Proverbes 8.22, קָ֭נָנִי = נִסַּ֥כְתִּי
by areopage on août 25th, 2015
2508151
1. Approche sémantique
Chercher le Christ dans l’Ancien Testament est un exercice difficile, pour lequel je n’ai guère d’appétence. Cependant, on m’interroge souvent sur le texte de Proverbes 8.22, dans lequel il est question de la Sagesse de Dieu, traditionnellement identifiée à Jésus par les chrétiens. Le débat n’est pas dépourvu d’agenda théologique, puisqu’il s’agit de savoir si Jésus est une créature ou non. A mon avis ce débat est vain. Pour au moins trois raisons : 1) en fait Jésus est fils de Dieu au sens fort, c’est un fils unique-engendré (μονογενής, cf. Jean 1.14, 18, 3.16, 3.18, 1 Jean 4.9 ; cf. Jean 5.17-19, Colossiens 1.15-17, Hébreux 1.10 ; cf. Hébreux 1.5). C’est précisément le fait que, contrairement au reste de la création (Jean 1.3, 10), il soit engendré, qui le rend unique en son genre. Il n’est pas à proprement parler une créature. Il est un premier-né (Colossiens 1.15), qui a été engendré : ὁ γεννηθεὶς ἐκ τοῦ θεοῦ (1 Jean 5.18). Peut-on raisonnablement parler de créature dans le cas d’un enfant ? Cela explique aussi pourquoi les Pharisiens ont voulu lapider Jésus lorsqu’il appela Dieu Mon Père : πατέρα ἴδιον ἔλεγεν τὸν θεὸν ἴσον εἁυτὸν ποιῶν τῷ θεῷ (Jean 5.18). Jésus n’entendait pas par-là une filiation par adoption (comme Hébreux 1.5 pourrait le suggérer), mais une filiation directe (puisqu’il déclare savoir ce que le Père est en train de faire, comme s’il avait précédemment été à ses côtés). Le parallèle avec Philippiens 2.6 vient alors à l’esprit : oui, bien qu’étant dans la forme de Dieu (ἐν μορφῇ θεοῦ), Jésus n’a pas cherché à recevoir les mêmes honneurs (τὸ εἶναι ἴσα θεῷ). Et cependant il partageait sa condition, voire sa nature puisqu’il se trouvait là où Dieu se trouvait (cp. Philippiens 3.21).
2) On recourt à l’analyse sémantique de קנה, qui signifie acheter (ex. Lévitique 25.20), posséder (ex. Esdras 1.3), acquérir (ex. Exode 15.16), et créer (ex. Genèse 4.1), cf. DHAB : 334. C’est le dernier sens créer qui fait débat. Pourtant, la Septante porte en ce passage κύριος ἔκτισέν με ἀρχὴν ὁδῶν αὐτοῦ εἰς ἔργα αὐτοῦ ; or κτίζω a un sens moins débattu, puisque de ses différents équivalents possibles (ברא, קנה, יצר, יסד, שׁכן, עמד), le terme ברא est de loin le plus fréquent. De fait, dans son dictionnaire de référence, Clines classe le texte de Proverbes 8.22 dans la rubrique 4a, « create, form » sans indiquer d’incertitude. Et de citer, outre Proverbes 8.22, les textes de Deutéronome 32.6 et Psaume 139.13 (CDCH : 396). D’ailleurs en Genèse 14.19 le participe prend la forme d’un substantif qui désigne le créateur : קֹנֵה שָׁמַיִם וָאָֽרֶץ, créateur du ciel et de la terre. Il est de fait inutile d’épiloguer sur les différents sens de קנה. Parfois, il signifie créer, c’est indéniable. La plupart du temps, cependant, il signifie acheter (63/85)
http://areopage.net/blog/2015/08/25/proverbes-8-22-%D7%A7%D6%B8%D6%AD%D7%A0%D6%B8%D7%A0%D6%B4%D7%99-%D7%A0%D6%B4%D7%A1%D6%B7%D6%BC%D6%A5%D7%9B%D6%B0%D7%AA%D6%B4%D6%BC%D7%99/
