Liberté de religion ou de croyance, associations “anti-sectes” et neutralité de l’état
Étude de cas : FECRIS
Sous la direction de Gerhard Besier et Hubert Seiwert, Université technique de Dresde, Allemagne
HRWF (14.11.2012) – « Les états et les pouvoirs publics européens qui financent les mouvements anti-sectes manquent à leur devoir de neutralité et d’impartialité tel que défini dans différents jugements de la Cour européenne des Droits de l’Homme et rappelé par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la Liberté de religion ou de croyance, Heiner Bielefeldt, dans le Rapport condensé du Rapporteur sur la Liberté de religion ou de croyance », conclut l’étude qui a été effectuée par des chercheurs de divers pays.
Dans les affaires Hasan et Chaush c/ Bulgarie (§ 62), Eglise Métropolitaine de Bessarabie et autres c/ Moldova (§ 123), Témoins de Jéhovah de Moscou c/ Russie (§ 99), la Cour européenne note que « la Cour observe que le devoir de neutralité et d’impartialité de l’Etat, tel que défini dans cette affaire, est incompatible avec toute tentative de la part de l’Etat d’estimer la légitimité des croyances religieuses. »
Alors que le « marché » des idées et le « marché » du salut sont et doivent rester ouverts à la concurrence dans une société démocratique, un certain nombre de pays et de pouvoirs publics ont subventionné et subventionnent encore la Fédération Européenne des Centres de Recherche et d’Information sur le Sectarisme (FECRIS), un organisme réunissant 25 groupes européens “anti-sectes” et créé à Paris en 1994, et plusieurs de ses associations membres. Leurs objectifs et leurs activités posent de sérieux problèmes par rapport à la liberté de religion ou de croyance. Leurs écrits et leurs positions prouvent largement que ces associations mènent une croisade idéologique avec des fonds publics, ce qui n’est pas compatible avec les conventions internationales des droits de l’homme.
Cette étude se concentre sur les associations membres de la FECRIS dans cinq pays européens :
en France, berceau de la laïcité et figure de proue de la lutte “anti-sectes” en Europe, défendant la séparation entre l’état et la religion ; pays où la FECRIS a été créée et qui la finance quasiment en totalité sur des fonds publics.
en Autriche et en Allemagne, où les pouvoirs publics et les églises dominantes mènent une bataille commune contre les « sectes ».
en Serbie et en Russie, deux pays orthodoxes où l’état et les pouvoirs publics apportent leur soutien aux membres de la FECRIS et à leurs activités, bien que ceux-ci l’utilisent pour les activités missionaires de l’Eglise orthodoxe ou pour défendre la position et l’influence de cette Eglise particulière dans la société, pour lutter contre l’érosion de sa congrégation ou pour favoriser son expansion. Les activités des associations membres de la FECRIS en Russie incluent des « centres de réhabilitation » tenus par des prêtres orthodoxes, destinés aux adeptes des nouveaux mouvements religieux et des minorités religieuses, afin de les re-convertir à la "vraie foi”.
La recommandation commune et essentielle des auteurs de ce travail de recherche est qu’il revient à l’Etat de faire respecter les points suivants :
toutes les communautés religieuses ou de conviction doivent être égales devant la loi et respecter la loi ;
il n’existe pas de discrimination basée sur une hiérarchie des religions ou des croyances ;
l’Etat demeure neutre dans la compétition entre les communautés religieuses ou de conviction ;
l’Etat cesse de financer la lutte d’associations contre des communautés religieuses ou de conviction particulières.
Willy Fautré, Human Rights Without Frontiers International (HRWF)
Traduction en français : CAP Liberté de Conscience