MATINALE CHRÉTIENNE DU 31 AVRIL
Grèce: catholiques et orthodoxes se déchirent
Natalia Trouiller - publié le 31/05/2012
Un nouvel incident diplomatique dû au patriarche orthodoxe Séraphin du Pirée s'envenime. Et pourrait bien mener l'Eglise catholique devant la Cour européenne des droits de l'homme pour obtenir justice.
Séraphin, patriarche orthodoxe grec du Pirée. © DR
GRECE: LE TON MONTE
Séraphin, patriarche du Pirée de l'Eglise Orthodoxe Grecque, est peut-être l'actuel prélat orthodoxe le plus tristement connu au monde. Ses débordements antisémites, qui feraient passer Mgr Williamson pour un fervent adepte du dialogue judéo-chrétien, ont fait à maintes reprises le tour de la planète. Ainsi, en 2010, déclarait-il que "Adolf Hitler était un instrument du sionisme mondial et a été financé par la célèbre famille Rothschild dans le but de convaincre les Juifs de quitter les rivages de l’Europe et de se rendre en Israël pour établir un nouvel empire", accusant, pour faire bonne mesure, "les Juifs comme Rockefeller, Rothschild et la Fondation Soros de contrôler le système bancaire international qui contrôle la mondialisation", celle-ci n'étant rien moins qu'un "complot visant à asservir la Grèce et l'orthodoxie chrétienne en encourageant les familles monoparentales et le mariage gay".
> Mais ni les Juifs, ni les francs-maçons - qu'il accuse également de tous les maux - ne sont les seules cibles de Séraphin. Il n'aime pas non plus l'Eglise catholique, et ne perd jamais une occasion de le faire savoir. Dernier exemple en date: il vient d'attaquer en justice l'archevêque catholique d'Athènes, Mgr Nikolaos Foskolos pour "prosélytisme illégal". Le tort de l'archevêque? Administrer une école catholique dans son diocèse, qui est aussi celui de Séraphin.
> La Constitution grecque, qui reconnaît la liberté religieuse, stipule toutefois que le prosélytisme est interdit. C'est donc en vertu de cette disposition que Mgr Foskolos se retrouve devant les tribunaux.
> Le plus inquiétant dans cette histoire n'est pas l'issue du procès: l'Eglise catholique, agacée par les attaques répétées de Séraphin, est prête à se rendre à la Cour européenne des droits de l'homme pour faire cesser la discrimination d'Etat que subissent les confessions non-orthodoxes. Ce qui est davantage préoccupant, c'est la réaction du patriarcat orthodoxe d'Athènes, ou plutôt sa non-réaction. Pour le comprendre, il faut comprendre l'attachement viscéral du patriarcat orthodoxe à l'indépendance de son Eglise, véritable marque identitaire de l'orthodoxie. Or, en mars dernier, l'intervention du patriarche oecuménique Bartholomée de Constantinople, inquiet des dérapages de Séraphin, avait provoqué une réaction épidermique chez les patriarches grecs. Plutôt que de condamner Séraphin pour avoir prononcé des anathèmes en bonne et due forme contre l'Eglise catholique et les partisans de l'oecuménisme lors d'une messe, les patriarches orthodoxes grecs se sont sentis rabaissés par Bartholomée et ont condamné unanimement cette "ingérence sans précédent dans les affaires intérieures d'une autre Eglise".
> Privilégier l'esprit de corps plutot que de condamner les dérapages d'un mouton noir, tel semble être le choix de l'Eglise orthodoxe grecque. Mais dans une Grèce terrassée par la crise, où le peuple considère de façon pas toujours juste que l'Eglise orthodoxe tire sans problème son épingle du jeu, le pari est risqué. Comme partout en Occident, la sécularisation gagne du terrain en Grèce; la carte oecuménique semble difficilement contournable dans les prochaines années.
Grèce: catholiques et orthodoxes se déchirent
Natalia Trouiller - publié le 31/05/2012
Un nouvel incident diplomatique dû au patriarche orthodoxe Séraphin du Pirée s'envenime. Et pourrait bien mener l'Eglise catholique devant la Cour européenne des droits de l'homme pour obtenir justice.
Séraphin, patriarche orthodoxe grec du Pirée. © DR
GRECE: LE TON MONTE
Séraphin, patriarche du Pirée de l'Eglise Orthodoxe Grecque, est peut-être l'actuel prélat orthodoxe le plus tristement connu au monde. Ses débordements antisémites, qui feraient passer Mgr Williamson pour un fervent adepte du dialogue judéo-chrétien, ont fait à maintes reprises le tour de la planète. Ainsi, en 2010, déclarait-il que "Adolf Hitler était un instrument du sionisme mondial et a été financé par la célèbre famille Rothschild dans le but de convaincre les Juifs de quitter les rivages de l’Europe et de se rendre en Israël pour établir un nouvel empire", accusant, pour faire bonne mesure, "les Juifs comme Rockefeller, Rothschild et la Fondation Soros de contrôler le système bancaire international qui contrôle la mondialisation", celle-ci n'étant rien moins qu'un "complot visant à asservir la Grèce et l'orthodoxie chrétienne en encourageant les familles monoparentales et le mariage gay".
> Mais ni les Juifs, ni les francs-maçons - qu'il accuse également de tous les maux - ne sont les seules cibles de Séraphin. Il n'aime pas non plus l'Eglise catholique, et ne perd jamais une occasion de le faire savoir. Dernier exemple en date: il vient d'attaquer en justice l'archevêque catholique d'Athènes, Mgr Nikolaos Foskolos pour "prosélytisme illégal". Le tort de l'archevêque? Administrer une école catholique dans son diocèse, qui est aussi celui de Séraphin.
> La Constitution grecque, qui reconnaît la liberté religieuse, stipule toutefois que le prosélytisme est interdit. C'est donc en vertu de cette disposition que Mgr Foskolos se retrouve devant les tribunaux.
> Le plus inquiétant dans cette histoire n'est pas l'issue du procès: l'Eglise catholique, agacée par les attaques répétées de Séraphin, est prête à se rendre à la Cour européenne des droits de l'homme pour faire cesser la discrimination d'Etat que subissent les confessions non-orthodoxes. Ce qui est davantage préoccupant, c'est la réaction du patriarcat orthodoxe d'Athènes, ou plutôt sa non-réaction. Pour le comprendre, il faut comprendre l'attachement viscéral du patriarcat orthodoxe à l'indépendance de son Eglise, véritable marque identitaire de l'orthodoxie. Or, en mars dernier, l'intervention du patriarche oecuménique Bartholomée de Constantinople, inquiet des dérapages de Séraphin, avait provoqué une réaction épidermique chez les patriarches grecs. Plutôt que de condamner Séraphin pour avoir prononcé des anathèmes en bonne et due forme contre l'Eglise catholique et les partisans de l'oecuménisme lors d'une messe, les patriarches orthodoxes grecs se sont sentis rabaissés par Bartholomée et ont condamné unanimement cette "ingérence sans précédent dans les affaires intérieures d'une autre Eglise".
> Privilégier l'esprit de corps plutot que de condamner les dérapages d'un mouton noir, tel semble être le choix de l'Eglise orthodoxe grecque. Mais dans une Grèce terrassée par la crise, où le peuple considère de façon pas toujours juste que l'Eglise orthodoxe tire sans problème son épingle du jeu, le pari est risqué. Comme partout en Occident, la sécularisation gagne du terrain en Grèce; la carte oecuménique semble difficilement contournable dans les prochaines années.