Fédérations, Églises, Unions et Œuvres : la galaxie protestante
PHILIPPE CLANCHÉ publié le 19/10/2017
Vouloir observer le protestantisme en France oblige à bien manier les pluriels. Ici, tradition rime avec diversité et création, avec une culture d'union et de fédération. Longtemps seule à porter l'étendard des enfants de la Réforme, la Fédération protestante de France (FPF) partage cette place avec le Conseil national des Évangéliques de France (Cnef), en gestation depuis 2003 et en ordre de marche depuis 2010. Les deux accueillent des Églises ou unions d’Églises, ainsi que des œuvres ou associations. Et la double appartenance est possible ! Plusieurs communautés évangéliques, déjà membre de la FPF – la Fédération évangélique baptiste depuis 1916 (!) par exemple – ont rejoint naturellement le Cnef.
Le protestantisme au féminin : six portraits
Curieusement, l'Église Hillsong, mouvement évangélique né en Australie qui connaît un succès certain en France, a fait son entrée à la FPF sans être encore adoubée par le Cnef. C'est que ce dernier en effet, « n'accepte que des unions d'Églises comptant au moins cinq lieux de culte », explique Romain Choisnet, directeur de la communication. Or, notre pays n'abritait l'an passé que quatre implantations à Lyon, Marseille, Massy et Paris (au Théâtre Bobino !). Un deuxième rendez-vous parisien hebdomadaire peut permettre à cette Église d'expression anglophone de tenter sa chance auprès du Cnef. À condition de s'insérer dans le cadre établi par la fédération évangélique, très regardante sur le discours et les pratiques des candidats. Il s'agit de gagner aussi la bataille de l'opinion quand le terme « évangélique » n'est pas toujours perçu comme rassurant, et de montrer patte blanche auprès des élus locaux, qui voient les implantations se multiplier dans l'hexagone.
Cette exigence est moindre à la FPF, qui demande à ses membres de se sentir « appelés et liés par l’Évangile tel qu'en témoignent les Écritures » et de reconnaître « comme centrale l'annonce du salut par la grâce, reçu par la foi seule ». Un cadre théologique minimal qui permet de voir se côtoyer les adeptes du courant libéral avec des charismatiques pentecôtistes.
Fédération protestante de France : l'histoire d'une exception française
Cette élasticité maximum, qui évite les débats difficiles, peut poser problème. Ce fut le cas en mai 2015, lorsque l'autorisation (1) de la bénédiction de couples mariés de même sexe a été votée par le synode de l’Église protestante unie de France (2). Du fait de la prééminence historique de celle-ci, certains y ont vu, la déplorant, une acquiescement de la part de FPF, pourtant silencieuse sur le moment. La crise a été sévère au point que certaines Églises ont claqué la porte et que des unions se sont déchirées en interne sur la décision d'en faire de même, comme la Fédération baptiste.
« Des groupes, hier minoritaires, sont plus forts désormais. La diversité est plus visible », explique Valérie Duval-Poujol, baptiste, qui préside la commission œcuménique de la FPF. Elle a dirigé un audit interne sur la Fédération qui pointe, sans concession, les difficultés de celle-ci, après la crise de 2015 (3). « La FPF a toujours été une instance de coopération ainsi qu'un mouvement vers une communion ecclésiale. Si le curseur est orienté davantage vers le premier aspect, on ne renonce pas à l'autre. Plutôt que de nier nos tensions, nous devons apprendre à vivre avec. » Ainsi l'accueil mutuel lors de la Sainte Cène, jadis vu comme un préalable pour intégrer la Fédération, est désormais présenté comme une simple invitation.
La place des œuvres
Le monde protestant existe aussi par son versant associatif. Les œuvres pèsent statutairement dans la gouvernance des deux institutions. « Le message des Églises n'a de sens que s'il est accompagné par une action sociale. Notre réflexion doit porter sur ses deux pieds », affirme Jean-Daniel Roque, secrétaire du Conseil de la FPF. Si pour l'heure sont représentées au Conseil les grosses structures (Cimade, Entraide protestante), une évolution s'annonce. « Nous avons proposé une place à A Rocha, association agissant dans le champ de l’écologie, plutôt d'inspiration évangélique, récemment entrée à la Fédération », indique-t-il.
