Extrême droite. La glaçante radicalisation en ligne des tradinatioalistes hindous
Les “plateformes de haine” pullulent en Inde. Cibles privilégiées de l’extrême droite religieuse : les musulmans et le Premier ministre nationaliste, Narendra Modi, jugé trop modéré. “The Wire” a enquêté sur ces communautés qui s’échangent des mèmes ultraviolents inspirés du nazisme et multiplient les appels au meurtre, dont certains membres sont déjà passés à l’acte.
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The Wire
Traduit de l’anglais.
“Minorités musulmanes”.“Minorités musulmanes”. DESSIN DE RASHAD ALSAMEI, YÉMEN/CARTOON MOVEMENT.
Le 4 janvier, la police de Bombay a interpellé les concepteurs présumés de l’application Bulli Bai [qui propose de vendre aux enchères des femmes indiennes musulmanes]. Les deux personnes arrêtées – une jeune femme de 18 ans, Shweta Singh, et son ami Vishal Jha, 21 ans – sont symptomatiques d’une maladie bien plus répandue : un nouveau genre de radicalisation suprémaciste d’extrême droite. Ces individus sont le produit d’un écosystème radical inspiré par la propagande en faveur d’une “nation hindoue”, mais qui se méfie des apôtres officiels de l’hindutva [idéologie fondamentaliste défendant l’idée d’une suprématie et d’une nation hindoues, lire encadré] qu’ils jugent par trop “pragmatiques” et “complaisants” à l’égard des musulmans et des dalits [“opprimés”, nom qu’ont choisi les intouchables pour se désigner].
Depuis quelques années, un grand nombre de jeunes Indiens et Indiennes ont été attirés sur les réseaux sociaux vers cette dangereuse nébuleuse de la “droite alternative” nationaliste, que l’on appelle la “trad wing”, ou “aile traditionaliste”, s’autoproclamant les guerriers de son projet de civilisation. Ces “traditionalistes” trouvent trop progressistes les autres mouvements de droite, qu’ils surnomment “raïtas” – terme dérivé de l’expression raïta failana, “bâcler le travail”. Contrairement aux traditionalistes, les raïtas sont réputés défendre un nationalisme hindou plus symbolique que théologique et s’accommodent de la politique de Narendra Modi qui, à leur sens, suffit à promouvoir le projet de l’hindutva. Et, dans la mesure où ils représentent la mouvance majoritaire du nationalisme hindou, ils sont davantage visibles dans la sphère publique.
Inspirés par l’“alt-right” américaine
Les traditionalistes, eux, prônent une suprématie religieuse stricte ne laissant que très peu de marge pour adapter les règles au gré des contingences politiques. À leurs yeux, les raïtas sont des modérés que pratiquement rien ne différencie des gauchistes et des progressistes.
Ce mouvement nationaliste d’extrême droite ne se démarque des crimes de haine organisés que par son caractère autonome et spontané. Il s’agit en effet d’un mouvement auquel les individus se rallient volontairement, indépendamment de ce qu’ils ont à gagner ou à perdre. En ce sens, c’est une armée en ligne d’individus profondément attachés à la cause et exprimant leur engagement politique à travers des formes d’“humour” corrosives et malveillantes.
Ils empruntent leur vocabulaire à l’alt-right américaine, l’écosystème néonazi en ligne résolument opposé à la discrimination positive, à la défense des droits des minorités et aux valeurs progressistes de gauche. Une frange des hindous de “haute caste” s’est approprié les symboles de la droite alternative occidentale, comme le mème de Pepe the Frog – une grenouille née en 2005 dans une innocente bande dessinée apolitique et devenue culte en 2015, avant d’être récupérée par les suprémacistes blancs aux États-Unis.
Bien que ces espaces ne reposent sur aucune structure rigide, ils constituent une véritable sous-culture qui a développé son propre langage visuel, tout à la fois nouveau et puisant dans une tradition historique d’iconographie haineuse.
