Le nouveau pouvoir des cathos
Par Claire Chartier et Laurie Zénon, publié le 20/04/2011 à 07:00
Les églises se vident, les prêtres vieillissent? Hors des canaux traditionnels, une nouvelle génération de catholi-ques reprend le flambeau, le verbe haut, tissant ses réseaux. Avec, déjà, quelques jolies victoires politiques à la clef.
Il y a deux ans, ce n'était encore qu'un jeune curé intrépide, invitant les journalistes à débattre sur Facebook des propos de Benoît XVI sur le préservatif. Aujourd'hui, le voici chef de réseau, ne ménageant pas ses efforts pour faire croître et multiplier les brebis du troupeau catho, là où se trouvent les leviers du pouvoir: l'économie, la politique et les médias. L'abbé Pierre-Hervé Grosjean, 35 ans, émissaire zélé de l'évêché de Versailles, ne quitte jamais son habit noir de clergyman à l'ancienne, qu'il petit-déjeune avec une élue écolo pour parler nucléaire ou préside les conclaves de son think tank, Aletheia, un groupe de réflexion réunissant 130 "chrétiens engagés ayant des responsabilités". Quatre fois par an, un dîner est organisé avec une centaine de convives - consultants de haut vol, PDG, cadres, étudiants de grandes écoles, journalistes - venus écouter une personnalité sur un thème donné: "Travailler plus pour gagner quoi?", "Eglise et médias", etc. Christine Lagarde, ministre de l'Economie, a déjà payé de sa personne (en vidéo), de même que sa collègue au gouvernement, Nathalie Kosciusko-Morizet, Claude Bébéar, ancien patron d'Axa, ou encore Arlette Chabot.
Chiffres
64% des Français se disent catholiques.
4,5% se rendent à l'église chaque dimanche
15,2% assistent régulièrement à la messe, une fois par mois
"On pense souvent qu'un prêtre, ça boit du lait fraise et utilise un téléphone filaire, glisse l'un des acolytes de choc de l'abbé Grosjean, le père Pierre Amar. Nous, on explique à nos interlocuteurs ce que l'on vit vraiment et on leur demande de faire pareil." Révélateur d'une génération de cathos qui "a assumé son côté minoritaire et va, sans complexes, au-devant de la société", l'abbé Grosjean a aussi créé l'association Acteurs d'avenir, rassemblant quelque 200 "futurs décideurs à valeur éthique ajoutée". Le 24 mars, ces jeunes pousses venues de Sciences po, d'écoles de commerce ou d'ingénieurs se retrouvaient au Collège des Bernardins, temple de l'intelligentsia catholique. Le sujet de la rencontre? "Risquer la confiance". Et, pour en débattre, rien que du beau monde: Jean-Paul Faugère, directeur du cabinet du Premier ministre François Fillon, François-Daniel Migeon, directeur général de la modernisation de l'Etat, Anne-Marion Bouchacourt, DRH de la Société générale, banque sponsor avec HSBC et Axa.
Qui a dit que les cathos étaient finis? Jean-Paul II, béatifié le 1er mai prochain, peut se réjouir au plus haut des cieux: son message a été entendu jusque dans la France laïque et vacharde de Michel Onfray. Ces trois dernières années, curés et fidèles - trentenaires et quadras - se jettent dans le combat des idées, montant réseau sur réseau pour défendre leur vision de l'homme, à contre-courant des vulgates contemporaines. Quitte, pour certains, à déraper, comme récemment ce commando intégriste qui n'a rien trouvé de mieux que de fracasser à coup de marteau une toile polémique, exposée au musée d'Avignon, figurant un crucifix plongé dans l'urine. "Le pontificat de Jean-Paul II a remobilisé les catholiques, explique Gérard Leclerc, éditorialiste à l'hebdomadaire France catholique. La génération des Journées mondiales de la jeunesse 1997 a envie aujourd'hui de s'engager politiquement." A la télé, le tour de chant des trois prêtres "managés" par Mgr di Falco épate la galerie (800 000 disques vendus). En coulisses, les paroissiens s'activent. "Internet a tout changé, estime le journaliste Marc Baudriller, qui a publié le très bon ouvrage Les Réseaux cathos [Robert Laffont]. Autrefois, il fallait décrocher un article dans La Croix, Le Figaro et avoir le soutien des évêques pour faire bouger le quartier. Aujourd'hui, le moindre catho un peu malin derrière son PC peut mobiliser des dizaines de milliers de Français sur un thème, à l'image d'Etienne Neuville, qui a réussi en 2005 à plomber la loi supprimant le lundi de Pentecôte."
