Internet et évangélisation : « Il faut faire preuve de créativité »
1 juin 2017 par Manu Van Lier
Jean-Baptiste Maillard est le Secrétaire général de Lights in the Dark. Cette association internationale 100% dédiée à l’évangélisation par Internet, forme aussi les chrétiens qui veulent se lancer dans cette mission. Selon lui, la créativité conditionne la réussite de cette démarche.
L’Eglise est-elle assez présente sur Internet? N’a-t-elle pas « pris le train en retard »?
L’Eglise n’est jamais assez présente sur Internet pour que les chrétiens puissent témoigner assez largement et « efficacement » de leur foi en Jésus sauveur de tout homme. En effet, comme le Christ nous a envoyés « par le monde entier proclamer l’Evangile à toutes les nations » (Mc 16,15), il y a toujours plus d’hommes de culture ou de pays lointains qui ont besoin de trouver sur le web un début de réponse au sens de leur existence. Ainsi, les trois questions les plus posées dans Google sont: « Qu’est-ce que l’amour? », « Comment embrasser? » et « Qui est Dieu? » Mais il ne faut pas oublier l’essentiel: la possibilité qu’Internet mène à une rencontre « en chair et en os » avec des chrétiens accueillants, qui prient et qui s’aiment. Ainsi s’accomplira cette parole de l’évangéliste Jean: « c’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que l’on reconnaîtra que vous êtes mes disciples » (Jn 13,25). Et des conversions seront alors rendues possibles, par l’action de l’Esprit Saint, premier protagoniste de toute évangélisation.
Il y a quelques années, le Professeur Daniel Arasa, de l’Université pontificale de la Sainte-Croix à Rome, avait déclaré que l’internet catholique était un « open-intranet ». Autrement dit, que nos sites sont peut-être encore trop tournés vers les catholiques. Il manque en tout cas beaucoup de sites Internet pour tous ceux qui sont loin de l’Eglise, « aux périphéries ». Nos frères protestants évangéliques sont, sur ce terrain-là, beaucoup plus « en avance » que nous, malgré certaines limites propres à leur histoire.
Faut-il privilégier les initiatives de particuliers, de mouvements ou plutôt donner la priorité aux organes officiels de l’Eglise?
Servir la communication officielle, institutionnelle de l’Eglise et toutes ses composantes (jusqu’aux mouvements de jeunes, communautés, etc.), ce n’est pas toujours délivrer un message qui intéresse le plus nos contemporains et qui répond le mieux à leurs profondes aspirations, à la recherche de leur cœur ou de leur âme. De plus, le vocabulaire est souvent réservé aux connaisseurs ou aux habitués, ce pourquoi, peut-être, le pape François nous invite à utiliser un « nouveau langage ». Il faut donc privilégier des initiatives portées par des « minorités créatives », qui soient non pas dans des postures de confrontation plus ou moins stérile, mais au contraire une proposition d’ouverture incarnée, pour discuter, dialoguer, inviter à la rencontre, qui, elle seule, permet une évangélisation en profondeur. Je crois aussi beaucoup aux opérations sur Internet menées par des équipes de jeunes qui sont, comme le rappelait Benoît XVI, « en syntonie » avec ces nouveaux moyens de communication sociale, s’ils s’appuient toutefois sur les conseils de plus anciens qu’eux dans la foi. Je pense ici à une opération que nous avions menée avec nos équipes, via notre site ainsisoient-ils.com,
pour apporter un éclairage sur la série télévisée du même nom. Finalement, nous avons eu plus de 100.000 visiteurs à chaque diffusion de leurs saisons, dont beaucoup de non-croyants, qui nous ont écrit. Ce qui prouve aussi que lorsque l’institution est plus ou moins visée, comme c’était le cas avec cette série, elle est toujours mieux « défendue » par des initiatives extérieures…
Les organes officiels de l’Eglise peuvent facilement servir de « caisses de résonance » sur ces initiatives. Ils peuvent eux aussi se lancer pour évangéliser ceux qui sont loin de l’Eglise, mais en gardant bien à l’esprit la nécessité de conserver une forte créativité, une grande liberté de ton, voire même une dose d’humour. Ce dernier aide beaucoup à briser la glace avec ceux de nos contemporains pour qui l’Eglise est vieille, ringarde et pas drôle, bref ne donnant pas envie d’être chrétien!
Divers mouvements peuvent accomplir cette mission. Mais comment vérifier l’information et les sources?
C’est ici qu’intervient la nécessité – qui n’est pas non plus un absolu prérequis – de se former pour évangéliser. Voilà pourquoi, avec notre association Lights in the Dark, nous lançons une académie, baptisée Sainte-Faustine, pour former les chrétiens désireux de se lancer dans cette mission et leur transmettre tout ce que nous avons déjà appris. Ils pourront ainsi suivre des formations à la carte, le temps d’un week-end ou d’une semaine pour apprendre les « bonnes pratiques ». Nous organisons également un premier événement sur ce thème, le forum « e-Mission », tout début juillet dans le sud de la France, auquel participeront de grands intervenants venus de Rome, de Suisse ou d’ailleurs. Loin de s’adresser seulement aux techniciens du web, de nombreux ateliers sont proposés sur le leadership et de nombreuses manières d’annoncer le Christ sur Internet, comme par exemple la vidéo.
Avez-vous des exemples de réalisations de sites ou blogs que vous jugez particulièrement réussies?
Il y en a beaucoup. Mais j’ai été particulièrement frappé, il y a quelques années, par un site lancé par les évêques américains, catholicscomehome.org (littéralement, « Catholiques, revenez à la maison »). Ce site s’adressait, dès la page d’accueil, à différentes cibles et a permis à plus de 200.000 personnes (athées, ex-catholiques et catholiques non-pratiquants), de revenir dans le giron de l’Eglise! Nous aurons tout à gagner à nous inspirer de ce genre d’initiatives, catholiques ou non, qui ont réussi à porter plus loin encore la joie de croire et d’en vivre!
Propos recueillis par Manu VAN LIER
Outre son blog www.dufeudedieu.com, Jean-Baptiste Maillard est aussi l’auteur du livre « Dieu et Internet, 40 questions pour mettre le feu au web » (EDB, 2011).
http://www.cathobel.be/2017/06/01/internet-evangelisation-faut-faire-preuve-de-creativite/