En pleine “crise de confiance“, l'Eglise d'Irlande se prépare à accueillir le pape
Publié le 21/08/2018 à 14h48 - Modifié le 21/08/2018 à 15h48Propos recueillis par Sophie Lebrun
ServizioFotograficoOR/CPP/CIRIC
Attendu en Irlande les 25 et 26 août, le pape doit intervenir à la fin de la Rencontre mondiale des familles, qui débute le 22 août à Dublin. Prévue de longue date, cette visite s’inscrit dans un climat tendu pour les catholiques irlandais. En juin dernier, ils s’étaient mobilisés – sans succès – pour conserver un amendement dans leur Constitution interdisant l’avortement. Sécularisme grandissant, remise en cause du modèle familial, mais aussi perte de confiance envers l’Église, en Irlande et de par le monde, font de ce voyage un déplacement à forts enjeux pour François. Après la démission de plusieurs évêques américain, australien et chiliens, ainsi qu’un rapport accablant pour la hiérarchie de l’Église américaine, accusée d’avoir couvert des abus sexuels, nul doute que les propos du pape autour de la lutte contre la pédophilie seront scrutés à la loupe dans ce pays lui aussi secoué par les scandales depuis 10 ans. Décryptage avec Eamon Martin, archevêque d’Armagh et primat d’Irlande.
Qu’attendez-vous de cette visite du pape en Irlande ?
Nous sommes d’abord très contents de l’accueillir pour la première fois. La précédente venue d’un pape date d’il y a 40 ans. J’avais moi-même 18 ans quand Jean Paul II est venu en Irlande en 1979, et je me le rappelle encore ! Nous espérons que sa visite raffermira l’Église d’Irlande, qui fait face à de nombreux défis dans un pays où il n’est pas toujours facile de se dire catholique. Nous attendons de lui des paroles fortes, notamment sur l’importance de la famille dans la société. Non pas pour affirmer un modèle de « famille parfaite » – cela n’existe pas, et nous le savons bien –, mais pour rappeler la vérité et la joie de l’enseignement catholique, celui-là même qui inclut le devoir d’accueillir toute personne.
(...)
Néanmoins, sur de nombreux sujets, la parole de l’Église est remise en cause. Ressentez-vous une crise de confiance ?
Tout à fait. Cette crise de confiance vient particulièrement des abus perpétrés dans le passé – des actes honteux pour notre Église. Ces prêtres, ces religieux, ces instituts catholiques ont trahi la confiance des Irlandais. Nous vivons aujourd’hui avec cette trahison, dont nous porterons le poids encore pendant des décennies, je pense. Car la vérité est que nous sommes malheureusement, en tant qu’Église d’Irlande, coupables des mêmes crimes qui sont aujourd’hui révélés dans d’autres pays – aux États-Unis, en Europe et ailleurs. Non seulement des horribles abus ont été commis, mais quand des voix s’élevaient pour en parler, elles n’étaient pas écoutées. Le désir de préserver l’Église du scandale, la volonté de faire silence sur ces abus, de régler le problème en interne… Ce sont aussi nos erreurs, nos crimes et nos péchés, ceux dont nous héritons du passé.
(...)
Le pape écrit au « peuple de Dieu »
Dans une lettre publiée le 20 août, le pape appelle le « peuple de Dieu » à « l’exercice pénitentiel de la prière et du jeûne », « pour réveiller notre conscience, notre solidarité et notre engagement en faveur d’une culture de la protection et du “jamais plus” à tout type et forme d’abus ». Après avoir la démission de deux évêques impliqués dans des scandales de couverture ou d’abus (l’Australien Philip Wilson et le cardinal américain Theodore McCarrick), et surtout après la publication le 14 août d’un rapport sur les abus sexuels dans l’Église catholique en Pennsylvanie (États-Unis) et sur le rôle de la hiérarchie pour « éviter le scandale » des révélations, François estime que le « cri » des victimes « a été plus fort que toutes les mesures qui ont entendu le réprimer ». Appelant chaque baptisé à s’engager « dans la transformation ecclésiale et sociale », il a de nouveau fustigé le « cléricalisme » , sans toutefois faire de nouvelles annonces.
