[size=62]La bienveillance, cette part d'altruisme qui est en nous[/size]
Par Ursula Gauthier
Publié le 20 juillet 2018 à 18h06
[size=33]SUR LE MÊME SUJET
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"Le pape, combien de divisions ?" On se souvient de la sardonique question rhétorique proférée par Staline en 1935. Ses héritiers seront peut-être tentés de réagir à notre couverture par une interrogation du même acabit : "Le dalaï-lama, combien de divisions ?" Les cyniques, les pessimistes, les broyeurs de noir du monde entier, qui se délectent de réduire l’homme à sa part d’égoïsme, pourraient eux aussi saisir l’occasion de se gausser : "La bienveillance, combien de divisions ?"
À quoi nous répondons que oui, la bienveillance est une force. Que l’homme que nous avons mis en couverture parce qu’il représente la quintessence de la bénévolence est fort – même s’il ne possède pas l’ombre d’une division, qu’il vit en proscrit et que son peuple est asservi. Nous répondons que oui, la compassion dont le dalaï-lama a fait le socle de son enseignement est une force.
Dissipons un possible malentendu. La bienveillance dont nous parlons dans ce numéro n’est pas une prescription religieuse. Ni une règle morale démodée. Ni un idéal personnel d’autant plus inaccessible qu’il plane au-dessus d’un monde en proie au tumulte.
La bienveillance que nous abordons ici est une force à l’œuvre depuis l’origine de notre espèce, et dont s’est nourri le processus d’hominisation qui nous a constitués. C’est une morale naturelle dans laquelle nous baignons depuis si longtemps qu’elle s’est imprimée au cœur de nos conduites instinctuelles et de nos inclinations inconscientes. C’est une dimension indissociable de notre socialité qu’elle a contribué à faire émerger et qui ne cesse de l’alimenter en retour. C’est une énergie mystérieuse, qui nous met au diapason des bêtes que nous aimons et qui nous aiment.
Après quelques siècles où a triomphé une vision tronquée, appauvrissante et au total fausse de l’humain, les sciences découvrent depuis une vingtaine d’années ce vaste champ d’études. La psychologie expérimentale, la psychologie comparée, les neurosciences, l’anthropologie, la paléontologie etc., sont aux avant-postes de cette exploration. Elles ont produit un énorme corpus de connaissances qui bouleversent notre conception de nous mêmes. Si l’on cherche une synthèse complète de celles-ci, l’ouvrage de Matthieu Ricard "Plaidoyer pour l’altruisme" (NiL, 2013) est sans équivalent.
Non, nous ne sommes pas issus de millions d’années de sauvagerie et de brutalité. Nous sommes les héritiers de proto-humains puis d’humains qui ont inventé la solidarité, la confiance, l’attachement et l’amour. Même l’économie, pourtant traditionnellement assez peu tentée par la générosité, découvre les vertus d’approches délivrées du diktat du pur intérêt.
Ce regard renouvelé sur notre vraie nature ne cherche pas à nier l’égoïsme foncier des animaux qui nous ont précédés et qui se sont conformés aux exigences de la sélection naturelle. Mais dans le cas de l’être humain, ces mécanismes implacables ont aussi coopté des qualités sublimes : le goût d’autrui, l’envie instinctuelle d’aider, l’aptitude à comprendre le monde intérieur de l’autre. Ces qualités font partie de notre dotation, de notre définition. Nous pouvons les nourrir ou les ignorer. C’est en elles que résident les solutions aux dilemmes de notre temps.
Quel est ce sentiment qui nous donne le goût des autres ? Une morale naturelle dans laquelle nous baignons depuis si longtemps qu’elle s’est imprimée au cœur de nos conduites instinctuelles et de nos inclinations inconscientes.
Par Ursula Gauthier
Publié le 20 juillet 2018 à 18h06
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La méditation, ce n'est pas ce que vous croyez
Matthieu Ricard : "La méditation est tout sauf un repli sur soi"
"Le pape, combien de divisions ?" On se souvient de la sardonique question rhétorique proférée par Staline en 1935. Ses héritiers seront peut-être tentés de réagir à notre couverture par une interrogation du même acabit : "Le dalaï-lama, combien de divisions ?" Les cyniques, les pessimistes, les broyeurs de noir du monde entier, qui se délectent de réduire l’homme à sa part d’égoïsme, pourraient eux aussi saisir l’occasion de se gausser : "La bienveillance, combien de divisions ?"
À quoi nous répondons que oui, la bienveillance est une force. Que l’homme que nous avons mis en couverture parce qu’il représente la quintessence de la bénévolence est fort – même s’il ne possède pas l’ombre d’une division, qu’il vit en proscrit et que son peuple est asservi. Nous répondons que oui, la compassion dont le dalaï-lama a fait le socle de son enseignement est une force.
Dissipons un possible malentendu. La bienveillance dont nous parlons dans ce numéro n’est pas une prescription religieuse. Ni une règle morale démodée. Ni un idéal personnel d’autant plus inaccessible qu’il plane au-dessus d’un monde en proie au tumulte.
La bienveillance que nous abordons ici est une force à l’œuvre depuis l’origine de notre espèce, et dont s’est nourri le processus d’hominisation qui nous a constitués. C’est une morale naturelle dans laquelle nous baignons depuis si longtemps qu’elle s’est imprimée au cœur de nos conduites instinctuelles et de nos inclinations inconscientes. C’est une dimension indissociable de notre socialité qu’elle a contribué à faire émerger et qui ne cesse de l’alimenter en retour. C’est une énergie mystérieuse, qui nous met au diapason des bêtes que nous aimons et qui nous aiment.
Après quelques siècles où a triomphé une vision tronquée, appauvrissante et au total fausse de l’humain, les sciences découvrent depuis une vingtaine d’années ce vaste champ d’études. La psychologie expérimentale, la psychologie comparée, les neurosciences, l’anthropologie, la paléontologie etc., sont aux avant-postes de cette exploration. Elles ont produit un énorme corpus de connaissances qui bouleversent notre conception de nous mêmes. Si l’on cherche une synthèse complète de celles-ci, l’ouvrage de Matthieu Ricard "Plaidoyer pour l’altruisme" (NiL, 2013) est sans équivalent.
Non, nous ne sommes pas issus de millions d’années de sauvagerie et de brutalité. Nous sommes les héritiers de proto-humains puis d’humains qui ont inventé la solidarité, la confiance, l’attachement et l’amour. Même l’économie, pourtant traditionnellement assez peu tentée par la générosité, découvre les vertus d’approches délivrées du diktat du pur intérêt.
Ce regard renouvelé sur notre vraie nature ne cherche pas à nier l’égoïsme foncier des animaux qui nous ont précédés et qui se sont conformés aux exigences de la sélection naturelle. Mais dans le cas de l’être humain, ces mécanismes implacables ont aussi coopté des qualités sublimes : le goût d’autrui, l’envie instinctuelle d’aider, l’aptitude à comprendre le monde intérieur de l’autre. Ces qualités font partie de notre dotation, de notre définition. Nous pouvons les nourrir ou les ignorer. C’est en elles que résident les solutions aux dilemmes de notre temps.