REPORTAGE - Haïti, une année pour rien ?
Rien n'a changé ou presque à Port-au-Prince, un an après le tremblement de terre dévastateur du 12 janvier 2010. Reportage.
OTRE ENVOYÉ SPÉCIAL EN HAÏTI, YVES CORNU
On ne saurait imaginer symbole plus tragique du malheur haïtien que le palais national, au coeur de Port-au-Prince. Frappé, à l'instar de centaines de bâtiments de la capitale, par le tremblement de terre du 12 janvier 2010, l'édifice d'inspiration Renaissance s'est partiellement affaissé, comme un soufflé trop cuit. Depuis, rien n'a changé. Un an plus tard, les pelouses qui entourent la résidence du chef de l'État sont toujours soigneusement entretenues, mais la ruine est restée telle quelle.
Et tout Port-au-Prince est à l'unisson : ravagé et laissé en l'état, comme si le séisme avait aussi arrêté le temps. On s'est contenté de ceinturer la cathédrale, ou ce qu'il en reste, de grillages. Les gravats des maisons qui se sont effondrées n'ont que rarement été déblayés. Les immeubles qui ont basculé sur leur base continuent à dresser leur silhouette de tour de Pise du pauvre en attendant la démolition, tout comme ceux qui, en apparence, sont intacts mais dont la structure irrémédiablement fragilisée ne résisterait pas à une nouvelle secousse et qui ont donc été désertés.
Un an sous une tente
Les raisons de cet effarant attentisme sont multiples : désorganisation des services officiels, disparition des propriétaires ou destruction des documents administratifs dans la catastrophe, incapacité des habitants à assumer les frais de déblaiement, arrivée tardive des fonds promis par la communauté internationale etc. Et comme il ne saurait être question de reconstruire avant que les ruines soient évacuées, les habitants de Port-au-Prince attendent depuis un an sous leur tente de fortune avec le fatalisme de ceux à qui on ne la fait plus.
Selon l'organisation internationale pour les migrations (OIM) 810.000 personnes réparties dans quelque 1.100 camps vivent ainsi sous des bâches fournies par l'ONU ou des ONG. Jardins publics, parkings ; tous les espaces libres ont été mis à profit, à commencer par le Champ de Mars, la place principale qui fait face au palais national. Il faut imaginer, à Paris, la place de la Concorde, les jardins du Luxembourg, l'esplanade du Trocadéro, les bois de Boulogne et de Vincennes, saturés de campeurs malgré eux, pour imaginer ce que vivent depuis le début de l'année dernière ceux des habitants de Port-au-Prince qui ont perdu leur logement.
Survivre est un but en soi
Dans cette ville enfiévrée par la promiscuité, la chaleur, le manque d'hygiène et l'oisiveté, survivre est déjà un but en soi pour ceux qui ont tout perdu. Ils n'y parviennent bien souvent que grâce à l'aide internationale, l'État haïtien étant impuissant face à l'ampleur de la tâche. De la lutte contre le choléra à la scolarisation des enfants en passant pas la distribution de nourriture pour les plus démunis, les organisations humanitaires financent à peu près tout, mais leur action relève toujours du domaine de l'urgence. La plupart des experts sont d'ailleurs d'accord sur un point : il ne faut pas espérer un retour à un semblant de normalité avant au moins dix ans.
Et pendant ce temps-là, la guerre des âmes fait rage. Dans ce pays profondément religieux, où le catholicisme et le culte vaudou ont fini par cohabiter tant bien que mal, les églises évangéliques et méthodistes américaines se livrent à un prosélytisme effréné pour conquérir ce qui semble s'apparenter à leurs yeux à de nouvelles parts de marché. Succès garanti auprès d'un peuple qui ne sait plus à quel saint se vouer.
LE POINT
Rien n'a changé ou presque à Port-au-Prince, un an après le tremblement de terre dévastateur du 12 janvier 2010. Reportage.
OTRE ENVOYÉ SPÉCIAL EN HAÏTI, YVES CORNU
On ne saurait imaginer symbole plus tragique du malheur haïtien que le palais national, au coeur de Port-au-Prince. Frappé, à l'instar de centaines de bâtiments de la capitale, par le tremblement de terre du 12 janvier 2010, l'édifice d'inspiration Renaissance s'est partiellement affaissé, comme un soufflé trop cuit. Depuis, rien n'a changé. Un an plus tard, les pelouses qui entourent la résidence du chef de l'État sont toujours soigneusement entretenues, mais la ruine est restée telle quelle.
Et tout Port-au-Prince est à l'unisson : ravagé et laissé en l'état, comme si le séisme avait aussi arrêté le temps. On s'est contenté de ceinturer la cathédrale, ou ce qu'il en reste, de grillages. Les gravats des maisons qui se sont effondrées n'ont que rarement été déblayés. Les immeubles qui ont basculé sur leur base continuent à dresser leur silhouette de tour de Pise du pauvre en attendant la démolition, tout comme ceux qui, en apparence, sont intacts mais dont la structure irrémédiablement fragilisée ne résisterait pas à une nouvelle secousse et qui ont donc été désertés.
Un an sous une tente
Les raisons de cet effarant attentisme sont multiples : désorganisation des services officiels, disparition des propriétaires ou destruction des documents administratifs dans la catastrophe, incapacité des habitants à assumer les frais de déblaiement, arrivée tardive des fonds promis par la communauté internationale etc. Et comme il ne saurait être question de reconstruire avant que les ruines soient évacuées, les habitants de Port-au-Prince attendent depuis un an sous leur tente de fortune avec le fatalisme de ceux à qui on ne la fait plus.
Selon l'organisation internationale pour les migrations (OIM) 810.000 personnes réparties dans quelque 1.100 camps vivent ainsi sous des bâches fournies par l'ONU ou des ONG. Jardins publics, parkings ; tous les espaces libres ont été mis à profit, à commencer par le Champ de Mars, la place principale qui fait face au palais national. Il faut imaginer, à Paris, la place de la Concorde, les jardins du Luxembourg, l'esplanade du Trocadéro, les bois de Boulogne et de Vincennes, saturés de campeurs malgré eux, pour imaginer ce que vivent depuis le début de l'année dernière ceux des habitants de Port-au-Prince qui ont perdu leur logement.
Survivre est un but en soi
Dans cette ville enfiévrée par la promiscuité, la chaleur, le manque d'hygiène et l'oisiveté, survivre est déjà un but en soi pour ceux qui ont tout perdu. Ils n'y parviennent bien souvent que grâce à l'aide internationale, l'État haïtien étant impuissant face à l'ampleur de la tâche. De la lutte contre le choléra à la scolarisation des enfants en passant pas la distribution de nourriture pour les plus démunis, les organisations humanitaires financent à peu près tout, mais leur action relève toujours du domaine de l'urgence. La plupart des experts sont d'ailleurs d'accord sur un point : il ne faut pas espérer un retour à un semblant de normalité avant au moins dix ans.
Et pendant ce temps-là, la guerre des âmes fait rage. Dans ce pays profondément religieux, où le catholicisme et le culte vaudou ont fini par cohabiter tant bien que mal, les églises évangéliques et méthodistes américaines se livrent à un prosélytisme effréné pour conquérir ce qui semble s'apparenter à leurs yeux à de nouvelles parts de marché. Succès garanti auprès d'un peuple qui ne sait plus à quel saint se vouer.
LE POINT