LES CONTROVERSES DU CHRISTIANISME
L'arianisme : "Et pour vous, qui suis-je ?"
JÉRÔME ANCIBERRO
CRÉÉ LE 01/07/2015 / MODIFIÉ LE 03/07/2015
Tout l'été, La Vie explore les crises qui secouèrent l'Église au fil des siècles. Cette semaine, l'arianisme, ou les rapports du Père et du Fils.
Contraint par les besoins de la nature, il se retira, et soudain, pour employer les termes mêmes de l'Écriture, "il tomba la tête la première et éclata par le milieu", expirant aussitôt dans cette position, privé en même temps de la vie et de la communion. » Dans cette lettre à son collaborateur Sérapion, datée de 336, Athanase d'Alexandrie ne cache pas sa satisfaction. Pour lui, la mort lamentable d'Arius, pris d'une crise de colique qu'il faut bien qualifier d'explosive, doit évidemment être interprétée comme un signe de la Providence : le vieil hérésiarque, qui venait de présenter une énième fois ses thèses devant un concile ad hoc et devant l'empereur, était en effet censé communier le lendemain à la cathédrale de Constantinople - au grand désespoir de l'évêque du lieu, tenant comme Athanase de l'orthodoxie -, ce qui aurait en quelque sorte officialisé sa victoire après des années de lutte, d'exils et d'anathèmes.
Rage théologique
D'aucuns suggèrent qu'Arius aurait été empoisonné. Il est vrai qu'à l'époque on n'hésitait guère à employer les grands moyens. La théologie n'était pas comme aujourd'hui une affaire d'intellectuels, de pasteurs subtils ou de fidèles curieux. Il arrivait que les partisans des différentes écoles en vinssent aux mains dans de véritables batailles rangées, à coups de gourdin, voire de poignard. Chacun combattant l'hérésie professée par l'autre. Et l'on comptait les morts au petit matin...
Folie ? Cette rage théologique, selon certains historiens, s'expliquerait par des mobiles tout ce qu'il y a de plus terrestres, des luttes de pouvoir d'autant plus intenses que l'on se trouvait alors à une époque charnière où, sous l'action de l'empereur Constantin, premier souverain romain officiellement chrétien, l'Église prenait un ascendant non seulement spirituel mais aussi politique et économique sur la société.
Ces motifs ne doivent pas être négligés. Mais ils n'expliquent pas tout. À l'époque d'Arius et d'Athanase, la question du Salut était prise au sérieux. Les chrétiens n'en étaient certes plus, comme aux premiers siècles, à attendre le retour imminent du Sauveur. Mais leur inquiétude restait intense. La profession de foi, c'est-à-dire le contenu précis de ce à quoi un chrétien se devait de croire afin d'avoir une chance d'être sauvé, était une affaire capitale. Pas question de s'en tirer par une adhésion floue ou en se référant à quelques sympathiques « valeurs évangéliques ». Le risque était trop grand. Sans compter que le salut de l'Empire, qui commençait de devenir chrétien, était aussi en jeu. On savait ce qu'il était advenu d'Israël à chaque fois qu'il s'était montré infidèle à l'Alliance...
Un passage d'un sermon de Grégoire de Nysse (331-394), qui officiait quelques décennies après Athanase, donne une idée de l'ambiance de l'époque : « Dans cette ville (Constantinople, NDLR), si vous...