Les insectes se raréfient : pourquoi cela doit nous interpeller ?
Une cinquantaine de scientifiques du monde entier ont rendu, mardi 24 juin, les conclusions d'une étude sur la nocivité des pesticides sur ces animaux, notamment sur les pollinisateurs. Et ils tirent la sonnette.
Barack Obama vole au secours des abeilles. Le président américain a lancé une "stratégie fédérale pour la santé des abeilles et des autres pollinisateurs", vendredi 20 juin. Preuve que le déclin des populations d'insectes inquiète au plus haut point. Un groupe d'une cinquantaine de scientifiques d'une quinzaine de nationalités a adressé un nouvel avertissement dans une étude, publiée mardi 24 juin. Réunis au sein d'une association, The Task Force On Systemic Pesticides (TFSP), ces experts dénoncent l'utilisation massive de pesticides de type "néonicotinoïdes", très néfastes pour de nombreuses espèces d'insectes, comme les abeilles, mais aussi les papillons, les bourdons ou encore les coccinelles.
Et ils démontrent que cette disparition s'accompagnera d'importants effets sur notre vie quotidienne, y compris sur l'économie, donc les emplois. Voici pourquoi le déclin des insectes nous concerne au plus haut point.
Parce qu'ils sont essentiels à notre écosystème
Les insectes font partie de notre environnement. Or, avec leur raréfaction, notre patrimoine naturel se retrouve amputé. "Depuis vingt ans, la population de papillons en Europe a diminué de 50%", constate Benoît Fontaine, responsable des programmes de suivi des papillons au Muséum d'histoire naturelle de Paris, contacté par francetv info. Les Etats-Unis observent une chute du nombre d'abeilles de 30% chaque année dans les ruches. En Belgique et en France, les taux de mortalité annuels dans les ruches avoisinent également les 28%. Les auteurs de l'étude ont, par ailleurs, souligné le manque de recherches sur les autres groupes de pollinisateurs, mettant en avant un phénomène relativement récent.
Si les insectes ne trouvent plus d'habitat et s'ils n'ont plus de plantes à polliniser, ils disparaissent. De même, "80% des plantes à fleurs sont pollinisées" pour pouvoir se reproduire, rappelle L'Express. Avec la disparition de certains insectes, la chaîne alimentaire dans son ensemble est menacée. "Le déclin des insectes, c'est aussi le déclin des oiseaux, dont plus de la moitié sont insectivores", explique François Ramade, chercheur à l'université Paris-Sud et membre du TFSP. "Notre écosystème risque de s'écrouler, se désole le chercheur Benoît Fontaine. On perd des choses que l'on ne retrouvera jamais, c'est de notre patrimoine dont on parle. C'est comme si un musée comme le Louvre perdait un tableau par jour."
Parce que sans eux, notre alimentation est en danger
Au-delà des conséquences environnementales, la disparition des insectes a un impact direct sur notre alimentation. "Nous assistons à une menace pour la productivité de notre environnement agricole et naturel. Loin de sécuriser la production alimentaire, l'utilisation des néonicotinoïdes met en péril les pollinisateurs qui la rendent possible", déclare au Monde Jean-Marc Bonmatin, membre du TFSP et chercheur au Centre de biophysique moléculaire du CNRS. "30% de ce qui se trouve dans nos assiettes est lié à la pollinisation", affirme à L'Express Yves Le Conte, directeur d'unité à l'Inra (Institut national de la recherche agronomique).
"S'il n'y avait pas d'insectes, il n'y aurait plus de fruits, de chocolat ou encore d'huile de colza, de tournesol", explique Benoît Fontaine. Un journaliste du Monde (article payant) a constaté que, dans la province du Sichuan, dans le sud-ouest de la Chine, des cultivateurs sont obligés de se substituer aux insectes, devenus trop rares, en pollinisant à la main.
En Californie (Etats-Unis), des agriculteurs sont contraints de louer des butineuses pour polliniser les arbres fruitiers, notamment les amandiers, rapporte Le Monde. L'enjeu est important pour les producteurs, puisque la Californie assure 80 % de la production mondiale d’amandes.
Parce que sans eux, des emplois pourraient disparaître
Le déclin des insectes devient problématique d'un point de vue économique. C'est pourquoi, aux Etats-Unis, Barack Obama a pris un décret pour défendre les insectes pollinisateurs. "La perte continue des colonies d’abeilles domestiques représente une menace pour la stabilité économique de l’apiculture et des opérations de pollinisation aux Etats-Unis", peut-on lire dans ce décret, cité par Le Monde. François Ramade, membre du TFSP, évoque, lui, "un impact économique négatif important".
