L'allergie des journalistes à la religion est-elle cause de désinformation ?
LAURENCE DESJOYAUX
CRÉÉ LE 12/06/2014 / MODIFIÉ LE 13/06/2014 À 1
C'est en tout cas ce qu'affirme Ed Stourton, présentateur du programme du dimanche de la chaîne BBC 4. Pour lui, les médias britanniques ont un «angle mort» dès qu'il est question de religion, ce qui les conduit à de «catastrophiques incompréhensions» des évènements qui se déroulent dans des pays où la foi est très présente.
Dans un entretien à Radio Times rapporté par The Telegraph, le présentateur, ancien reporter chevronné, déplore que les chaînes britanniques, à commencer par la sienne, aient développé une «allergie» à la religion, qu'elles considèrent comme une excentricité qu'il vaut mieux ignorer.
Pour Ed Stourton, cet «angle mort» sur le religieux, peut provoquer de «catastrophiques erreurs dans la lectures des évènements», notamment concernant le Moyen-Orient ou les autres régions du monde où la religion joue un rôle essentiel dans la vie politique.
«Aucun journaliste honnête ne peut relire ce qui s'est passé dans le Moyen-Orient, en Syrie ou en Irak, par exemple, sans concéder que nous avons complètement sous-estimé de façon répétée l'importance de la religion dans la région, analyse-t-il. Après la révolution en Egypte, nous avons été sensible au discours des laïcs libéraux au Caire et avons été complètement pris par surprise par la montée des Frères Musulmans.»
Autre exemple pointé du doigt par le journaliste, lui-même catholique, «l'impressionnant renouveau religieux» en Russie, pays qu'il a visité de nombreuses fois. «Pourtant vous n'en verrez rien dans les médias britanniques, constate-t-il. Ce sujet fait partie de la longue listes d'enquêtes que nous ne faisons pas à cause de cet angle mort religieux.»
En France, la question du traitement des religions par les médias revient régulièrement.
Les musulmans s'estiment souvent stigmatisés, notamment dans le traitement des affaires de djihadisme. C'est ce qu'expliquait le site Zaman dans un article écrit en 2012.
Les catholiques, de leur côté, se sentent parfois mal compris et mal décrits, l'épisode le plus manifeste de ce sentiment de malentendu étant le pontificat de Benoît XVI. Le journaliste Bernard Lecomte a consacré à cette question des rapports entre l'Eglise catholique et les médias un ouvrage intitulé Pourquoi le pape a mauvaise presse (DDB, 2009). Dans un entretien à l'occasion de la sortie du livre, il pointait « l'évolution des media dans nos sociétés occidentales, qui privilégient tout ce qui est spectaculaire, certes, mais qui tendent surtout à expulser de la scène publique tout ce qui est religieux, à plus forte raison ce qui touche l'Eglise catholique, et encore plus nettement ce qui concerne le Saint-Père. Les journalistes d'aujourd'hui sont simplistes, binaires, ils n'ont plus aucune culture religieuse, et ils traitent par la dérision tout ce qui est institutionnel ou moral - à plus forte raison le pape.»
Il ajoutait que l'Eglise avait aussi sa part de responsabilité. Sans parler du fond, sur la forme, explique Bernard Lecomte, «les torts sont partagés, en effet. Si l'évolution des media est désolante, l'Eglise doit néanmoins en tenir compte, et s'adapter à la rapidité, l'immédiateté, la mondialisation de l'information, surtout depuis l'essor planétaire d'Internet. Beaucoup d'hommes d'Eglise en sont convaincus, mais il reste nombre de cardinaux ou d'évêques persuadés que « le temps de l'Eglise n'est pas celui des media ».»
LAURENCE DESJOYAUX
CRÉÉ LE 12/06/2014 / MODIFIÉ LE 13/06/2014 À 1
C'est en tout cas ce qu'affirme Ed Stourton, présentateur du programme du dimanche de la chaîne BBC 4. Pour lui, les médias britanniques ont un «angle mort» dès qu'il est question de religion, ce qui les conduit à de «catastrophiques incompréhensions» des évènements qui se déroulent dans des pays où la foi est très présente.
Dans un entretien à Radio Times rapporté par The Telegraph, le présentateur, ancien reporter chevronné, déplore que les chaînes britanniques, à commencer par la sienne, aient développé une «allergie» à la religion, qu'elles considèrent comme une excentricité qu'il vaut mieux ignorer.
Pour Ed Stourton, cet «angle mort» sur le religieux, peut provoquer de «catastrophiques erreurs dans la lectures des évènements», notamment concernant le Moyen-Orient ou les autres régions du monde où la religion joue un rôle essentiel dans la vie politique.
«Aucun journaliste honnête ne peut relire ce qui s'est passé dans le Moyen-Orient, en Syrie ou en Irak, par exemple, sans concéder que nous avons complètement sous-estimé de façon répétée l'importance de la religion dans la région, analyse-t-il. Après la révolution en Egypte, nous avons été sensible au discours des laïcs libéraux au Caire et avons été complètement pris par surprise par la montée des Frères Musulmans.»
Autre exemple pointé du doigt par le journaliste, lui-même catholique, «l'impressionnant renouveau religieux» en Russie, pays qu'il a visité de nombreuses fois. «Pourtant vous n'en verrez rien dans les médias britanniques, constate-t-il. Ce sujet fait partie de la longue listes d'enquêtes que nous ne faisons pas à cause de cet angle mort religieux.»
En France, la question du traitement des religions par les médias revient régulièrement.
Les musulmans s'estiment souvent stigmatisés, notamment dans le traitement des affaires de djihadisme. C'est ce qu'expliquait le site Zaman dans un article écrit en 2012.
Les catholiques, de leur côté, se sentent parfois mal compris et mal décrits, l'épisode le plus manifeste de ce sentiment de malentendu étant le pontificat de Benoît XVI. Le journaliste Bernard Lecomte a consacré à cette question des rapports entre l'Eglise catholique et les médias un ouvrage intitulé Pourquoi le pape a mauvaise presse (DDB, 2009). Dans un entretien à l'occasion de la sortie du livre, il pointait « l'évolution des media dans nos sociétés occidentales, qui privilégient tout ce qui est spectaculaire, certes, mais qui tendent surtout à expulser de la scène publique tout ce qui est religieux, à plus forte raison ce qui touche l'Eglise catholique, et encore plus nettement ce qui concerne le Saint-Père. Les journalistes d'aujourd'hui sont simplistes, binaires, ils n'ont plus aucune culture religieuse, et ils traitent par la dérision tout ce qui est institutionnel ou moral - à plus forte raison le pape.»
Il ajoutait que l'Eglise avait aussi sa part de responsabilité. Sans parler du fond, sur la forme, explique Bernard Lecomte, «les torts sont partagés, en effet. Si l'évolution des media est désolante, l'Eglise doit néanmoins en tenir compte, et s'adapter à la rapidité, l'immédiateté, la mondialisation de l'information, surtout depuis l'essor planétaire d'Internet. Beaucoup d'hommes d'Eglise en sont convaincus, mais il reste nombre de cardinaux ou d'évêques persuadés que « le temps de l'Eglise n'est pas celui des media ».»