Quel est le rapport entre les amish, ces membres d'une secte anabaptiste présente sur le sol américain depuis le 18ème siècle, refusant toute modernité et vivant en communautés archi-fermées , et les "hipsters", ces jeunes gens très "tendance" que l'on croise dans les endroits les plus hype de la planète? Le look, bien sûr! Oui, la mode est au style "amish", et c'est un article très fouillé de M, le magazine du Monde qui développe le propos.
Chapeaux à large bord, costumes et gilets noirs, bretelles, barbes bien fournies: "difficile de distinguer l'Homo urbanus ultrastylé du membre de la communauté religieuse", constate le magazine… qui appelle à la rescousse un consultant du bureau de tendances Peclers Paris pour étayer sa thèse: "l'univers amish est symptomatique d'un univers fantasmé, préservé du monde moderne, où l'on fait ses vêtements soi-même, où l'on cultive ses légumes…" Autant de points communs avec le bobo urbain, qui roule à vélo, veut manger local, "donne des prénoms improbables à ses enfants et évite ceux qui ne font pas partie de la bande".
Les collections homme de grandes griffes, comme celle d'Ann Demeulemester, de Dior Homme ou Domingo Rodriguez semblent elles aussi tout droit sorties d'un vestiaire anabaptiste. Au point que la patronne d'une boutique de vêtements amish de Middlebury, dans l'Indiana, où vit la deuxième communauté amish du monde, constate un véritable engouement pour les habits de sa communauté.
Etre à la mode: un comble pour ces croyants pacifistes qui cherchent avant tout, et en tous points, à ne pas se conformer au monde qui les entoure, car il pourrait les couper des règles de l'Evangile, érigées à la lettre en règles de vie. Arrivés d'Europe après avoir été chassés d'Alsace, de Suisse et d'Allemagne au début du XVIIIème siècle, ils sont aujourd'hui environ 280.000 installés dans 30 états des USA, ainsi que dans l'Ontario, au Canada. Ils vivent essentiellement d'artisanat et d'agriculture, mais sans aucun moyen moderne de production.
Pas d'électricité, pas de véhicules à moteur, ni même de fermetures-éclair sur leurs vêtements: les conditions de vie des amish, dévoilées au grand public notamment grâce au film Witness (1985), sont particulièrement exigeantes. Bien éloignées, au fond, du confort high-tech des "hipsters" qui imitent peut-être - et uniquement- leur look à l'ancienne, mais pour à peine ce que durera le temps d'une mode. Là où ces amish le conservent, comme fidélité à leur foi et à leur identité, depuis plus de 300 ans.