Un nourrisson décède après la prise de vitamine D
Par Anne Jouan Mis à jour le 03/01/2017 à 09:30 Publié le 02/01/2017 à 18:06
INFO LE FIGARO - Plusieurs centres de pharmacovigilance jugent qu’il faudrait suspendre la vente d’Uvestérol D, mais les autorités sanitaires tardent à réagir.
Un nourrisson de 10 jours est décédé le 21 décembre dernier à son domicile en région parisienne, avant d’être transporté à l’hôpital sud francilien de Corbeil-Essonnes, selon des informations du Figaro. Deux heures après la tétée, une dose d’Uvestérol D, un complément vitaminique prescrit en France chez des millions d’enfants, lui avait été administrée. Immédiatement après la prise, l’enfant présente des signes de suffocation et fait un arrêt cardio-respiratoire avant d’être transporté à l’hôpital.
Le directeur général de la Santé, Benoît Vallet, est informé le jour même. L’agence du médicament (ANSM) en a également connaissance le 22 décembre, mais «de manière informelle », selon des sources proches du dossier. L’agence attendra le 27 décembre pour demander de plus amples informations à Cochin. Les centres de pharmacovigilance (CRPV) en charge de veiller aux effets secondaires des produits de santé ne seront, eux, alertés que vendredi 30, soit huit jours après l’accident.
«La question de la suspension en urgence»
Les responsables de ces centres échangent le jour même par mail. «Ne faut-il pas se poser la question d’une information rapide des médecins et des parents et d’une suspension d’utilisation?» demande ainsi la responsable du CRPV du Val de Loire. «La question de la suspension en urgence de l’utilisation de ce produit me semble effectivement posée», réagit celui du centre Necker-Cochin. Les pharmacovigilants ont rempli leur mission: au moins trois centres demandent la suspension de l’Uvestérol, commercialisé en France par le laboratoire français Crinex. De façon inhabituelle, ils mettent Dominique Martin, patron de l’ANSM, en copie de leurs échanges.
Suspension. Le mot est lâché. Il ne faut que quelques heures à un pays pour suspendre temporairement un médicament (le temps de faire la lumière sur le décès). Or depuis le 22 décembre, rien n’a été fait. Le directeur de l’agence du médicament a été informé par mail des recommandations des responsables de centres de pharmacovigilance, mais n’a pas réagi. D’autant plus surprenant concernant l’Uvestérol qu’il existe des substitutions.
Sous surveillance depuis 2006
La question de la suspension se pose avec d’autant plus d’acuité que l’Uvestérol est sous surveillance en France depuis… 2006, en raison notamment des fausses routes qu’il peut occasionner chez les enfants de moins de deux mois. Un malaise avait été observé cette année-là suite à l’administration du produit et le cas vaudra, la même année, une lettre des autorités de santé aux prescripteurs ainsi qu’une modification du résumé des caractéristiques du produit (RCP). Depuis cette date, il faut chez le prématuré administrer la vitamine diluée dans une tétine, en position semi-assise ; quant à la pipette doseuse utilisée pour les bébés plus âgés ou nés à terme, elle a été modifiée : au lieu d’un trou, elle dispose de quatre ouvertures latérales.
D’autres cas sont malgré tout enregistrés : en 2010, on dénombre 43 malaises, parfois lors d’administration diluée, une apnée, une perte de conscience ou une détresse respiratoire. Certains si graves qu’une hospitalisation de plusieurs jours a été nécessaire. Malgré les recommandations, «le nombre de cas n’a pas diminué», note le comité technique du 4 mai 2010. Les pharmacovigilants posaient donc déjà la question de l’information des parents. Et le centre de Bordeaux de noter le besoin de «revoir la nécessité d’Uvestérol. Si maintien sur le marché, dilution impérative au cours du premier mois de vie, jusqu’à trois mois chez ancien prématuré».
93 cas recensés
Uvestérol fait donc l’objet d’un plan de gestion des risques depuis 2011. En mai 2013, nouveau comité technique : le centre de Bordeaux fait le point sur les effets indésirables et recense 38 nouveaux cas de fausse route ou de malaise vagal (68 % des bébés ayant moins d’un mois au moment des faits). De 2006 à avril 2013, un total de 93 cas d’effets secondaires ont donc été enregistrés sous Uvestérol.
«J’espère qu’aucun autre gamin n’est décédé depuis le 22 décembre», confie un pharmacovigilant interrogé par Le Figaro. Et, fait rarissime, il ajoute: «S’il vous plaît, aidez-nous à faire en sorte que ce produit soit suspendu.» Dont acte.
http://sante.lefigaro.fr/article/un-nourrisson-decede-apres-la-prise-de-vitamine-d
Par Anne Jouan Mis à jour le 03/01/2017 à 09:30 Publié le 02/01/2017 à 18:06
INFO LE FIGARO - Plusieurs centres de pharmacovigilance jugent qu’il faudrait suspendre la vente d’Uvestérol D, mais les autorités sanitaires tardent à réagir.
