- Déluge et déluges : de la pluralité des mondes au polygénisme
- [url=https://www.cairn.info/publications-de-Maria Susana-Seguin--22623.htm]Maria Susana Seguin[/url]
- Dans Dix-septième siècle 2003/4 (n° 221), pages 685 à 6941
[size=42]Les images littéraires associées à l’eau peuvent s’organiser, de manière schématique, dans trois grandes catégories : l’eau comme source de vie, l’eau comme moyen de purification, et l’eau comme instrument d’une régénérescence, trois thématiques qui peuvent parfois coexister dans des combinaisons particulièrement fécondes. Dans ce sens, il est un sujet qui illustre parfaitement la richesse des images associées à l’eau par la diversité et la complexité des lectures qu’il peut entraîner, c’est le récit du Déluge universel contenu dans les chapitres 6 à 8 de la Genèse. Le récit biblique est d’une grande simplicité : après l’expulsion d’Adam et Ève du Paradis, la corruption n’a cessé d’augmenter sur la terre, jusqu’au jour où, lassé de la méchanceté des hommes et peiné dans son cœur, Dieu décide d’anéantir l’espèce humaine par une inondation générale. Des pluies incessantes s’abattent sur la terre durant quarante jours et quarante nuits, jusqu’à ce que les sommets des plus hautes montagnes se trouvent entièrement submergés. Tout n’est pourtant pas détruit, car l’œuvre de Dieu ne saurait être imparfaite au point d’appeler l’anéantissement. En effet, un juste a su trouver grâce aux yeux du Seigneur : Noé et sa famille échappent à la destruction générale, abrités dans l’arche salvatrice qu’ils ont construite sous la direction divine.
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Quelques conclusions rapides se dégagent d’une première lecture du récit de la Genèse : les eaux du
déluge sont avant tout destructrices, puisqu’il s’agit du moyen dont Dieu se servit pour mettre un terme à un premier monde corrompu dont seul huit personnes purent échapper, alors que des milliers d’hommes et d’animaux furent engloutis par les flots. Il est en cela l’annonce du jour du Jugement dernier
[1][1]La dimension eschatologique est autorisée par le texte biblique…. Mais en même temps, si on tient compte de la nature spécifique du texte biblique, les eaux du
déluge sont aussi l’instrument d’une re-création de l’humanité appelée à l’adoration pure à travers la descendance de Noé. L’arche qui sert de refuge aux survivants peut alors être vue comme l’image de l’Église, hors de laquelle il n’y a pas de salut, et le personnage de Noé comme une figure du Christ
[2][2]Cette assimilation de l’arche à l’Église est inscrite dans la…. Le
déluge est ainsi à la fois une source de mort et de vie, de destruction et de purification, une renaissance matérielle et spirituelle assimilée par les Écritures à la purification de l’âme par les eaux du baptême, grâce auquel le Chrétien meurt dans la chair pour renaître dans l’esprit
[3][3]Voir par exemple la Première Épître de saint Pierre III,…. Autrement dit, d’un point de vue littéraire, le récit du
déluge est sans doute l’un de ceux où l’imaginaire de l’eau est le plus riche et nous pourrions pour aujourd’hui en rester à une typologie des lectures figuratives auxquelles il s’est prêté à la période qui nous intéresse
[4][4]Pour une explication d’ensemble de ces lectures figuratives, je….
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Il existe pourtant une différence capitale entre les textes proprement littéraires et l’histoire du
déluge biblique. C’est que le récit du
déluge n’est pas, pour les hommes et les femmes du XVII
e siècle, un récit littéraire, une fiction plus ou moins vraisemblable, mais un événement certain, incontestable et fondamental dans leur conception de l’histoire du monde, un événement qu’il faut accepter de manière littérale, avant d’en tirer un enseignement moral. Plus précisément, l’histoire de Noé est le dernier récit des Écritures, après celui de la Création, à concerner l’humanité tout entière, puisque les épisodes qui interviennent par la suite (et notamment à partir de la dispersion des hommes à Babel et de la vocation d’Abraham) ne concernent que l’histoire du peuple hébreu, laissant de côté le sort des autres nations, qui ont perdu, avec la langue originelle, les enseignements de la religion primitive. Toute l’histoire de l’humanité trouve alors son origine dans cet événement majeur de l’Ancien Testament, et l’orientation qui est donnée à l’ensemble de l’histoire de l’humanité est conditionnée, dans la France du XVII
e siècle, par ce présupposé historique.