http://www.lavie.fr/religion/protestantisme/federations-eglises-unions-et-oeuvres-la-galaxie-protestante-19-10-2017-85610_18.php
PHILIPPE CLANCHÉ publié le 19/10/2017
Vouloir observer le protestantisme en France oblige à bien manier les pluriels. Ici, tradition rime avec diversité et création, avec une culture d'union et de fédération. Longtemps seule à porter l'étendard des enfants de la Réforme, la Fédération protestante de France (FPF) partage cette place avec le Conseil national des Évangéliques de France (Cnef), en gestation depuis 2003 et en ordre de marche depuis 2010. Les deux accueillent des Églises ou unions d’Églises, ainsi que des œuvres ou associations. Et la double appartenance est possible ! Plusieurs communautés évangéliques, déjà membre de la FPF – la Fédération évangélique baptiste depuis 1916 (!) par exemple – ont rejoint naturellement le Cnef.
Le protestantisme au féminin : six portraits
Curieusement, l'Église Hillsong, mouvement évangélique né en Australie qui connaît un succès certain en France, a fait son entrée à la FPF sans être encore adoubée par le Cnef. C'est que ce dernier en effet, « n'accepte que des unions d'Églises comptant au moins cinq lieux de culte », explique Romain Choisnet, directeur de la communication. Or, notre pays n'abritait l'an passé que quatre implantations à Lyon, Marseille, Massy et Paris (au Théâtre Bobino !). Un deuxième rendez-vous parisien hebdomadaire peut permettre à cette Église d'expression anglophone de tenter sa chance auprès du Cnef. À condition de s'insérer dans le cadre établi par la fédération évangélique, très regardante sur le discours et les pratiques des candidats. Il s'agit de gagner aussi la bataille de l'opinion quand le terme « évangélique » n'est pas toujours perçu comme rassurant, et de montrer patte blanche auprès des élus locaux, qui voient les implantations se multiplier dans l'hexagone.
Cette exigence est moindre à la FPF, qui demande à ses membres de se sentir « appelés et liés par l’Évangile tel qu'en témoignent les Écritures » et de reconnaître « comme centrale l'annonce du salut par la grâce, reçu par la foi seule ». Un cadre théologique minimal qui permet de voir se côtoyer les adeptes du courant libéral avec des charismatiques pentecôtistes.
Fédération protestante de France : l'histoire d'une exception française
Cette élasticité maximum, qui évite les débats difficiles, peut poser problème. Ce fut le cas en mai 2015, lorsque l'autorisation (1) de la bénédiction de couples mariés de même sexe a été votée par le synode de l’Église protestante unie de France (2). Du fait de la prééminence historique de celle-ci, certains y ont vu, la déplorant, une acquiescement de la part de FPF, pourtant silencieuse sur le moment. La crise a été sévère au point que certaines Églises ont claqué la porte et que des unions se sont déchirées en interne sur la décision d'en faire de même, comme la Fédération baptiste.
« Des groupes, hier minoritaires, sont plus forts désormais. La diversité est plus visible », explique Valérie Duval-Poujol, baptiste, qui préside la commission œcuménique de la FPF. Elle a dirigé un audit interne sur la Fédération qui pointe, sans concession, les difficultés de celle-ci, après la crise de 2015 (3). « La FPF a toujours été une instance de coopération ainsi qu'un mouvement vers une communion ecclésiale. Si le curseur est orienté davantage vers le premier aspect, on ne renonce pas à l'autre. Plutôt que de nier nos tensions, nous devons apprendre à vivre avec. » Ainsi l'accueil mutuel lors de la Sainte Cène, jadis vu comme un préalable pour intégrer la Fédération, est désormais présenté comme une simple invitation.
La place des œuvres
Le monde protestant existe aussi par son versant associatif. Les œuvres pèsent statutairement dans la gouvernance des deux institutions. « Le message des Églises n'a de sens que s'il est accompagné par une action sociale. Notre réflexion doit porter sur ses deux pieds », affirme Jean-Daniel Roque, secrétaire du Conseil de la FPF. Si pour l'heure sont représentées au Conseil les grosses structures (Cimade, Entraide protestante), une évolution s'annonce. « Nous avons proposé une place à A Rocha, association agissant dans le champ de l’écologie, plutôt d'inspiration évangélique, récemment entrée à la Fédération », indique-t-il.
http://www.lavie.fr/religion/protestantisme/federations-eglises-unions-et-oeuvres-la-galaxie-protestante-19-10-2017-85610_18.php