Shweta Singh, cerveau présumé de l’affaire Bulli Bai, a ainsi bâti sa notoriété en publiant une affiche de propagande de l’hindutva calquée sur une affiche de propagande nazie exhortant les “Aryens” à faire davantage d’enfants. Niraj Bishnoï, le jeune homme arrêté dans le cadre de ce scandale, aurait tenté d’enfumer les enquêteurs en publiant systématiquement sur son compte @giyu44 de fausses information
Dessin de Martirena
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Naomi Barton, Alishan Jafri
Source de l’article
Logo The Wire (New Delhi)
Lancé en mai 2015 mai par Siddharth Varadarajan, ex-rédacteur en chef du quotidien The Hindu et Sidharth Bhatia, cofondateur du quotidien Daily News and Analysis (à Bombay en 2005), le site The Wire traite des grands sujets d’actualité en Inde et en Asie du Sud et fait la part belle aux reportages et aux articles longs. Contrairement aux autres médias du pays, il ne dépend d’aucun groupe industriel.
Les “plateformes de haine” pullulent en Inde. Cibles privilégiées de l’extrême droite religieuse : les musulmans et le Premier ministre nationaliste, Narendra Modi, jugé trop modéré. “The Wire” a enquêté sur ces communautés qui s’échangent des mèmes ultraviolents inspirés du nazisme et multiplient les appels au meurtre, dont certains membres sont déjà passés à l’acte.
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“Minorités musulmanes”.“Minorités musulmanes”. DESSIN DE RASHAD ALSAMEI, YÉMEN/CARTOON MOVEMENT.
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Depuis quelques années, un grand nombre de jeunes Indiens et Indiennes ont été attirés sur les réseaux sociaux vers cette dangereuse nébuleuse de la “droite alternative” nationaliste, que l’on appelle la “trad wing”, ou “aile traditionaliste”, s’autoproclamant les guerriers de son projet de civilisation. Ces “traditionalistes” trouvent trop progressistes les autres mouvements de droite, qu’ils surnomment “raïtas” – terme dérivé de l’expression raïta failana, “bâcler le travail”. Contrairement aux traditionalistes, les raïtas sont réputés défendre un nationalisme hindou plus symbolique que théologique et s’accommodent de la politique de Narendra Modi qui, à leur sens, suffit à promouvoir le projet de l’hindutva. Et, dans la mesure où ils représentent la mouvance majoritaire du nationalisme hindou, ils sont davantage visibles dans la sphère publique.
Inspirés par l’“alt-right” américaine
Les traditionalistes, eux, prônent une suprématie religieuse stricte ne laissant que très peu de marge pour adapter les règles au gré des contingences politiques. À leurs yeux, les raïtas sont des modérés que pratiquement rien ne différencie des gauchistes et des progressistes.
Ce mouvement nationaliste d’extrême droite ne se démarque des crimes de haine organisés que par son caractère autonome et spontané. Il s’agit en effet d’un mouvement auquel les individus se rallient volontairement, indépendamment de ce qu’ils ont à gagner ou à perdre. En ce sens, c’est une armée en ligne d’individus profondément attachés à la cause et exprimant leur engagement politique à travers des formes d’“humour” corrosives et malveillantes.
Ils empruntent leur vocabulaire à l’alt-right américaine, l’écosystème néonazi en ligne résolument opposé à la discrimination positive, à la défense des droits des minorités et aux valeurs progressistes de gauche. Une frange des hindous de “haute caste” s’est approprié les symboles de la droite alternative occidentale, comme le mème de Pepe the Frog – une grenouille née en 2005 dans une innocente bande dessinée apolitique et devenue culte en 2015, avant d’être récupérée par les suprémacistes blancs aux États-Unis.
Bien que ces espaces ne reposent sur aucune structure rigide, ils constituent une véritable sous-culture qui a développé son propre langage visuel, tout à la fois nouveau et puisant dans une tradition historique d’iconographie haineuse.
Shweta Singh, cerveau présumé de l’affaire Bulli Bai, a ainsi bâti sa notoriété en publiant une affiche de propagande de l’hindutva calquée sur une affiche de propagande nazie exhortant les “Aryens” à faire davantage d’enfants. Niraj Bishnoï, le jeune homme arrêté dans le cadre de ce scandale, aurait tenté d’enfumer les enquêteurs en publiant systématiquement sur son compte @giyu44 de fausses information
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