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Parallèlement, si on replace le récit du
déluge dans le contexte biblique, on s’aperçoit qu’il s’agit également de l’un des événements fondateurs de la religion chrétienne. En effet, l’affirmation de l’universalité du
déluge, et par conséquent l’acceptation du fait que tous les hommes descendent de la seule famille de Noé, implique aussi l’adoption de l’universalité de la morale chrétienne, héritière de la sagesse originelle à travers la lignée d’Adam et de Noé, c’est-à-dire le Christ. Le récit du
déluge joue alors un rôle stratégique dans l’apologétique chrétienne, il apporte une garantie historique (le
déluge) à l’unité biologique (par Adam) de l’espèce humaine, et confirme la vocation de l’ensemble de l’humanité à la rédemption chrétienne.
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Or, la validité de l’enseignement moral de l’histoire du
déluge semble dépendre de sa réalité historique, et l’ensemble des symboles qui constituent cette allégorie (les eaux, l’arche de Noé, l’arc-en-ciel, les animaux) n’ont de sens que si l’événement lui-même est vrai. Mais le récit du
déluge pose de nombreuses difficultés aux défenseurs de la religion. Depuis l’Antiquité, nombreux ont été ceux qui ont mis en cause la réalité historique d’un tel événement
[5][5]À commencer par l’hérésiarque Apelles, fondateur de la secte… : où trouver l’eau pour inonder la planète tout entière et dépasser, comme le dit la Genèse, de quinze coudées le sommet des plus hautes montagnes ? Quarante jours et quarante nuits de pluies auraient-ils suffi à inonder la terre, ou, aurait-il fallu faire appel à d’autres causes, que la Bible n’aurait pas mentionnées ? Et dans ce cas, supposant cette inondation possible, comment expliquer le retrait de ces mêmes eaux, une fois le
déluge terminé ? Et surtout comment expliquer qu’une embarcation de la taille de l’arche de Noé ait pu contenir des représentants de tous les animaux existant sur la terre, y compris ceux de la lointaine Amérique ? Les réponses apportées par les défenseurs de la foi à ces nombreuses questions ne sont pas seulement anecdotiques, elles nourrissent une partie non négligeable de la littérature d’idées de la période classique et entraînent des conséquences dogmatiques majeures. Mais nous verrons aussi que, à force de prouver la réalité du récit biblique et de sauvegarder sa portée historique et religieuse, il s’opère un glissement dans le statut du texte biblique qui nous ramène peu à peu du côté de la fiction philosophique, et donc du littéraire.
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Même si l’histoire du
déluge a toujours intéressé les savants, elle est sensiblement remise à la mode durant le XVII
e siècle grâce au développement des nouvelles théories cosmologiques et au nouveau statut qu’acquiert la terre au sein de l’univers. En 1644, Descartes ouvre la voie au débat en proposant, dans les
Principes de la philosophie, une explication de l’origine de la terre qui fait appel à l’imaginaire diluvien. La terre primitive, parfaitement sphérique, se serait, à un moment donné, brisée et effondrée au sein d’un océan intérieur, provoquant une gigantesque inondation temporaire et donnant par la même occasion naissance au relief terrestre actuel. Il est vrai que le philosophe se garde bien d’assimiler son explication aux récits de la Création et du
Déluge, et qu’il place d’emblée son système du côté de la fiction philosophique
[6][6]« [...] bien que le monde n’ait pas été fait au commencement en…, mais force est de constater que sa théorie, qui passe sous silence l’intervention divine, entre directement en concurrence avec ces deux récits de la Genèse.