by areopage on août 25th, 2015
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1. Approche sémantique
Chercher le Christ dans l’Ancien Testament est un exercice difficile, pour lequel je n’ai guère d’appétence. Cependant, on m’interroge souvent sur le texte de Proverbes 8.22, dans lequel il est question de la Sagesse de Dieu, traditionnellement identifiée à Jésus par les chrétiens. Le débat n’est pas dépourvu d’agenda théologique, puisqu’il s’agit de savoir si Jésus est une créature ou non. A mon avis ce débat est vain. Pour au moins trois raisons : 1) en fait Jésus est fils de Dieu au sens fort, c’est un fils unique-engendré (μονογενής, cf. Jean 1.14, 18, 3.16, 3.18, 1 Jean 4.9 ; cf. Jean 5.17-19, Colossiens 1.15-17, Hébreux 1.10 ; cf. Hébreux 1.5). C’est précisément le fait que, contrairement au reste de la création (Jean 1.3, 10), il soit engendré, qui le rend unique en son genre. Il n’est pas à proprement parler une créature. Il est un premier-né (Colossiens 1.15), qui a été engendré : ὁ γεννηθεὶς ἐκ τοῦ θεοῦ (1 Jean 5.18). Peut-on raisonnablement parler de créature dans le cas d’un enfant ? Cela explique aussi pourquoi les Pharisiens ont voulu lapider Jésus lorsqu’il appela Dieu Mon Père : πατέρα ἴδιον ἔλεγεν τὸν θεὸν ἴσον εἁυτὸν ποιῶν τῷ θεῷ (Jean 5.18). Jésus n’entendait pas par-là une filiation par adoption (comme Hébreux 1.5 pourrait le suggérer), mais une filiation directe (puisqu’il déclare savoir ce que le Père est en train de faire, comme s’il avait précédemment été à ses côtés). Le parallèle avec Philippiens 2.6 vient alors à l’esprit : oui, bien qu’étant dans la forme de Dieu (ἐν μορφῇ θεοῦ), Jésus n’a pas cherché à recevoir les mêmes honneurs (τὸ εἶναι ἴσα θεῷ). Et cependant il partageait sa condition, voire sa nature puisqu’il se trouvait là où Dieu se trouvait (cp. Philippiens 3.21).
2) On recourt à l’analyse sémantique de קנה, qui signifie acheter (ex. Lévitique 25.20), posséder (ex. Esdras 1.3), acquérir (ex. Exode 15.16), et créer (ex. Genèse 4.1), cf. DHAB : 334. C’est le dernier sens créer qui fait débat. Pourtant, la Septante porte en ce passage κύριος ἔκτισέν με ἀρχὴν ὁδῶν αὐτοῦ εἰς ἔργα αὐτοῦ ; or κτίζω a un sens moins débattu, puisque de ses différents équivalents possibles (ברא, קנה, יצר, יסד, שׁכן, עמד), le terme ברא est de loin le plus fréquent. De fait, dans son dictionnaire de référence, Clines classe le texte de Proverbes 8.22 dans la rubrique 4a, « create, form » sans indiquer d’incertitude. Et de citer, outre Proverbes 8.22, les textes de Deutéronome 32.6 et Psaume 139.13 (CDCH : 396). D’ailleurs en Genèse 14.19 le participe prend la forme d’un substantif qui désigne le créateur : קֹנֵה שָׁמַיִם וָאָֽרֶץ, créateur du ciel et de la terre. Il est de fait inutile d’épiloguer sur les différents sens de קנה. Parfois, il signifie créer, c’est indéniable. La plupart du temps, cependant, il signifie acheter (63/85)
http://areopage.net/blog/2015/08/25/proverbes-8-22-%D7%A7%D6%B8%D6%AD%D7%A0%D6%B8%D7%A0%D6%B4%D7%99-%D7%A0%D6%B4%D7%A1%D6%B7%D6%BC%D6%A5%D7%9B%D6%B0%D7%AA%D6%B4%D6%BC%D7%99/