serrant la main de Trump, c’est dire aussi que le pape n’est pas si extrême que cela sur l’immigration et la pauvreté, et que les sujets d’accord sont nombreux avec le nouvel hôte de la Maison-Blanche : lutte contre l’avortement, contre le mariage homosexuel etc. Une manière de minorer ce que le discours du pape François peut avoir d’irritant et de gênant pour un pan du catholicisme américain.
Une rencontre diplomatique habituelle pour un président des États-Unis.
Depuis une trentaine d’années, ces rencontres sont régulières et Obama, avant de terminer son second mandat, avait même tenu à venir rendre une dernière visite au pape. Mais Il faut savoir que cela n’a pas toujours été le cas : ce n’est que très tard, en 1984, que les relations diplomatiques ont été établies, soit bien après tous les autres pays occidentaux, sous la présidence de Ronald Reagan.
En fait, l’histoire explique cette réticence : traditionnellement anticatholiques, les États-Unis ont longtemps refusé de reconnaître le pape comme un interlocuteur ayant le rang de chef d’État. Les États-Unis ont été créés par des migrants réformés, qui fuyaient en partie les persécutions catholiques en Europe. Ils étaient justement fiers d’avoir mis en place un modèle de nouvel État, fondé sur une séparation stricte avec les Églises, contrairement à ce qu’ils connaissaient en Europe.
À LIRE : La paix au programme de l’entretien entre le pape François et Donald Trump
D’ailleurs, les premières immigrations catholiques (italiennes, polonaises, irlandaises) ont provoqué des mouvements de xénophobie assez fortes, et des persécutions anti catholiques dans des quartiers d’immigrants. Longtemps, les catholiques n’ont pas été considérés comme partie prenante de la nation américaine (au moins jusqu’à l’élection de Kennedy), et il était impossible au président de la République des États-Unis d’avoir des relations officielles avec le pape. Nixon avait tenté, et pris une volée de critiques des milieux protestants.
Finalement, c’est Ronald Reagan qui va permettre aux deux pays de se rapprocher et de nouer des relations officielles : Reagan était sensible au combat de Jean-Paul II contre le communisme, et, de manière plus pragmatique, les catholiques étaient devenus une communauté trop importante aux États-Unis pour continuer à bouder ostensiblement le pape.
De nouvelles relations ? Rien n'est moins sûr
Difficile à dire aujourd’hui s'il est sorti quelque chose de cette rencontre. Le pape ne se faisait guère d’illusion. Il avait dit, avant : « il faut chercher les portes qui sont au moins un peu ouvertes, pour entrer et parler de choses communes et aller de l’avant, pas à pas ». Au début, le pape semblait assez renfrogné, mais il s’est détendu, et a même eu des mots gentils pour la femme de Donald Trump, Melania. La rencontre n’a pas dû si mal se passer : les deux hommes sont sensibles au contact personnel.
Pour autant, les deux communiqués officiels ne sont pas d’accord : selon la Maison-Blanche, on a parlé de la paix au Proche-Orient, des chrétiens d’Orient, de la santé, et de la lutte contre le terrorisme. La version du Vatican est un peu différente, car il est question des migrants et non de la lutte contre le terrorisme.
Le souci pour l’écologie ne figure pas sur les deux communiqués, alors que l’on sait qu’ils en ont parlé, et que le pape a insisté et que c’est sans doute l’un des sujets où il peut avoir un peu d’influence. En le quittant, Trump a dit de manière très distincte « je n’oublierai pas ce que vous m’avez dit ». Donc, il reste à voir comment cela va s’établir, dans des actes concrets.
Isabelle de Gaulmyn
http://www.la-croix.com/Religion/Catholicisme/Pape/Pourquoi-Trump-fait-detour-Vatican-rendre-sommet-lOTAN-2017-05-28-1200850711