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D’autres ne manqueront pas de voir dans la théorie cartésienne l’explication certaine du
déluge universel. Les sciences de la terre naissantes y trouvent le moyen de justifier la formation du globe et la présence de fossiles dans des territoires éloignés de la mer. Le théologien anglais Thomas Burnet, par exemple, auteur d’une
Telluris Theoria sacra publiée en 1681, identifie ouvertement le modèle cosmologique cartésien au
déluge de la Bible, mais il y ajoute une dimension surnaturelle en expliquant que le jour du
déluge c’est Dieu qui inclina l’axe de la terre, autrefois perpendiculaire, et qui provoqua l’écroulement de l’écorce terrestre primitive, entraînant la naissance des saisons et par conséquent tous les désagréments que celles-ci provoquent dans la vie de l’homme
[7][7]Thomas Burnet, Telluris Theoria sacra, Londres, W. Kettilby,…. Quelques années plus tard, le naturaliste anglais John Woodward fait également appel aux masses d’eau contenues dans le sein de la terre pour inonder la planète, mais il suppose qu’une source de chaleur intérieure raréfia les eaux souterraines, la vapeur ainsi formée faisant pression sur la croûte terrestre jusqu’à ce que celle-ci finisse par se fendiller dans les parties les plus fragiles, ce qui provoqua l’irruption des eaux et l’inondation générale
[8][8]John Woodward, An Essay toward a Natural History of the Earth,…. Woodward en vient même à expliquer la présence des fossiles au sein de la terre par le moyen des eaux diluviennes : lors de l’inondation, toutes les masses rocheuses du globe furent dissoutes, formant une boue dense et hétérogène. Par la suite, les couches de la terre se sont progressivement reconstituées par solidification progressive, suivant la gravité spécifique des divers éléments, et entraînant au passage les restes des êtres vivants qui se sont trouvés alors prisonniers des couches sédimentaires (et qui, par un phénomène non expliqué, n’ont pas été dissous par les eaux du
déluge). Et que dire de la théorie de William Whiston
[9][9]William Whiston, A New Theory of the Earth, Londres, B. Tooke,…, successeur de Newton à Cambridge, et auteur en 1696 d’une
Nouvelle théorie de la terre qui explique le
déluge par l’influence sur la terre d’une comète qui aurait provoqué un gigantesque raz de marée ? Ces explications du
déluge, qui ne sont pourtant pas dépourvues d’intérêt scientifique, constituent des systèmes purement spéculatifs qui contredisent les faits observables, mais qui apportent une version plus ou moins rationnelle de l’inondation noachique. Or, malgré leur caractère spéculatif, elles sont destinées à un succès certain, la théorie de Burnet, par exemple, séduit le P. Malebranche lui-même
[10][10]Dès 1681, Thomas Burnet envoie un exemplaire de sa Telluris…. Et on pourrait encore en citer beaucoup d’autres, au XVII
e et au XVIII
e siècles, où la terre est successivement secouée, brisée, précipitée, balancée dans l’espace infini, le mouvement de rotation de son axe est violemment accéléré ou, au contraire, arrêté net pour un instant, au point qu’il est difficile d’imaginer que la terre soit toujours une planète habitable
[11][11]Voir Maria Susana Seguin, op. cit., p. 91 et s..
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Ces théories gardent pourtant, aux yeux de l’orthodoxie, le mérite de proposer une explication rationnelle du miracle du
déluge universel et d’apporter une caution pseudo-scientifique à l’un des plus importants événements de l’Ancien Testament. Mais elles ne résolvent en aucun cas les nombreux problèmes liés au
déluge, dont la quantité d’eau nécessaire à l’inondation (tous les auteurs doivent finalement faire appel à l’intervention divine), et en particulier l’épineuse question du repeuplement postdiluvien, non seulement en ce qui concerne les animaux, à travers les espèces conservées dans l’arche de Noé, mais surtout en ce qui concerne l’homme, par la seule descendance de Noé.
