Nous reproduisons ici la conclusion du livre «L’évangélisation durable» de Franck Segonne.
Une évangélisation est durable dès lors qu’elle est réfléchie dans une perspective à long terme et qu’elle intègre les contraintes liées à la souveraineté de Dieu, au mandat missionnaire, au rôle du témoin et à l’accueil de celui qui entend l’Évangile.
Une perspective à long terme
La conception classique de l’évangélisation se concentre sur l’annonce de l’Évangile et la conversion. Une telle conception néglige une étape indispensable qui consiste à préparer le cœur de celui qui va recevoir la semence (certains considèrent cette étape comme de la « pré-évangélisation »). Elle occulte également une autre étape importante qui consiste à accompagner le jeune disciple après sa nouvelle naissance pour qu’il croisse en maturité (foi et obéissance) et s’intègre dans le corps de Christ (certains considèrent cette étape comme du « discipulat »). Dès lors que nous envisageons l’évangélisation comme un processus qui consiste à labourer, semer et récolter (l’arrosage par la prière étant présent à chaque étape), nous favorisons une croissance saine visant l’autonomie spirituelle et la multiplication des disciples. Cette contrainte nous pousse à réfléchir aux différentes étapes du processus d’évangélisation et à trouver notre place dans la chaîne du salut. En considérant que l’évangélisation est un travail collectif qui s’inscrit dans la durée, nous évitons le piège de l’urgence et permettons à chaque disciple, conscient de son tempérament, de ses dons et de ses limites, de participer pleinement à la grande mission.
La souveraineté de Dieu
L’évangélisation est possible parce que Dieu est à l’œuvre. Le Saint-Esprit est le principal acteur de l’évangélisation. Sans lui, tous nos efforts sont vains. C’est lui qui œuvre discrètement, mais efficacement dans les cœurs pour amener les gens à une compréhension spirituelle de l’Évangile, à une repentance et une foi salutaire. C’est Dieu qui attire, appelle, convainc, ouvre le cœur des non-chrétiens à la foi, leur accorde la repentance afin qu’ils arrivent à la connaissance de la vérité et croient sincèrement. Dès lors que nous intégrons la souveraineté de Dieu dans l’évangélisation, nous évitons de tomber dans l’écueil des croisades ou des dragonnades, tristes contraintes infligées par les hommes pour adhérer à une religion (évangélique en ce qui nous concerne). Nous labourons, semons et récoltons ce que le Seigneur fait croître. La souveraineté de Dieu nous décharge d’un poids de culpabilité, car le salut ne dépend ni de nos performances, ni de nos techniques d’évangélisation. Elle nous préserve également d’une évangélisation « marketing » qui consiste à séduire des gens pour les faire adhérer commercialement à une foi bon marché au lieu d’une foi aimante, vivante et authentique. Enfin, elle nous préserve de toute vantardise car le fruit de notre évangélisation ne dépend pas d’une personne ou d’une action isolée, mais de nombreux maillons ou facteurs que Dieu a placés sur le chemin des non-chrétiens en recherche.
Le mandat missionnaire
En survolant le NT, nous avons découvert que l’évangélisation n’est pas une finalité mais une étape dans un mandat plus global. La mission qui est confiée à l’Église ne se limite pas à amener des gens à la conversion, mais elle consiste à former des disciples qui aiment passionnément Jésus et obéissent avec foi à sa parole révélée. Le peu d’exhortations à évangéliser dans le NT nous a conduits à réfléchir aux motivations qui ont poussé les apôtres et les premiers chrétiens à évangéliser malgré un contexte de persécution. Notre enquête nous a permis de découvrir que l’évangélisation est inscrite dans l’ADN d’un disciple, indépendamment de ses dons. Elle découle de sa nouvelle identité spirituelle qui est elle-même générée par la nouvelle naissance. Ainsi, l’évangélisation est le fruit naturel d’un disciple connecté organiquement à l’Esprit saint. C’est un mode de vie plus qu’une activité programmée. Elle résulte de notre compréhension de l’amour de Dieu, de notre reconnaissance, de notre foi, du privilège d’échapper à la perdition éternelle (l’enfer) et de notre capacité surnaturelle à témoigner de notre foi aux non-chrétiens.
Le rôle du témoin
L’évangélisation est principalement motivée par l’amour et la souveraineté de Dieu. Pour autant, cela n’occulte pas notre responsabilité de parler et d’agir en son nom. Dans sa souveraineté, Dieu a choisi l’Église, un outil imparfait, pour sauver l’humanité. Il désire utiliser nos paroles, nos prières, notre conduite et nos œuvres pour toucher le cœur des non-chrétiens. Dans ce sens, les croyants ont la responsabilité d’être des témoins dignes, pas parfaits mais irréprochables, en ce qu’ils savent reconnaître leurs fautes et leurs manquements. Des témoins pertinents, qui sont conscients des freins qui existent, ceux-là mêmes qui empêchent nos contemporains d’accueillir la Bonne Nouvelle, mais qui sont soucieux de tout mettre en œuvre pour aimer au mieux leurs compatriotes. C’est Dieu qui nous qualifie pour être ses ambassadeurs dès notre nouvelle naissance. Notre rôle est d’incarner ce que nous sommes devenus en Christ. En tant que « réconciliateurs », il nous revient également de bâtir des ponts avec les non-chrétiens afin qu’ils se réconcilient avec leur créateur. C’est à nous de les rejoindre là où ils se trouvent. Comme l’Évangile sera toujours une folie pour ceux qui périssent, et qu’aujourd’hui, bien souvent les gens rejettent le fond à cause de la forme, nous devons faire notre maximum pour que la forme ne rebute pas les gens mais qu’elle donne plutôt envie de connaître le fond. Nous devons faire l’effort de comprendre leurs paradigmes, leurs valeurs et leurs limites pour leur présenter un message rédempteur et non moralisateur. Si nous sommes convaincus que l’Évangile est la réponse à la plupart des maux et besoins de l’humanité, nous devons adapter notre message (la forme) sans en diluer la substance (le fond). Notre défi est de taille mais il est possible grâce à l’assistance de l’Esprit saint.
L’accueil de celui qui entend l’Évangile
Les statistiques récentes nous amènent à considérer l’invitation personnelle, l’accueil chaleureux et la prédication de l’Évangile comme des éléments incontournables d’une évangélisation fructueuse. Sociologiquement, il peut y avoir un élément déclencheur de la conversion, mais il apparaît que c’est une somme d’éléments concordants qui amène une personne à choisir de suivre le Christ et à s’intégrer à son corps. Bien que l’évangélisation soit de la responsabilité individuelle de chaque disciple, l’Église, en tant que communauté, peut faciliter l’évangélisation durable en développant un écosystème de discipulat, en formant les disciples avec des outils reproductibles, en reconnaissant les plus doués et en libérant des leaders formateurs. Comme le souligne Daniel Liberek : « Aucun élément ne doit être négligé car ils contribuent tous à une évangélisation aboutie. Si l’ADN de l’Église reflète le souci de l’évangélisation alors tout dans l’Église doit exprimer cet ADN. » Toutes nos activités, tous nos programmes, toute notre vie.
À l’instar de l’apôtre Paul dans l’épître aux Romains, je vous exhorte donc, frères et sœurs, à cause de cette immense bonté de Dieu, à lui offrir votre corps comme un sacrifice vivant, saint et qui plaise à Dieu. Ce sera de votre part un culte raisonnable [logique]. Dieu nous a offert un salut si précieux qu’il est incommensurable. Quoi de plus normal que de lui être reconnaissant en vivant chaque instant qui passe pour la Gloire de son nom.
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