Deux femmes s'engagent contre le rôle des femmes dans l'Eglise catholique
PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE-LUCILE KUBACKI
Maud Amandier et Alice Chablis (des pseudonymes) sont deux femmes laïques engagées dans l’Église catholique. Aumônier de grandes écoles et journaliste dans la presse chrétienne, elles ont publié le Déni (Bayard).
Votre livre s’intéresse aux procédés rhétoriques du magistère. Que révèle, pour vous, « la manière de dire » de l’Église sur les représentations des modèles masculins et féminins dans l’Église ?
Maud Amandier. Le premier constat est qu’il existe très peu de textes sur les hommes : pourquoi une lettre sur la dignité et la vocation de la femme et pas une sur celles de l’homme ? Il y a aussi une valorisation des femmes par des expressions positives comme « dignité », « génie féminin », doublée de procédés d’essentialisation : on parle de « la » femme, « du féminin »... Pas du « génie masculin ». Parce qu’il va de soi ?
Et quel serait selon vous le modèle donné aux femmes à travers cette rhétorique ?
Alice Chablis. Le modèle, c’est Marie. Et la place qui leur est assignée est le service, dans le silence. Cette place est aussi glorifiée à travers les procédés que nous venons d’évoquer. Mais la glorification du service est une manière de masquer que le vrai pouvoir est masculin. C’est une forme de déni.
Mais dans la tradition catholique, Marie est le modèle donné à l’Église dans son ensemble, hommes et femmes. Les hommes sont aussi « au service »…
M.A. L’Église est assimilée au féminin, elle est épouse du Christ, qui est le chef, ce qui nous place d’emblée dans un rapport autorité-soumission- consentement. Cette structure génère des représentations mentales archaïques. Par ailleurs, dans l’organisation sociale de l’Église, une première séparation s’opère par le fait que les prêtres doivent être des hommes, puis cela s’étend, entre autres, à l’impossibilité pour les femmes d’être cardinales : cela construit un modèle dans lequel l’autorité est du côté masculin.
Vous évoquez la possibilité de séparer le service et le pouvoir. Mais comment procéder sans faire de l’Église une entreprise comme une autre ?
A.C. Une solution pourrait être de laisser davantage la parole aux femmes en les laissant prêcher à l’église…
La reconnaissance de l’égalité des sexes ne passerait-elle pas plutôt par la lutte contre le cléricalisme, ainsi que semble le postuler le pape François dans son encyclique Evangelii gaudium ?
A.C. Le pape reconnaît implicitement que, derrière le service, les réalités humaines font qu’il peut y avoir des abus. Il a raison. Mais, pour nous, cette reconnaissance ne suffit pas s’il n’y a pas de réflexion profonde sur les modèles féminin/masculin dans l’Église.
Ces dernières années, le nombre de femmes en responsabilité a augmenté...
A.C. Oui, car il y a une pression de la société et il y a moins de prêtres. Les femmes en profitent. Mais les textes du magistère restent sur la même ligne.
PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE-LUCILE KUBACKI
Maud Amandier et Alice Chablis (des pseudonymes) sont deux femmes laïques engagées dans l’Église catholique. Aumônier de grandes écoles et journaliste dans la presse chrétienne, elles ont publié le Déni (Bayard).
Votre livre s’intéresse aux procédés rhétoriques du magistère. Que révèle, pour vous, « la manière de dire » de l’Église sur les représentations des modèles masculins et féminins dans l’Église ?
Maud Amandier. Le premier constat est qu’il existe très peu de textes sur les hommes : pourquoi une lettre sur la dignité et la vocation de la femme et pas une sur celles de l’homme ? Il y a aussi une valorisation des femmes par des expressions positives comme « dignité », « génie féminin », doublée de procédés d’essentialisation : on parle de « la » femme, « du féminin »... Pas du « génie masculin ». Parce qu’il va de soi ?
Et quel serait selon vous le modèle donné aux femmes à travers cette rhétorique ?
Alice Chablis. Le modèle, c’est Marie. Et la place qui leur est assignée est le service, dans le silence. Cette place est aussi glorifiée à travers les procédés que nous venons d’évoquer. Mais la glorification du service est une manière de masquer que le vrai pouvoir est masculin. C’est une forme de déni.
Mais dans la tradition catholique, Marie est le modèle donné à l’Église dans son ensemble, hommes et femmes. Les hommes sont aussi « au service »…
M.A. L’Église est assimilée au féminin, elle est épouse du Christ, qui est le chef, ce qui nous place d’emblée dans un rapport autorité-soumission- consentement. Cette structure génère des représentations mentales archaïques. Par ailleurs, dans l’organisation sociale de l’Église, une première séparation s’opère par le fait que les prêtres doivent être des hommes, puis cela s’étend, entre autres, à l’impossibilité pour les femmes d’être cardinales : cela construit un modèle dans lequel l’autorité est du côté masculin.
Vous évoquez la possibilité de séparer le service et le pouvoir. Mais comment procéder sans faire de l’Église une entreprise comme une autre ?
A.C. Une solution pourrait être de laisser davantage la parole aux femmes en les laissant prêcher à l’église…
La reconnaissance de l’égalité des sexes ne passerait-elle pas plutôt par la lutte contre le cléricalisme, ainsi que semble le postuler le pape François dans son encyclique Evangelii gaudium ?
A.C. Le pape reconnaît implicitement que, derrière le service, les réalités humaines font qu’il peut y avoir des abus. Il a raison. Mais, pour nous, cette reconnaissance ne suffit pas s’il n’y a pas de réflexion profonde sur les modèles féminin/masculin dans l’Église.
Ces dernières années, le nombre de femmes en responsabilité a augmenté...
A.C. Oui, car il y a une pression de la société et il y a moins de prêtres. Les femmes en profitent. Mais les textes du magistère restent sur la même ligne.