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C’est précisément afin d’esquiver les innombrables écueils d’ordre matériel qu’implique le
déluge que d’autres théologiens imaginent, au XVII
e siècle, une inondation qui aurait seulement affecté les régions de la terre habitées par Noé et ses contemporains, mais qui aurait épargné les parties de la planète non encore occupées par l’homme. Une telle explication se rapproche de l’opinion des esprits critiques pour qui le
Déluge dont parle la Bible n’a pas été une catastrophe d’étendue planétaire, mais une inondation limitée à une partie du globe, mais tente de préserver la valeur morale du récit par le recours à un
déluge qui ne serait universel que parce qu’il aurait concerné l’ensemble de l’humanité de l’époque.
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C’est en 1659 que l’auteur et commentateur protestant Isaac Vossius émet le premier, de manière publique, l’idée que le
déluge dont parlent les Écritures n’avait inondé qu’une partie de la terre, mais que la catastrophe avait anéanti la population terrestre à l’exception de Noé et de sa famille
[12][12]Isaac Vossius, Dissertatio de vera ætate mundi, qua ostenditur…. En effet, analysant la chronologie du monde, Vossius constate que le
déluge intervient peu de temps après la Création (en l’an 1656 depuis la Création du monde), à une époque où les hommes n’avaient pas encore eu le temps de se disperser sur toute la planète. Il était par conséquent inutile d’inonder toute la terre, et comme Dieu ne fait jamais rien d’inutile, mais choisit toujours les voies les plus simples, il a dû épargner des contrées lointaines, comme l’Amérique et toutes les autres régions où il n’y avait pas de pécheurs à punir. Une inondation totale de la planète est physiquement impossible, et elle entraînerait des changements dans l’atmosphère qui modifieraient essentiellement les conditions de vie sur terre.
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Vossius justifie son hypothèse par des remarques d’ordre philologique : les paroles de Moïse ne doivent pas nécessairement être prises dans un sens absolu, mais elles doivent être entendues d’après le génie propre des langues orientales, qui ont souvent recours à l’hyperbole, aussi bien dans les écrits historiques que dans les textes poétiques. Il est vrai que le texte biblique affirme que « toute la terre » a été inondée, mais le mot hébreu traduit par
omnis dans la Bible latine a souvent dans les Écritures un sens restreint. Ainsi du passage qui parle de la famine qui régna du temps de Jacob dans les pays voisins de la Palestine et de l’Égypte, et qui est décrite dans les Écritures comme ayant prévalu sur « toute la terre »
[13][13]Genèse XLI, 54-57. On constate le même emploi dans le Troisième…. Au moins deux autres dissertations contemporaines reprennent les arguments philologiques et scientifiques avancés par Vossius. L’une d’elles,
De diluvii universalitate dissertatio prolusoria, de l’érudit Georges Kirchmaier
[14][14]Georges Kirchmaier, De Diluvii universalitate dissertatio…, trouve même une explication physique pour endiguer les eaux du
déluge : une manifestation gigantesque du phénomène de la goutte d’eau.
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Cette lecture du texte de la Genèse implique, malgré son intention apologétique avouée, une prise de distance par rapport à la Bible, avant même la parution de l’œuvre exégétique de Richard Simon ou de Spinoza, qui ne pouvait passer inaperçue. L’œuvre de Vossius sera d’ailleurs censurée par la Congrégation de l’Index
[15][15]Plus de vingt ans après leur publication, les ouvrages de…. Les intentions du théologien n’étaient pourtant pas de proposer une analyse critique du texte de la Genèse, mais de réaffirmer l’origine commune de la race humaine par Adam et Noé, et par conséquent la valeur universelle de la morale chrétienne, même s’il lui fallait pour cela sacrifier l’universalité matérielle de l’inondation. D’autres préféreront préserver l’universalité de l’inondation, mais sacrifieront la vraisemblance d’ensemble. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire les explications apportées à l’origine des races, à la fertilité postdiluvienne, au peuplement de l’Amérique
[16][16]Citons, à titre d’exemple, l’œuvre du P. Petau, Opus de…. Les apologistes entendaient alors combattre aussi bien ceux qui restreignaient le
déluge à une seule partie de la planète que ceux qui soutenaient la thèse polygéniste.
