[size=38]Alpha, la recette miracle de l’évangélisation ?[/size]
Enquête
Lecture en 3 min.
Alpha classic, Alpha campus, Alpha pour les couples – à l’honneur ce vendredi 14 février pour la Saint-Valentin… Les propositions de l’association Alpha foisonnent. Créés en 1990 par un prêtre anglican, ses « parcours » ont été importés en France en 2000, avant d’obtenir le feu vert de l’épiscopat moyennant la réécriture de quelques enseignements. Ils proposent une découverte de la foi chrétienne, mêlant croyants et non-croyants, lors de soirées conviviales.
À chaque fois, ou presque, le succès est au rendez-vous. À tel point que l’on peut se demander s’ils ne sont pas devenus l’alpha et l’oméga de l’évangélisation de l’Église de France. D’autant plus que tous les diocèses, à des degrés divers, sont confrontés à la même question lancinante : comment annoncer l’Évangile alors que les communautés sont vieillissantes et les prêtres moins nombreux ?
La méthode Alpha, résolument tournée vers l’extérieur de l’Église, infuse en France depuis vingt ans. Elle possède de fervents partisans, à l’instar du père Stéphan Janssens, responsable du secteur missionnaire du Beauvaisis (Oise) et membre du conseil épiscopal. « En vingt ans de ministère, je n’ai pas trouvé de meilleur outil pour renouveler une paroisse, observe celui qui a accompagné de nombreux parcours. Ce n’est pas le seul et unique, mais force est de constater que les fruits sont impressionnants si Alpha est mis à la juste place. »
Certaines paroisses ont même fait des parcours Alpha le cœur de leur projet, comme celle de Saint-Nizier, dans le 2e arrondissement de Lyon, confiée à l’Emmanuel. Le curé, le père Hugues Jeanson, raconte volontiers l’influence du père James Mallon, ce prêtre canadien, « apôtre » du renouveau missionnaire à partir des parcours Alpha.
Les prêtres découvrent les techniques de management
« J’ai appelé tous les paroissiens à suivre le parcours, non sans susciter quelques résistances », confie-t-il, constatant que cette proposition attire « de nouvelles têtes ». « Ils sont aussi invités à adopter une culture de l’invitation au-delà du cercle des pratiquants réguliers. » Avec conviction et sans langue de bois, le père Jeanson pointe une « question de vie ou de mort » : « Soit nous changeons, soit nous disparaissons. »
Alors, les parcours Alpha seraient-ils la recette incontournable pour l’évangélisation et la transformation des paroisses ? Le père Éric Poinsot, vicaire général du diocèse de Besançon, qui a clôturé l’an passé son synode « vers une Église disciple-missionnaire », loue des « approches complémentaires ». « Alpha possède un vrai savoir-faire, mais il existe plusieurs manières de faire, assure-t-il. D’autres mouvements existent, comme l’Action catholique, bien présente dans notre diocèse, ou le MRJC, par exemple. »
Sans promotion ni remise en cause, Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre, souligne, lui, qu’« Alpha n’est pas le tout de la vie de l’Église » et qu’« on ne peut pas vouloir le généraliser partout ». Le réveil missionnaire, appelé par le pape François, ne passe donc pas toujours par les parcours Alpha.
Mais l’association participe aussi à façonner l’Église de demain grâce à sa formation destinée aux prêtres, baptisée « Des pasteurs selon mon cœur ». Depuis sa création en 2011, avant une collaboration avec Talenthéo – un réseau de coachs chrétiens –, déjà, près d’un millier de prêtres et une trentaine d’évêques ont été formés à la gouvernance.
Plusieurs évêques ont invité leurs prêtres à suivre cette formation qui traite de sujets peu ou pas abordés au séminaire, comme le management. Son leitmotiv : donner les outils aux prêtres pour « passer d’une pastorale de conservation à une pastorale missionnaire ». Elle attire sans doute plus facilement des prêtres de sensibilité charismatique mais touche désormais bien au-delà. Le père Gérard Pitel, du diocèse de Bayeux, l’a fait il y a cinq ans : il avait alors 70 ans, et avait été « marqué par la diversité des prêtres ».
Et, pour aller plus loin, Alpha propose également un suivi des paroisses qui veulent bousculer leur organisation. « Grâce à une équipe d’une cinquantaine de bénévoles, nous accompagnons près de 100 paroisses, se félicite Anne-France de Boissière, directrice de la formation et de la transformation pastorale chez Alpha. Nous ne disons pas que nous façonnons l’Église de demain mais nous contribuons, avec nos moyens, à un changement de culture. »
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Pierrick Levesque, délégué général d’Alpha France
« La mission d’Alpha est d’équiper et de servir l’Église dans sa mission de faire connaître Jésus. Nous ne sommes qu’un outil qui n’a pas d’autre vocation. En 2019, nous avons recensé 1 800 parcours dont 75 % dans l’Église catholique, soit entre 20 000 et 30 000 personnes touchées, auxquelles s’ajoute le même nombre de bénévoles investis dans les parcours. Ce succès s’explique par sa recette toute simple : un temps de convivialité, un enseignement puis un échange. Nous sommes convaincus que cela constitue un investissement formidable pour l’avenir de l’Église. Nous avons rencontré en novembre, le président de la Conférence des évêques de France, Mgr Éric de Moulins-Beaufort. Nous sommes ressortis avec l’encouragement à poursuivre. »
Enquête
Pour la Saint-Valentin, les parcours Alpha organisent des soirées spéciales pour les couples. Le succès durable de la méthode de l’association Alpha, qui touche des laïcs mais aussi des prêtres, s’est imposée comme un outil d’évangélisation majeur.
