Masoeur66 a écrit:Qui connais l'histoire du café ?
*** g 3/06 Une graine qui a fait le tour du monde ***
Une graine qui a fait le tour du monde
“ L’épisode le plus romantique de l’histoire de la propagation du caféier ” serait, d’après le livre “ Tout sur le café ” (angl.), la dévotion qu’un homme a manifestée pour un jeune plant de café. Ce seul arbrisseau a joué un rôle décisif dans l’émergence de l’industrie du café qui, avec un chiffre d’affaires annuel de 55 milliards d’euros, se classe aujourd’hui deuxième, juste derrière l’industrie pétrolière, d’après la revue “ Pour la science ”.
L’HISTOIRE fascinante du café commence dans les hauts plateaux d’Éthiopie, l’habitat naturel du caféier sauvage. L’espèce cultivée Coffea arabica, issue du caféier sauvage, représente deux tiers de la production mondiale. On ignore la date exacte à laquelle les propriétés du grain torréfié ont été découvertes. On sait en revanche que le café arabica était déjà cultivé au XVe siècle dans la péninsule Arabique. En 1616, malgré l’interdiction qui frappe les exportations de semences, les Hollandais parviennent à se procurer des arbres ou des graines. Ils créent rapidement des plantations à Ceylan (l’actuel Sri Lanka) et à Java, une île appartenant aujourd’hui à l’Indonésie.
En 1706, les Hollandais rapportent dans leur pays un jeune arbre de leurs terres javanaises. Acclimaté dans les jardins botaniques d’Amsterdam, l’arbre prospère. Des pieds de caféiers issus de cet arbre sont expédiés dans les colonies hollandaises du Suriname et des Caraïbes. En 1714, le maire d’Amsterdam offre l’un de ces plants au roi de France, Louis XIV. Le roi plante l’arbuste à Paris, dans les serres du Jardin des Plantes.
Les Français souhaitent ardemment entrer dans le marché du café. Ils achètent donc des graines et des jeunes plants, et les acheminent sur l’île de la Réunion. Mais les graines ne poussent pas et, d’après certains témoignages, tous les jeunes plants finissent par mourir, sauf un. Néanmoins, ce seul arbre fournira 15 000 graines qui seront mises en terre en 1720. Une plantation voit enfin le jour à la Réunion. Ces arbres sont si précieux que quiconque s’avise de les détruire est puni de mort ! Les Français espèrent créer aussi des plantations aux Antilles, mais leurs deux premières tentatives échouent.
C’est alors que Gabriel de Clieu, un officier de la marine française en congé à Paris, se charge lui-même de la mission consistant à ramener un caféier en Martinique, lorsqu’il retournera sur ses terres. En mai 1723, il quitte la France en direction de l’île, emportant un plant issu de l’arbre de Paris.
De Clieu place le précieux arbuste dans une boîte faite en partie de verre, afin qu’au cours de la traversée l’arbre soit exposé à la lumière et reste au chaud par temps nuageux, précise Tout sur le café. Un passager, qui peut-être envie de Clieu et ne souhaite pas qu’il connaisse la gloire, tente de lui ravir le caféier, mais n’y parvient pas. L’arbre survivra aussi à une rencontre avec des pirates tunisiens, à une violente tempête et, pire que tout, à une pénurie d’eau potable due à l’immobilisation prolongée du navire dans une zone de calme près de l’équateur. “ L’eau manquait à un point tel, écrira de Clieu, que pendant plus d’un mois je fus contraint de partager ma chiche ration avec la plante sur laquelle reposaient mes plus heureux espoirs et qui était la source de toutes mes délices. ”
La dévotion de l’officier sera récompensée. Son chargement arrivera à bon port en Martinique. Là, sous le climat tropical, l’arbre prospérera et produira de multiples descendants. “ À partir de ce seul plant, la Martinique fournira des graines, directement ou indirectement, à tous les pays des Amériques, à l’exception du Brésil, de la Guyane française et du Suriname ”, écrit Gordon Wrigley dans son livre Le café (angl.).
À cette époque, le Brésil et la Guyane française aspirent eux aussi à posséder des caféiers. Non loin de là, au Suriname, les Hollandais cultivent encore des plants issus de l’arbre d’Amsterdam, mais ils les protègent jalousement. Toutefois, en 1722, un criminel guyanais en fuite au Suriname leur vole des graines. Les autorités guyanaises lui promettent la liberté en échange de son précieux larcin. C’est ainsi que la Guyane française réussit à se procurer cette semence.
Quant au Brésil, ses premières tentatives pour obtenir en secret des graines ou des plants viables échouent. C’est alors que le Suriname et la Guyane française lui demandent de fournir un médiateur en raison de leur désaccord sur une question de frontière. Le Brésil dépêche en Guyane française un officier du nom de Francisco de Melo Palheta, en lui demandant de régler le différend et de ramener des pieds de caféier.
Un accord étant conclu, le gouverneur donne pour Palheta un banquet d’adieu. Afin de manifester sa reconnaissance à son invité d’honneur, la femme du gouverneur lui offre un magnifique bouquet. Elle a caché dans les fleurs des graines et des plants de café. On peut donc dire que l’industrie caféière brésilienne, qui génère aujourd’hui des milliards d’euros, est née en 1727 dans un bouquet !
Ainsi, toutes les plantations d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale sont issues de deux arbres : le caféier transporté de Java à Amsterdam en 1706, et son rejeton de Paris. D’où cette remarque de Gordon Wrigley : “ Par conséquent, l’ensemble de l’industrie du café arabica se fonde sur un matériel génétique très restreint. ”
Aujourd’hui, on dénombre environ 15 milliards de caféiers, cultivés par plus de 25 millions d’exploitations familiales, implantées dans quelque 80 pays. Tout cela pour remplir les 2,25 milliards de tasses de café consommées chaque jour dans le monde !
Par un singulier revirement de situation, on assiste désormais à un problème de surproduction. Des questions d’ordre politique, économique et protectionniste, ainsi que de puissants cartels, compliquent le tout. Résultat : dans de nombreux pays, des cultivateurs vivent avec peu de ressources, quand ils n’en sont pas totalement privés. Une situation bien triste quand on songe à de Clieu en train de partager, il y a 300 ans, sa ration d’eau potable avec un arbrisseau.
[Encadré/Illustration, page 20]
LES DEUX CAFÉS LES PLUS CONNUS
“ Les grains de café vert sont les graines de plantes de la famille des rubiacées, qui compte au moins 66 espèces du genre Coffea, explique la revue Pour la science. Les deux variétés exploitées commercialement sont Coffea arabica, qui représente les deux tiers de la production mondiale, et Coffea Canephora, que l’on nomme souvent café robusta, et qui représente le dernier tiers. ”
Le café robusta dégage un arôme puissant, légèrement terreux. On le consomme généralement sous forme soluble, pour les instantanés. L’arbre se caractérise par sa grande productivité et sa résistance aux maladies. Il atteint une hauteur de 12 mètres environ, soit le double d’un caféier arabica à l’état naturel. Ce dernier est aussi plus fragile et moins productif. Le robusta peut contenir jusqu’à 2,8 % de caféine, alors que l’arabica n’en contient jamais plus de 1,5 %. Bien que l’arabica possède 44 chromosomes, contre 22 seulement pour le robusta et toutes les autres espèces sauvages, des variétés hybrides ont été obtenues par croisement.