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/religion/le-nouveau-pouvoir-des-cathos_984322.html
Par Claire Chartier et Laurie Zénon, publié le 20/04/2011 à 07:00
Les églises se vident, les prêtres vieillissent? Hors des canaux traditionnels, une nouvelle génération de catholi-ques reprend le flambeau, le verbe haut, tissant ses réseaux. Avec, déjà, quelques jolies victoires politiques à la clef.
Il y a deux ans, ce n'était encore qu'un jeune curé intrépide, invitant les journalistes à débattre sur Facebook des propos de Benoît XVI sur le préservatif. Aujourd'hui, le voici chef de réseau, ne ménageant pas ses efforts pour faire croître et multiplier les brebis du troupeau catho, là où se trouvent les leviers du pouvoir: l'économie, la politique et les médias. L'abbé Pierre-Hervé Grosjean, 35 ans, émissaire zélé de l'évêché de Versailles, ne quitte jamais son habit noir de clergyman à l'ancienne, qu'il petit-déjeune avec une élue écolo pour parler nucléaire ou préside les conclaves de son think tank, Aletheia, un groupe de réflexion réunissant 130 "chrétiens engagés ayant des responsabilités". Quatre fois par an, un dîner est organisé avec une centaine de convives - consultants de haut vol, PDG, cadres, étudiants de grandes écoles, journalistes - venus écouter une personnalité sur un thème donné: "Travailler plus pour gagner quoi?", "Eglise et médias", etc. Christine Lagarde, ministre de l'Economie, a déjà payé de sa personne (en vidéo), de même que sa collègue au gouvernement, Nathalie Kosciusko-Morizet, Claude Bébéar, ancien patron d'Axa, ou encore Arlette Chabot.
Chiffres
64% des Français se disent catholiques.
4,5% se rendent à l'église chaque dimanche
15,2% assistent régulièrement à la messe, une fois par mois
"On pense souvent qu'un prêtre, ça boit du lait fraise et utilise un téléphone filaire, glisse l'un des acolytes de choc de l'abbé Grosjean, le père Pierre Amar. Nous, on explique à nos interlocuteurs ce que l'on vit vraiment et on leur demande de faire pareil." Révélateur d'une génération de cathos qui "a assumé son côté minoritaire et va, sans complexes, au-devant de la société", l'abbé Grosjean a aussi créé l'association Acteurs d'avenir, rassemblant quelque 200 "futurs décideurs à valeur éthique ajoutée". Le 24 mars, ces jeunes pousses venues de Sciences po, d'écoles de commerce ou d'ingénieurs se retrouvaient au Collège des Bernardins, temple de l'intelligentsia catholique. Le sujet de la rencontre? "Risquer la confiance". Et, pour en débattre, rien que du beau monde: Jean-Paul Faugère, directeur du cabinet du Premier ministre François Fillon, François-Daniel Migeon, directeur général de la modernisation de l'Etat, Anne-Marion Bouchacourt, DRH de la Société générale, banque sponsor avec HSBC et Axa.
Qui a dit que les cathos étaient finis? Jean-Paul II, béatifié le 1er mai prochain, peut se réjouir au plus haut des cieux: son message a été entendu jusque dans la France laïque et vacharde de Michel Onfray. Ces trois dernières années, curés et fidèles - trentenaires et quadras - se jettent dans le combat des idées, montant réseau sur réseau pour défendre leur vision de l'homme, à contre-courant des vulgates contemporaines. Quitte, pour certains, à déraper, comme récemment ce commando intégriste qui n'a rien trouvé de mieux que de fracasser à coup de marteau une toile polémique, exposée au musée d'Avignon, figurant un crucifix plongé dans l'urine. "Le pontificat de Jean-Paul II a remobilisé les catholiques, explique Gérard Leclerc, éditorialiste à l'hebdomadaire France catholique. La génération des Journées mondiales de la jeunesse 1997 a envie aujourd'hui de s'engager politiquement." A la télé, le tour de chant des trois prêtres "managés" par Mgr di Falco épate la galerie (800 000 disques vendus). En coulisses, les paroissiens s'activent. "Internet a tout changé, estime le journaliste Marc Baudriller, qui a publié le très bon ouvrage Les Réseaux cathos [Robert Laffont]. Autrefois, il fallait décrocher un article dans La Croix, Le Figaro et avoir le soutien des évêques pour faire bouger le quartier. Aujourd'hui, le moindre catho un peu malin derrière son PC peut mobiliser des dizaines de milliers de Français sur un thème, à l'image d'Etienne Neuville, qui a réussi en 2005 à plomber la loi supprimant le lundi de Pentecôte."
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/religion/le-nouveau-pouvoir-des-cathos_984322.html