Dans une précédente publication du chercheur Jean-Marc Bonmatin pour le ministère de l'Ecologie, le scientifique explique que les cultures qui dépendent directement des pollinisateurs "représentent environ 10% du chiffre d’affaires de l’ensemble de l’agriculture au niveau mondial". "Aux Etats-Unis, ce marché a été évalué à environ 15 milliards de dollars par an", écrit-il. Ce sont donc bien des emplois dans ce secteur qui sont directement concernés. Les apiculteurs et les producteurs de fruits et légumes sont en première ligne. Sans les abeilles, notamment," les rendements sont bien moindres et les fruits de moins bonne qualité", juge Axel Decourtye, du réseau des instituts des filières animales et végétales, interrogé par L'Express. Sans pouvoir le chiffrer, remplacer les animaux pollinisateurs entraînerait "des coûts exorbitants".
Parce qu'il est encore temps d'agir
En conclusion, les scientifiques du TFSP réclament des "plans pour une forte réduction de l'utilisation des néonicotinoïdes à l'échelle mondiale". Des mesures sont déjà prises en ce sens. En France, un plan Ecophyto a été adopté en 2008 pour une réduction de 30 à 50% des pesticides dans l'agriculture.
Dans Rue89, François Chiron, enseignant-chercheur à AgroParisTech, assure qu'on peut réduire les pesticides "grâce à la biodiversité, par l’introduction d’auxiliaires, soit l’ensemble des espèces qui vont venir limiter la présence des ravageurs". Certains explorent ces nouvelles pistes. Claude et Lydia Bourguignon ont créé un laboratoire d’analyse microbiologique des sols, raconte Rue89. Ils conseillent aux agriculteurs de ne plus utiliser de désherbant, d'effectuer la rotation des cultures ou encore de limiter les engrais pour aider la terre à se régénérer elle-même.
"En tant que particulier, on peut aussi faire attention", assure Benoît Fontaine. "Si vous possédez un jardin, limitez les pesticides, laissez pousser dans un coin une friche pour faire revenir certaines espèces, dont les papillons", affirme-t-il. Le chercheur poursuit : "Et puis, en tant que citoyen, on peut acheter de l'alimentation locale, manger moins de viande, pour encourager une agriculture moins productiviste et donc moins consommatrice de pesticides."
Une cinquantaine de scientifiques du monde entier ont rendu, mardi 24 juin, les conclusions d'une étude sur la nocivité des pesticides sur ces animaux, notamment sur les pollinisateurs. Et ils tirent la sonnette.
Barack Obama vole au secours des abeilles. Le président américain a lancé une "stratégie fédérale pour la santé des abeilles et des autres pollinisateurs", vendredi 20 juin. Preuve que le déclin des populations d'insectes inquiète au plus haut point. Un groupe d'une cinquantaine de scientifiques d'une quinzaine de nationalités a adressé un nouvel avertissement dans une étude, publiée mardi 24 juin. Réunis au sein d'une association, The Task Force On Systemic Pesticides (TFSP), ces experts dénoncent l'utilisation massive de pesticides de type "néonicotinoïdes", très néfastes pour de nombreuses espèces d'insectes, comme les abeilles, mais aussi les papillons, les bourdons ou encore les coccinelles.
Et ils démontrent que cette disparition s'accompagnera d'importants effets sur notre vie quotidienne, y compris sur l'économie, donc les emplois. Voici pourquoi le déclin des insectes nous concerne au plus haut point.
Parce qu'ils sont essentiels à notre écosystème
Les insectes font partie de notre environnement. Or, avec leur raréfaction, notre patrimoine naturel se retrouve amputé. "Depuis vingt ans, la population de papillons en Europe a diminué de 50%", constate Benoît Fontaine, responsable des programmes de suivi des papillons au Muséum d'histoire naturelle de Paris, contacté par francetv info. Les Etats-Unis observent une chute du nombre d'abeilles de 30% chaque année dans les ruches. En Belgique et en France, les taux de mortalité annuels dans les ruches avoisinent également les 28%. Les auteurs de l'étude ont, par ailleurs, souligné le manque de recherches sur les autres groupes de pollinisateurs, mettant en avant un phénomène relativement récent.
