L'acteur français Louis Jourdan est mort le 13 février dernier dans l'indifférence:
Louis Jourdan, la fin d’un éternel jeune premier
Marc Allégret, Alfred Hitchcock, Vincente Minnelli, Jacques Tourneur, Jacques Becker, Charles Vidor, Claude Autant-Lara, Edouard Molinaro… : Louis Jourdan pouvait s’enorgueillir d’avoir tourné avec tous ces metteurs en scène, et bien d’autres encore. Plus connu aux Etats-Unis qu’en France, cet éternel jeune premier – version beau ténébreux – est mort, vendredi 13 février à son domicile californien de Beverly Hills, à l’âge de 93 ans.
Louis Gendre – son vrai nom – était né à Marseille le 19 juin 1921. Avant de monter à Paris, en 1938, et d’y intégrer le Cours Simon, il avait passé le plus clair de son temps à Cannes, où son père fut le propriétaire du Grand Hôtel. Quelques rôles au théâtre ici et là, et le voilà, un an plus tard, décrochant son premier rôle au cinéma, aux côtés de Charles Boyer, dans Le Corsaire, un film inachevé de Marc Allégret.
Pendant l’Occupation, Louis Jourdan gagne la zone sud, joue dans une dizaine de films de peu d’importance et s’engage la Résistance (son père fut arrêté par la Gestapo).
Peu après la Libération, de retour à Paris, il reçoit une lettre. L’agent du grand producteur hollywoodien David O. Selznick désire le voir. A la clé, un rôle dans Le Procès Paradine, un film que s’apprête à tourner Alfred Hitchcock.
Jourdan ne sait évidemment pas qu’Hitchcock avait en tête un tout autre casting. Non seulement, il aurait préféré Laurence Olivier à Gregory Peck, mais, dira-t-il plus tard à Truffaut, cette idée de confier à Louis Jourdan le rôle de ce domestique misogyne aimé jusqu’à la mort par la femme de son patron était « la pire erreur de la distribution ». « Malheureusement, ajouta « Hitch », Selznick avait pris sous contrat Alida Valli dont il croyait qu’elle serait une seconde Ingrid Bergman, et il avait également sous contrat Louis Jourdan, alors il a fallu que je les utilise. Tout cela a considérablement affadi l’histoire. » Il n’empêche : Le Procès Paradine valut à Louis Jourdan une popularité immédiate auprès du public américain.
Rodolphe dans « Madame Bovary »
Son film suivant, peut-être le plus beau qu’il ait tourné, fut Lettre d’une inconnue, de Max Ophuls. Dans les décors somptueux de la Vienne impériale, il interprétait le rôle d’un pianiste virtuose, Stefan Brand, dont tombait amoureuse la belle Liza Berndle (Joan Fontaine).
Partageant son temps entre Paris et Hollywood, celui qui représente désormais le « french lover » aux Etats-Unis tourne ensuite énormément. Une curiosité : en 1949, dans Madame Bovary, de Vincente Minnelli, il joue le rôle de Rodolphe, aux côtés de James Mason et de Van Heflin.
La véritable consécration, ce sera presque dix ans plus tard, en 1958, lorsque Louis Jourdan joue le rôle de Gaston Lachaille dans Gigi, un autre film de Vincente Minnelli. Ses partenaires sont Leslie Caron et Maurice Chevalier. Neuf Oscars, dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur, seront décernés à cette merveilleuse adaptation de la nouvelle éponyme de Colette.
Lorsqu’il revient travailler en France, Louis Jourdan tourne avec Jacques Becker (Rue de l’Estrapade, 1953) ou encore avec Claude Autant-Lara (Le comte de Monte-Cristo, 1961). Dans ce dernier film, souvent diffusé à la télévision, il est un Edmond Dantès tout à fait convainquant.
Chevelure brune, menton volontaire, un air vaguement mélancolique et mystérieux rehaussé par une élégance vestimentaire jamais prise en défaut, Louis Jourdan a aussi bien joué des personnages sympathiques que des méchants. En 1954, à Broadway, il avait interprété au théâtre une adaptation de L’Immoraliste, d’André Gide. Parmi les autres interprètes de cette pièce, outre Géraldine Page, figurait un jeune acteur débutant : James Dean.
Vers la fin de sa carrière, en 1982, Louis Jourdan tourna avec Wes Craven dans La créature du marais (Swamp Thing). Un an plus tard, il était au générique d’Octopussy, le 13e opus de la série des James Bond, réalisé par John Glen. Il y interprète Kamal Kahn, cet homme richissime qui fait l’acquisition du très convoité œuf de Fabergé…
A la télévision, Louis Jourdan fit, en 1978, une apparition dans « Columbo ». Un an auparavant, à la BBC, sous la direction de Philip Saville, il avait été un formidable Count Dracula.
Signe de sa renommée aux Etats-Unis, Louis Jourdan est un des rares acteurs à avoir deux étoiles à son nom sur le « Walk of Fame » d’Hollywood Boulevard.