Publié le 21/08/2018 à 14h48 - Modifié le 21/08/2018 à 15h48Propos recueillis par Sophie Lebrun
ServizioFotograficoOR/CPP/CIRIC
Se préparant à accueillir le pape, l’archevêque d’Armagh revient sur la place du modèle catholique dans une société en pleine sécularisation.
Attendu en Irlande les 25 et 26 août, le pape doit intervenir à la fin de la Rencontre mondiale des familles, qui débute le 22 août à Dublin. Prévue de longue date, cette visite s’inscrit dans un climat tendu pour les catholiques irlandais. En juin dernier, ils s’étaient mobilisés – sans succès – pour conserver un amendement dans leur Constitution interdisant l’avortement. Sécularisme grandissant, remise en cause du modèle familial, mais aussi perte de confiance envers l’Église, en Irlande et de par le monde, font de ce voyage un déplacement à forts enjeux pour François. Après la démission de plusieurs évêques américain, australien et chiliens, ainsi qu’un rapport accablant pour la hiérarchie de l’Église américaine, accusée d’avoir couvert des abus sexuels, nul doute que les propos du pape autour de la lutte contre la pédophilie seront scrutés à la loupe dans ce pays lui aussi secoué par les scandales depuis 10 ans. Décryptage avec Eamon Martin, archevêque d’Armagh et primat d’Irlande.
Qu’attendez-vous de cette visite du pape en Irlande ?
Nous sommes d’abord très contents de l’accueillir pour la première fois. La précédente venue d’un pape date d’il y a 40 ans. J’avais moi-même 18 ans quand Jean Paul II est venu en Irlande en 1979, et je me le rappelle encore ! Nous espérons que sa visite raffermira l’Église d’Irlande, qui fait face à de nombreux défis dans un pays où il n’est pas toujours facile de se dire catholique. Nous attendons de lui des paroles fortes, notamment sur l’importance de la famille dans la société. Non pas pour affirmer un modèle de « famille parfaite » – cela n’existe pas, et nous le savons bien –, mais pour rappeler la vérité et la joie de l’enseignement catholique, celui-là même qui inclut le devoir d’accueillir toute personne.
(...)
Néanmoins, sur de nombreux sujets, la parole de l’Église est remise en cause. Ressentez-vous une crise de confiance ?
Tout à fait. Cette crise de confiance vient particulièrement des abus perpétrés dans le passé – des actes honteux pour notre Église. Ces prêtres, ces religieux, ces instituts catholiques ont trahi la confiance des Irlandais. Nous vivons aujourd’hui avec cette trahison, dont nous porterons le poids encore pendant des décennies, je pense. Car la vérité est que nous sommes malheureusement, en tant qu’Église d’Irlande, coupables des mêmes crimes qui sont aujourd’hui révélés dans d’autres pays – aux États-Unis, en Europe et ailleurs. Non seulement des horribles abus ont été commis, mais quand des voix s’élevaient pour en parler, elles n’étaient pas écoutées. Le désir de préserver l’Église du scandale, la volonté de faire silence sur ces abus, de régler le problème en interne… Ce sont aussi nos erreurs, nos crimes et nos péchés, ceux dont nous héritons du passé.
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Le pape écrit au « peuple de Dieu »
Dans une lettre publiée le 20 août, le pape appelle le « peuple de Dieu » à « l’exercice pénitentiel de la prière et du jeûne », « pour réveiller notre conscience, notre solidarité et notre engagement en faveur d’une culture de la protection et du “jamais plus” à tout type et forme d’abus ». Après avoir la démission de deux évêques impliqués dans des scandales de couverture ou d’abus (l’Australien Philip Wilson et le cardinal américain Theodore McCarrick), et surtout après la publication le 14 août d’un rapport sur les abus sexuels dans l’Église catholique en Pennsylvanie (États-Unis) et sur le rôle de la hiérarchie pour « éviter le scandale » des révélations, François estime que le « cri » des victimes « a été plus fort que toutes les mesures qui ont entendu le réprimer ». Appelant chaque baptisé à s’engager « dans la transformation ecclésiale et sociale », il a de nouveau fustigé le « cléricalisme » , sans toutefois faire de nouvelles annonces.