Si les insectes ne trouvent plus d'habitat et s'ils n'ont plus de plantes à polliniser, ils disparaissent. De même, "80% des plantes à fleurs sont pollinisées" pour pouvoir se reproduire, rappelle L'Express. Avec la disparition de certains insectes, la chaîne alimentaire dans son ensemble est menacée. "Le déclin des insectes, c'est aussi le déclin des oiseaux, dont plus de la moitié sont insectivores", explique François Ramade, chercheur à l'université Paris-Sud et membre du TFSP. "Notre écosystème risque de s'écrouler, se désole le chercheur Benoît Fontaine. On perd des choses que l'on ne retrouvera jamais, c'est de notre patrimoine dont on parle. C'est comme si un musée comme le Louvre perdait un tableau par jour."
Parce que sans eux, notre alimentation est en danger
Au-delà des conséquences environnementales, la disparition des insectes a un impact direct sur notre alimentation. "Nous assistons à une menace pour la productivité de notre environnement agricole et naturel. Loin de sécuriser la production alimentaire, l'utilisation des néonicotinoïdes met en péril les pollinisateurs qui la rendent possible", déclare au Monde Jean-Marc Bonmatin, membre du TFSP et chercheur au Centre de biophysique moléculaire du CNRS. "30% de ce qui se trouve dans nos assiettes est lié à la pollinisation", affirme à L'Express Yves Le Conte, directeur d'unité à l'Inra (Institut national de la recherche agronomique).
"S'il n'y avait pas d'insectes, il n'y aurait plus de fruits, de chocolat ou encore d'huile de colza, de tournesol", explique Benoît Fontaine. Un journaliste du Monde (article payant) a constaté que, dans la province du Sichuan, dans le sud-ouest de la Chine, des cultivateurs sont obligés de se substituer aux insectes, devenus trop rares, en pollinisant à la main.
En Californie (Etats-Unis), des agriculteurs sont contraints de louer des butineuses pour polliniser les arbres fruitiers, notamment les amandiers, rapporte Le Monde. L'enjeu est important pour les producteurs, puisque la Californie assure 80 % de la production mondiale d’amandes.
Parce que sans eux, des emplois pourraient disparaître
Le déclin des insectes devient problématique d'un point de vue économique. C'est pourquoi, aux Etats-Unis, Barack Obama a pris un décret pour défendre les insectes pollinisateurs. "La perte continue des colonies d’abeilles domestiques représente une menace pour la stabilité économique de l’apiculture et des opérations de pollinisation aux Etats-Unis", peut-on lire dans ce décret, cité par Le Monde. François Ramade, membre du TFSP, évoque, lui, "un impact économique négatif important".
Dans une précédente publication du chercheur Jean-Marc Bonmatin pour le ministère de l'Ecologie, le scientifique explique que les cultures qui dépendent directement des pollinisateurs "représentent environ 10% du chiffre d’affaires de l’ensemble de l’agriculture au niveau mondial". "Aux Etats-Unis, ce marché a été évalué à environ 15 milliards de dollars par an", écrit-il. Ce sont donc bien des emplois dans ce secteur qui sont directement concernés. Les apiculteurs et les producteurs de fruits et légumes sont en première ligne. Sans les abeilles, notamment," les rendements sont bien moindres et les fruits de moins bonne qualité", juge Axel Decourtye, du réseau des instituts des filières animales et végétales, interrogé par L'Express. Sans pouvoir le chiffrer, remplacer les animaux pollinisateurs entraînerait "des coûts exorbitants".
Parce qu'il est encore temps d'agir
En conclusion, les scientifiques du TFSP réclament des "plans pour une forte réduction de l'utilisation des néonicotinoïdes à l'échelle mondiale". Des mesures sont déjà prises en ce sens. En France, un plan Ecophyto a été adopté en 2008 pour une réduction de 30 à 50% des pesticides dans l'agriculture.
Dans Rue89, François Chiron, enseignant-chercheur à AgroParisTech, assure qu'on peut réduire les pesticides "grâce à la biodiversité, par l’introduction d’auxiliaires, soit l’ensemble des espèces qui vont venir limiter la présence des ravageurs". Certains explorent ces nouvelles pistes. Claude et Lydia Bourguignon ont créé un laboratoire d’analyse microbiologique des sols, raconte Rue89. Ils conseillent aux agriculteurs de ne plus utiliser de désherbant, d'effectuer la rotation des cultures ou encore de limiter les engrais pour aider la terre à se régénérer elle-même.
"En tant que particulier, on peut aussi faire attention", assure Benoît Fontaine. "Si vous possédez un jardin, limitez les pesticides, laissez pousser dans un coin une friche pour faire revenir certaines espèces, dont les papillons", affirme-t-il. Le chercheur poursuit : "Et puis, en tant que citoyen, on peut acheter de l'alimentation locale, manger moins de viande, pour encourager une agriculture moins productiviste et donc moins consommatrice de pesticides."