[size=33]Damon - Rémunérer les donneurs de sang, quelle bonne idée ![/size]
Par Julien Damon
Publié le 27/08/2018 à 07:00 | Le Point.fr
Idée. Il s'agit d'un vieux sujet de discussion, au comptoir comme dans les colloques de philosophie morale. Faut-il rémunérer les personnes qui acceptent que soit prélevé un peu de leur sang ? La position française, dans un pays tétanisé par le scandale du sang contaminé, consiste à mettre en avant les arguments en défaveur d'une telle rémunération. Celle-ci, au-delà d'être immorale, serait perverse. Elle conduirait à des prises de risque et à des agissements douteux. Elle pousserait les moins favorisés à davantage accepter un prélèvement, pour un peu d'argent. Pis, elle inciterait les donateurs généreux et désintéressés à ne plus participer à des opérations devenues, grossièrement, intéressées. Nombre d'économistes et de sociologues ont ainsi souligné que la compensation monétaire d'un acte gratuit pouvait engendrer une raréfaction des donateurs. Les individus, issus de toutes les classes sociales, pourraient craindre que leur contribution ne soit désormais interprétée comme un signe de cupidité, plutôt que de générosité. Tous ces arguments nourrissent de solides controverses sur les mérites respectifs de l'éthique et du marché. Et ce, depuis environ deux siècles, c'est-à-dire depuis que la transfusion entre humains a été rendue possible.
Lire aussi Don de sang : comment transformer le geste émotionnel en habitude
Mode d'emploi. Le sang et, plus précisément, le plasma sont devenus des ingrédients essentiels pour les sciences médicales et les avancées pharmaceutiques. Ces matériaux de base sont, eux, devenus les produits d'un commerce florissant pour les pays exportateurs, au premier rang desquels les États-Unis. Ce sont les pays qui rémunèrent les gens pour un peu de leur plasma qui forment les principales puissances du sang. En Europe, on trouve l'Allemagne et la Hongrie. La France et la Belgique sont de gros importateurs. Le débat sur le « business du sang » fait rage au Canada. La morale réprouve probablement que des donneurs deviennent des vendeurs. Mais aucun des arguments critiques n'a vraiment été intégralement validé. Surtout, chaque pays doit tout faire pour ne pas risquer de pénurie. Alors, pourquoi ne pas faire un pas ? L'option ne consisterait pas à monnayer tout don du sang, mais à rétribuer les personnes spécifiquement pour le plasma. Le bénévolat demeurerait pour les transfusions sanguines ; la rémunération se testerait pour le plasma sanguin et les profits des laboratoires pharmaceutiques. L'orientation ne mène nullement à un État Dracula. D'abord, car, rappelons-le, Dracula ne payait pas.
[size=33]Pour inciter de plus en plus de personnes à donner leur sang, Julien Damon préconise de rémunérer cet acte. Sous certaines conditions.[/size]
Par Julien Damon
Publié le 27/08/2018 à 07:00 | Le Point.fr
Idée. Il s'agit d'un vieux sujet de discussion, au comptoir comme dans les colloques de philosophie morale. Faut-il rémunérer les personnes qui acceptent que soit prélevé un peu de leur sang ? La position française, dans un pays tétanisé par le scandale du sang contaminé, consiste à mettre en avant les arguments en défaveur d'une telle rémunération. Celle-ci, au-delà d'être immorale, serait perverse. Elle conduirait à des prises de risque et à des agissements douteux. Elle pousserait les moins favorisés à davantage accepter un prélèvement, pour un peu d'argent. Pis, elle inciterait les donateurs généreux et désintéressés à ne plus participer à des opérations devenues, grossièrement, intéressées. Nombre d'économistes et de sociologues ont ainsi souligné que la compensation monétaire d'un acte gratuit pouvait engendrer une raréfaction des donateurs. Les individus, issus de toutes les classes sociales, pourraient craindre que leur contribution ne soit désormais interprétée comme un signe de cupidité, plutôt que de générosité. Tous ces arguments nourrissent de solides controverses sur les mérites respectifs de l'éthique et du marché. Et ce, depuis environ deux siècles, c'est-à-dire depuis que la transfusion entre humains a été rendue possible.
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Mode d'emploi. Le sang et, plus précisément, le plasma sont devenus des ingrédients essentiels pour les sciences médicales et les avancées pharmaceutiques. Ces matériaux de base sont, eux, devenus les produits d'un commerce florissant pour les pays exportateurs, au premier rang desquels les États-Unis. Ce sont les pays qui rémunèrent les gens pour un peu de leur plasma qui forment les principales puissances du sang. En Europe, on trouve l'Allemagne et la Hongrie. La France et la Belgique sont de gros importateurs. Le débat sur le « business du sang » fait rage au Canada. La morale réprouve probablement que des donneurs deviennent des vendeurs. Mais aucun des arguments critiques n'a vraiment été intégralement validé. Surtout, chaque pays doit tout faire pour ne pas risquer de pénurie. Alors, pourquoi ne pas faire un pas ? L'option ne consisterait pas à monnayer tout don du sang, mais à rétribuer les personnes spécifiquement pour le plasma. Le bénévolat demeurerait pour les transfusions sanguines ; la rémunération se testerait pour le plasma sanguin et les profits des laboratoires pharmaceutiques. L'orientation ne mène nullement à un État Dracula. D'abord, car, rappelons-le, Dracula ne payait pas.