- Arnaud Bevilacqua,
- le 14/02/2020 à 06:34
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Alpha classic, Alpha campus, Alpha pour les couples – à l’honneur ce vendredi 14 février pour la Saint-Valentin… Les propositions de l’association Alpha foisonnent. Créés en 1990 par un prêtre anglican, ses « parcours » ont été importés en France en 2000, avant d’obtenir le feu vert de l’épiscopat moyennant la réécriture de quelques enseignements. Ils proposent une découverte de la foi chrétienne, mêlant croyants et non-croyants, lors de soirées conviviales.
À chaque fois, ou presque, le succès est au rendez-vous. À tel point que l’on peut se demander s’ils ne sont pas devenus l’alpha et l’oméga de l’évangélisation de l’Église de France. D’autant plus que tous les diocèses, à des degrés divers, sont confrontés à la même question lancinante : comment annoncer l’Évangile alors que les communautés sont vieillissantes et les prêtres moins nombreux ?
« Je n’ai pas trouvé de meilleur outil »
La méthode Alpha, résolument tournée vers l’extérieur de l’Église, infuse en France depuis vingt ans. Elle possède de fervents partisans, à l’instar du père Stéphan Janssens, responsable du secteur missionnaire du Beauvaisis (Oise) et membre du conseil épiscopal. « En vingt ans de ministère, je n’ai pas trouvé de meilleur outil pour renouveler une paroisse, observe celui qui a accompagné de nombreux parcours. Ce n’est pas le seul et unique, mais force est de constater que les fruits sont impressionnants si Alpha est mis à la juste place. »
Certaines paroisses ont même fait des parcours Alpha le cœur de leur projet, comme celle de Saint-Nizier, dans le 2e arrondissement de Lyon, confiée à l’Emmanuel. Le curé, le père Hugues Jeanson, raconte volontiers l’influence du père James Mallon, ce prêtre canadien, « apôtre » du renouveau missionnaire à partir des parcours Alpha.
Les prêtres découvrent les techniques de management
« J’ai appelé tous les paroissiens à suivre le parcours, non sans susciter quelques résistances », confie-t-il, constatant que cette proposition attire « de nouvelles têtes ». « Ils sont aussi invités à adopter une culture de l’invitation au-delà du cercle des pratiquants réguliers. » Avec conviction et sans langue de bois, le père Jeanson pointe une « question de vie ou de mort » : « Soit nous changeons, soit nous disparaissons. »
Alors, les parcours Alpha seraient-ils la recette incontournable pour l’évangélisation et la transformation des paroisses ? Le père Éric Poinsot, vicaire général du diocèse de Besançon, qui a clôturé l’an passé son synode « vers une Église disciple-missionnaire », loue des « approches complémentaires ». « Alpha possède un vrai savoir-faire, mais il existe plusieurs manières de faire, assure-t-il. D’autres mouvements existent, comme l’Action catholique, bien présente dans notre diocèse, ou le MRJC, par exemple. »
Sans promotion ni remise en cause, Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre, souligne, lui, qu’« Alpha n’est pas le tout de la vie de l’Église » et qu’« on ne peut pas vouloir le généraliser partout ». Le réveil missionnaire, appelé par le pape François, ne passe donc pas toujours par les parcours Alpha.
« Un changement de culture »
Mais l’association participe aussi à façonner l’Église de demain grâce à sa formation destinée aux prêtres, baptisée « Des pasteurs selon mon cœur ». Depuis sa création en 2011, avant une collaboration avec Talenthéo – un réseau de coachs chrétiens –, déjà, près d’un millier de prêtres et une trentaine d’évêques ont été formés à la gouvernance.
Plusieurs évêques ont invité leurs prêtres à suivre cette formation qui traite de sujets peu ou pas abordés au séminaire, comme le management. Son leitmotiv : donner les outils aux prêtres pour « passer d’une pastorale de conservation à une pastorale missionnaire ». Elle attire sans doute plus facilement des prêtres de sensibilité charismatique mais touche désormais bien au-delà. Le père Gérard Pitel, du diocèse de Bayeux, l’a fait il y a cinq ans : il avait alors 70 ans, et avait été « marqué par la diversité des prêtres ».
Et, pour aller plus loin, Alpha propose également un suivi des paroisses qui veulent bousculer leur organisation. « Grâce à une équipe d’une cinquantaine de bénévoles, nous accompagnons près de 100 paroisses, se félicite Anne-France de Boissière, directrice de la formation et de la transformation pastorale chez Alpha. Nous ne disons pas que nous façonnons l’Église de demain mais nous contribuons, avec nos moyens, à un changement de culture. »
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« Un investissement formidable pour l’avenir de l’Église »
Pierrick Levesque, délégué général d’Alpha France
« La mission d’Alpha est d’équiper et de servir l’Église dans sa mission de faire connaître Jésus. Nous ne sommes qu’un outil qui n’a pas d’autre vocation. En 2019, nous avons recensé 1 800 parcours dont 75 % dans l’Église catholique, soit entre 20 000 et 30 000 personnes touchées, auxquelles s’ajoute le même nombre de bénévoles investis dans les parcours. Ce succès s’explique par sa recette toute simple : un temps de convivialité, un enseignement puis un échange. Nous sommes convaincus que cela constitue un investissement formidable pour l’avenir de l’Église. Nous avons rencontré en novembre, le président de la Conférence des évêques de France, Mgr Éric de Moulins-Beaufort. Nous sommes ressortis avec l’encouragement à poursuivre. »