· Franck Nouchi
Journaliste au Monde
Le Comte de Monte-Cristo (1è époque)
Le Compte de Monte-Cristo (2è époque)
Louis Jourdan, la fin d’un éternel jeune premier
Marc Allégret, Alfred Hitchcock, Vincente Minnelli, Jacques Tourneur, Jacques Becker, Charles Vidor, Claude Autant-Lara, Edouard Molinaro… : Louis Jourdan pouvait s’enorgueillir d’avoir tourné avec tous ces metteurs en scène, et bien d’autres encore. Plus connu aux Etats-Unis qu’en France, cet éternel jeune premier – version beau ténébreux – est mort, vendredi 13 février à son domicile californien de Beverly Hills, à l’âge de 93 ans.
Louis Gendre – son vrai nom – était né à Marseille le 19 juin 1921. Avant de monter à Paris, en 1938, et d’y intégrer le Cours Simon, il avait passé le plus clair de son temps à Cannes, où son père fut le propriétaire du Grand Hôtel. Quelques rôles au théâtre ici et là, et le voilà, un an plus tard, décrochant son premier rôle au cinéma, aux côtés de Charles Boyer, dans Le Corsaire, un film inachevé de Marc Allégret.
Pendant l’Occupation, Louis Jourdan gagne la zone sud, joue dans une dizaine de films de peu d’importance et s’engage la Résistance (son père fut arrêté par la Gestapo).
Peu après la Libération, de retour à Paris, il reçoit une lettre. L’agent du grand producteur hollywoodien David O. Selznick désire le voir. A la clé, un rôle dans Le Procès Paradine, un film que s’apprête à tourner Alfred Hitchcock.
Jourdan ne sait évidemment pas qu’Hitchcock avait en tête un tout autre casting. Non seulement, il aurait préféré Laurence Olivier à Gregory Peck, mais, dira-t-il plus tard à Truffaut, cette idée de confier à Louis Jourdan le rôle de ce domestique misogyne aimé jusqu’à la mort par la femme de son patron était « la pire erreur de la distribution ». « Malheureusement, ajouta « Hitch », Selznick avait pris sous contrat Alida Valli dont il croyait qu’elle serait une seconde Ingrid Bergman, et il avait également sous contrat Louis Jourdan, alors il a fallu que je les utilise. Tout cela a considérablement affadi l’histoire. » Il n’empêche : Le Procès Paradine valut à Louis Jourdan une popularité immédiate auprès du public américain.
Rodolphe dans « Madame Bovary »
Son film suivant, peut-être le plus beau qu’il ait tourné, fut Lettre d’une inconnue, de Max Ophuls. Dans les décors somptueux de la Vienne impériale, il interprétait le rôle d’un pianiste virtuose, Stefan Brand, dont tombait amoureuse la belle Liza Berndle (Joan Fontaine).
Partageant son temps entre Paris et Hollywood, celui qui représente désormais le « french lover » aux Etats-Unis tourne ensuite énormément. Une curiosité : en 1949, dans Madame Bovary, de Vincente Minnelli, il joue le rôle de Rodolphe, aux côtés de James Mason et de Van Heflin.
La véritable consécration, ce sera presque dix ans plus tard, en 1958, lorsque Louis Jourdan joue le rôle de Gaston Lachaille dans Gigi, un autre film de Vincente Minnelli. Ses partenaires sont Leslie Caron et Maurice Chevalier. Neuf Oscars, dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur, seront décernés à cette merveilleuse adaptation de la nouvelle éponyme de Colette.
Lorsqu’il revient travailler en France, Louis Jourdan tourne avec Jacques Becker (Rue de l’Estrapade, 1953) ou encore avec Claude Autant-Lara (Le comte de Monte-Cristo, 1961). Dans ce dernier film, souvent diffusé à la télévision, il est un Edmond Dantès tout à fait convainquant.
Chevelure brune, menton volontaire, un air vaguement mélancolique et mystérieux rehaussé par une élégance vestimentaire jamais prise en défaut, Louis Jourdan a aussi bien joué des personnages sympathiques que des méchants. En 1954, à Broadway, il avait interprété au théâtre une adaptation de L’Immoraliste, d’André Gide. Parmi les autres interprètes de cette pièce, outre Géraldine Page, figurait un jeune acteur débutant : James Dean.
Vers la fin de sa carrière, en 1982, Louis Jourdan tourna avec Wes Craven dans La créature du marais (Swamp Thing). Un an plus tard, il était au générique d’Octopussy, le 13e opus de la série des James Bond, réalisé par John Glen. Il y interprète Kamal Kahn, cet homme richissime qui fait l’acquisition du très convoité œuf de Fabergé…
A la télévision, Louis Jourdan fit, en 1978, une apparition dans « Columbo ». Un an auparavant, à la BBC, sous la direction de Philip Saville, il avait été un formidable Count Dracula.
Signe de sa renommée aux Etats-Unis, Louis Jourdan est un des rares acteurs à avoir deux étoiles à son nom sur le « Walk of Fame » d’Hollywood Boulevard.
· Franck Nouchi
Journaliste au Monde
Le Comte de Monte-Cristo (1è époque)
Le Compte de Monte-Cristo (2è époque)