De fait, dans sa dissertation, Vossius s’en prend directement au théologien calviniste Isaac de La Peyrère, qui lui aussi avait affirmé, pour les mêmes raisons scientifiques et philologiques, la restriction du
déluge biblique à une seule partie de la terre
[17][17]Isaac de La Peyrère, Præadamitæ. Sive Exercitatio super…. Mais le système théologique de La Peyrère suppose aussi l’existence d’une humanité différente de la postérité d’Adam, et de beaucoup antérieure à celle-ci. Dieu aurait créé au commencement un nombre important d’êtres humains, répartis dans différentes contrées, afin d’assurer le peuplement de la terre récemment créée. Plus tard il aurait procédé à la création d’Adam, choisi spécialement pour fonder une race vouée au culte divin. Or, une des conséquences majeures de la théorie des Préadamites était que le
déluge n’avait inondé que la Palestine, région habitée par la descendance d’Adam, mais qu’il avait épargné les hommes de la première Création. La Peyrère avait lui aussi, de son aveu, une intention apologétique : réaffirmer l’universalité du message évangélique et garantir le salut de tous les hommes, y compris les Juifs. Les distances avec la théorie de Vossius sont évidentes, mais la prise de position sur l’universalité du
déluge entraîne des conséquences également dangereuses : si le
déluge n’avait pas été universel, la construction de l’Arche n’aurait pas été justifiée puisque les hommes auraient pu trouver refuge dans les régions épargnées par l’inondation. Le symbole du salut chrétien (l’arche étant une figure de l’Église) était alors sérieusement menacé. Plus grave encore : si le
déluge n’avait pas été universel, des populations entières auraient pu ainsi se protéger de la destruction, en s’abritant par exemple dans les montagnes voisines. Le salut aurait alors été réservé aux montagnards, et non pas seulement aux justes... Pourquoi ne pas ouvrir alors, une voie au salut pour les Chinois, les Américains, et toutes ces populations lointaines qui constituaient le fondement du mythe du Bon Sauvage ? Autrement dit, comment justifier l’universalité de la morale chrétienne ?
Nous touchons ici à la problématique centrale dans les discussions sur le
déluge : mettre en cause l’universalité de l’inondation noachique signifie réduire l’histoire biblique à une histoire locale, ce qui implique que le Christ, descendant direct et pendant historique de Noé, n’est pas mort pour tous les hommes, mais seulement pour une partie de l’humanité et qu’il existe par conséquent d’autres voies que le christianisme (que l’arche de Noé) pour aspirer à la clémence de Dieu. Réduire le
déluge au rang d’une histoire locale rend donc inutile, ou du moins inefficace, le sacrifice du Christ. Ainsi, la question de l’universalité du
déluge pose les mêmes problèmes que l’existence d’une pluralité des mondes habités, mais d’une manière bien plus dangereuse encore, puisque la difficulté ne vient pas d’une fiction littéraire, ouvertement libertine et provocatrice, mais d’un texte à dimension proprement historique, qui mobilise les dernières connaissances anthropologiques apportées par les récits de voyage. Il faut par conséquent préserver le mythe diluvien, même si c’est au prix d’un effort d’imagination.
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Ainsi, il est possible d’établir un lien entre les interprétations du mythe diluvien et les récits mettant en scène « un autre monde », que ce soit les habitants de la lune ou du soleil, ou les populations inconnues des terres australes. La mise en cause de l’universalité de la morale chrétienne sous-jacente à ces deux types de récits traduit en réalité d’autres points de convergence sur lesquelles j’aimerais terminer ma réflexion. Il ne s’agit pas d’une étude exhaustive de ce qu’on pourrait appeler l’imaginaire diluvien des récits utopiques, mais de quelques observations d’ensemble que je propose ici comme autant de pistes de recherche et que j’ai pu observer plus en détail dans la littérature du XVIII
e siècle, à laquelle je ferai quelques allusions.