Un nourrisson de 10 jours est décédé le 21 décembre dernier à son domicile en région parisienne, avant d’être transporté à l’hôpital sud francilien de Corbeil-Essonnes, selon des informations du Figaro. Deux heures après la tétée, une dose d’Uvestérol D, un complément vitaminique prescrit en France chez des millions d’enfants, lui avait été administrée. Immédiatement après la prise, l’enfant présente des signes de suffocation et fait un arrêt cardio-respiratoire avant d’être transporté à l’hôpital.
Le directeur général de la Santé, Benoît Vallet, est informé le jour même. L’agence du médicament (ANSM) en a également connaissance le 22 décembre, mais «de manière informelle », selon des sources proches du dossier. L’agence attendra le 27 décembre pour demander de plus amples informations à Cochin. Les centres de pharmacovigilance (CRPV) en charge de veiller aux effets secondaires des produits de santé ne seront, eux, alertés que vendredi 30, soit huit jours après l’accident.
«La question de la suspension en urgence»
Les responsables de ces centres échangent le jour même par mail. «Ne faut-il pas se poser la question d’une information rapide des médecins et des parents et d’une suspension d’utilisation?» demande ainsi la responsable du CRPV du Val de Loire. «La question de la suspension en urgence de l’utilisation de ce produit me semble effectivement posée», réagit celui du centre Necker-Cochin. Les pharmacovigilants ont rempli leur mission: au moins trois centres demandent la suspension de l’Uvestérol, commercialisé en France par le laboratoire français Crinex. De façon inhabituelle, ils mettent Dominique Martin, patron de l’ANSM, en copie de leurs échanges.
Suspension. Le mot est lâché. Il ne faut que quelques heures à un pays pour suspendre temporairement un médicament (le temps de faire la lumière sur le décès). Or depuis le 22 décembre, rien n’a été fait. Le directeur de l’agence du médicament a été informé par mail des recommandations des responsables de centres de pharmacovigilance, mais n’a pas réagi. D’autant plus surprenant concernant l’Uvestérol qu’il existe des substitutions.
Sous surveillance depuis 2006
La question de la suspension se pose avec d’autant plus d’acuité que l’Uvestérol est sous surveillance en France depuis… 2006, en raison notamment des fausses routes qu’il peut occasionner chez les enfants de moins de deux mois. Un malaise avait été observé cette année-là suite à l’administration du produit et le cas vaudra, la même année, une lettre des autorités de santé aux prescripteurs ainsi qu’une modification du résumé des caractéristiques du produit (RCP). Depuis cette date, il faut chez le prématuré administrer la vitamine diluée dans une tétine, en position semi-assise ; quant à la pipette doseuse utilisée pour les bébés plus âgés ou nés à terme, elle a été modifiée : au lieu d’un trou, elle dispose de quatre ouvertures latérales.
D’autres cas sont malgré tout enregistrés : en 2010, on dénombre 43 malaises, parfois lors d’administration diluée, une apnée, une perte de conscience ou une détresse respiratoire. Certains si graves qu’une hospitalisation de plusieurs jours a été nécessaire. Malgré les recommandations, «le nombre de cas n’a pas diminué», note le comité technique du 4 mai 2010. Les pharmacovigilants posaient donc déjà la question de l’information des parents. Et le centre de Bordeaux de noter le besoin de «revoir la nécessité d’Uvestérol. Si maintien sur le marché, dilution impérative au cours du premier mois de vie, jusqu’à trois mois chez ancien prématuré».
93 cas recensés
Uvestérol fait donc l’objet d’un plan de gestion des risques depuis 2011. En mai 2013, nouveau comité technique : le centre de Bordeaux fait le point sur les effets indésirables et recense 38 nouveaux cas de fausse route ou de malaise vagal (68 % des bébés ayant moins d’un mois au moment des faits). De 2006 à avril 2013, un total de 93 cas d’effets secondaires ont donc été enregistrés sous Uvestérol.
«J’espère qu’aucun autre gamin n’est décédé depuis le 22 décembre», confie un pharmacovigilant interrogé par Le Figaro. Et, fait rarissime, il ajoute: «S’il vous plaît, aidez-nous à faire en sorte que ce produit soit suspendu.» Dont acte.
http://sante.lefigaro.fr/article/un-nourrisson-decede-apres-la-prise-de-vitamine-d