ANGLICANISME
Qui va remplacer Rowan Williams à la tête de l'Eglise anglicane ?
Hughes Lefevre - publié le 06/11/2012
Cette fin d'année 2012 s'annonce cruciale pour la Communion anglicane qui renouvelle son chef spirituel, l'archevêque de Cantorbéry, après la démission de Rowan Williams qui quittera son poste en décembre prochain. Le résultat de l'élection pourrait être décisif pour l'unité de la Communion anglicane.
La constitution d'un bœuf et la peau d'un rhinocéros ! » C'est avec humour et surtout lucidité que Rowan Williams a dressé le portrait idéal de son successeur. Lucidité ? Oui, car la mission confiée au futur 105ème archevêque de Cantorbéry s'avère extrêmement compliquée. Depuis une dizaine d'années en effet la Communion anglicane, qui regroupe 38 Églises nationales ou régionales, se déchire entre modernistes et conservateurs, notamment sur les questions de sexualité et de l'accès à l'épiscopat des femmes et des prêtres homosexuels. Si l'on ne parle pas aujourd'hui de schisme officiellement, la Communion anglicane s'apparente désormais à une communauté « explosée », sans principe unificateur et sans leader véritable.
Trois courants majeurs la traversent : le premier, principalement occidental, accepte les évolutions sociétales et souhaite en ce sens une plus grande libéralisation théologique et liturgique ; le deuxième, majoritairement africain, est plus conservateur et se rapproche du protestantisme évangélique ; le troisième, lui aussi conservateur, hésite à profiter de la structure canonique mise en place par le Vatican permettant d'accueillir des anglicans au sein de l'Église romaine. Le nouvel archevêque de Cantorbéry devra donc être armé pour tenter de résoudre une équation quasiment insoluble.
Quel est le rôle de l'archevêque de Cantorbéry ?
L'archevêque de Cantorbéry est le chef de l'Église d'Angleterre (dont le gouverneur suprême est la Reine, uniquement en Angleterre, mais il s'agit d'une fonction symbolique). De par son ministère d'évêque du diocèse de Cantorbéry, il est la première personnalité religieuse de l'Église d'Angleterre, c'est d'ailleurs lui qui célèbre les cérémonies officielles importantes liées à la nation ou la famille royale. Il est reconnu comme Primus Inter Pares de tous les primats anglicans et organise une réunion décennale des évêques anglicans du monde entier, les Conférences de Lambeth.
A l'inverse d'un pape catholique, il ne dispose pas de véritable pouvoir effectif, ce qui rend sa position délicate et son action limitée. Il ne peut pas sanctionner un évêque pour infraction disciplinaire. Et son autorité est mise à mal par le schisme qui déchire les Anglicans depuis 2003 (suite à l'ordination d'un évêque ouvertement gay dans l'Église épiscopalienne). Elle a même été défiée en 2008, lorsque de nombreux évêques africains conservateurs ont boycotté la Conférence de Lambeth.
Quand sera-t-il désigné ?
C’est le flou le plus total ! En théorie, un collège de seize personnalités (nommées par la chambre des évêques ou élues par les membres de l'Église d'Angleterre) doit proposer deux candidats au Premier Ministre britannique. Celui-ci les transmet à la Reine qui tranche et dispose d'un droit de veto. En pratique, le collège qui s'est réuni en septembre dernier n'a apparemment pas réussi à se mettre d'accord. "Le travail de la Commission se poursuit, a indiqué un communiqué. Aucun commentaire ne sera fait sur quelque supposition concernant les candidats".
Une omerta qui fait grincer des dents au sein de l'Eglise d'Angleterre où certains dénoncent un système de désignation dépassé et peu démocratique. Selon Paul Dawson, pasteur et membre de Reform qui rassemble des anglicans de tendance évangélique et protestante refusant les évolutions libérales sur l’homosexualité, « un changement de processus est certainement à prévoir pour les prochaines élections ».
Le calendrier de cette fin d’année peut-il expliquer le retard ? Rowan Williams, de tendance plutôt libérale, a lancé à la mi-octobre une vaste campagne pour persuader les membres du Synode général (l'assemblée des évêques) de soutenir la nouvelle législation sur les femmes évêques, qui reste extrêmement discutée en Angleterre. L'assemblée des évêques devrait se prononcer le 20 novembre prochain Quelle que soit la décision finale, le futur nouvel archevêque de Cantorbéry serait « débarrassé » d’une question brûlante s’il était désigné après cette date. Paul Dawson confirme cette hypothèse en ajoutant que si la décision du Synode confirmait l’épiscopat des femmes prêtres, c’est à Rowan Williams qu’en reviendrait l’entière responsabilité et non au nouvel archevêque. Rappelons d’ailleurs qu’au sein de la Communion anglicane existent déjà des femmes évêques, notamment en Amérique du nord et en Nouvelle-Zélande.
Qui sont les prétendants ?
Difficile de pronostiquer des favoris mais trois noms peuvent être dégagés. Justin Welby d’abord, ordonné évêque de Durham il y a moins d’un an et ancien cadre de l'industrie pétrolière. Il est entré dans les ordres après la mort brutale de sa fille. Il se déclare « fortement en faveur » de l’ordination de femmes évêques. John Sentamu ensuite, archevêque de York d’origine ougandaise, il représente une branche plus traditionnelle (par exemple très hostile au mariage homosexuel), et serait le premier noir archevêque de Cantorbéry. Enfin Richard Chartres, évêque de Londres, sans doute le plus conservateur des prétendants, il a notamment refusé d’ordonner des femmes évêques.