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Peut-on éduquer à la « modération » en religion ?

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Josué

Josué
Administrateur

Peut-on éduquer à la « modération » en religion ?
Par Bénédicte Lutaud - publié le 22/12/2016

La notion de « modération » en religion est-elle pertinente pour prévenir les fondamentalismes ? Plusieurs acteurs du dialogue inter-religieux en France ont échangé sur ce thème lors d'une table ronde accueillie par l'Observatoire de la laïcité.
Peut-on éduquer à la « modération » en religion ? 5978_m10
En France, l'idée d'un islam « modéré » qui s'opposerait à un islam radical, voire fondamentaliste, s'est imposée récemment dans le débat politique. De la même manière, en août dernier, Jean-Pierre Chevènement, président de la toute jeune Fondation de l'islam de France, et le Premier ministre Manuel Valls ont demandé aux musulmans « la discrétion » dans leur manière d'afficher leurs convictions religieuses. Mais qu'entend-on par « modération » ? Est-ce une stratégie efficace pour lutter contre les extrémismes ? Lors d'une table ronde accueillie par l'Observatoire de la laïcité, le 17 novembre dernier, divers représentants du dialogue inter-convictionnel ont débattu autour de ces questions.

Nasharudin Mat Isa, directeur général de la Fondation du Mouvement Global des Modérés (MGM), en visite à Paris, était l'invité d'honneur de cette table-ronde, organisée par Richard Amalvy, conseiller en stratégie, et Jean-Christophe Bas, PDG de The Global Compass. Lancé par le Premier ministre de la Malaisie Najib Razak en 2012, le MGM organise des conférences internationales réunissant chefs d'Etats, diplomates et représentants d'ONG autour d'idées telles la coexistence pacifique, la transparence dans les domaines économiques et financiers, ou encore la lutte contre l'extrémisme.

Derrière la création de ce mouvement, se cache une certaine stratégie politique : accusé depuis quelque temps de faire glisser son pays vers l'extrémisme islamique et d'attiser les conflits inter-ethniques et inter-religieux, Najib Razak tente-t-il de redorer son image ? Les visions prônées par le MGM sont pour l'heure à mille lieux de la réalité en Malaisie où l'islam reste religion d'Etat, l'apostasie interdite aux Malais, l'homosexualité en principe illégale, et où les minorités religieuses sont discriminées.

Interrogé sur ces aspects par Le Monde des Religions, Nasharudin Mat Isa assure qu'en Malaisie, la notion de « modération » doit rester conforme au « cadre de la Constitution » et invite alors au « relativisme culturel ». Récemment la situation en Malaisie a été étudiée par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme à Genève. « Beaucoup d'ONG ont demandé à la Malaisie de changer certaines de ses lois, sur les tribunaux chariatiques, sur les LGBT... Mais quand on promeut la modération, cela doit être dans le cadre du relativisme culturel ». Autrement dit, en Malaisie, on ne partage pas la même vision des droits de l'homme.

Modération : dans la pratique, pas dans la foi

Pour autant, les activités en tant que telles du MGM au-delà des frontières de la Malaisie suscitent l'intérêt d'organismes reconnus, dont l'ASEAN (Association des nations unies de l'Asie du Sud-Est) et l'Alliance des civilisations des Nations unies. Le débat organisé avec Nasharudin Mat Isa à l'Observatoire de la laïcité autour du thème « Éduquer à la modération : un défi contre le fondamentalisme et l'extrémisme » a le mérite de réunir plusieurs acteurs essentiels du dialogue inter-religieux en France, pour une discussion très riche.

Pour Rachid Kechidi, président de la commission Ile-de-France de AISA (association internationale soufi Alawiyyâ), la modération en religion ne peut s'appliquer qu'au comportement vis-à-vis d'autrui, mais non à la foi, à la relation avec le divin. En islam, la notion de modération pourrait renvoyer à celle du « juste milieu », ont alors souligné plusieurs participants. Moshe Sebbag, rabbin de la synagogue de la Victoire, a expliqué que dans le sens talmudique, « on demande au juge d'avoir de la modération dans le jugement : il existe un enseignement qui demande d'aller au-delà de la loi ».

Etre dépositaire ou propriétaire d'une Vérité ?

Khaled Roumo, poète et théologien, est membre du groupe d'amitié islamo-chrétienne et auteur du Coran déchiffré selon l'amour (Erik Bonnier éditions). La modération invite à « remettre en question ses convictions exclusives », a-t-il relevé, y compris vis-à-vis des athées et des agnostiques. «Un musulman qui envoie en enfer un agnostique ou un athée doit examiner son islam, parce qu'il ne respecte pas le mystère de Dieu, juge-t-il. Or ce mystère de Dieu est mentionné dans le Coran ». La modération invite à « faire l'expérience que ce à quoi je crois – religion, sagesse ou philosophie – est limité et qu'il y a d'autres univers de sens », a complété Jamel El Hamri, président de l'Académie française de la pensée islamique (AFPI).

« Il faut avoir l'humilité d'interroger les religions mais aussi les philosophies comme celle des droits de l'homme ou certaines sagesses : ce qu'il se passe en Birmanie se fait au nom d'une certaine conception du bouddhisme » a-t-il par ailleurs nuancé, dans une référence probable au sort des Rohingyas, minorité musulmane persécutée par les intégristes bouddhistes.

Jamel El Hamri a finalement invité tout un chacun à se remettre en question : se considère-t-on dépositaire, ou propriétaire de certaines valeurs ou vérités ? « Soit je me sens dépositaire de la modération et au nom de mes valeurs, je sers cette modération en montrant l'exemple, a-t-il expliqué, soit je me sens propriétaire du christianisme, du judaïsme, de l'islam, ou encore des droits de l'homme, et je fais la leçon ».

Revoir l'étymologie des mots de l'islam

Plus concrètement, la modération renvoie au travail d'interprétation de certaines notions dans les religions, ont estimé plusieurs participants. Khaled Roumo a ainsi comparé les « Vérités » des trois monothéismes à de véritables « armes de destruction massive » : la notion du peuple élu dans le judaïsme, la phrase attribuée à Jésus dans le Nouveau Testament « Je suis le chemin, la vérité et la vie, Nul ne vient au Père que par moi », et le verset du Coran « seule la religion de l'islam est admise auprès de Dieu ». « Si nous ne comprenons pas ces expressions dans leurs sens spécifique pour les juifs, les chrétiens et pour les musulmans, a averti Khaled Roumo, nous nous ferons des guerres d'intentions ou réelles jusqu'à la fin de l'histoire ! ».

Nasharudin Mat Isa a abondé dans ce sens, exhortant la « majorité silencieuse des modérés » dans la communauté musulmane à se réapproprier l'espace public pour réhabiliter le sens originel de certaines notions. « Le mot djihad, par exemple, nous a été volé. La majorité des musulmans ont payé un prix très cher à cause de petits groupes donnant une mauvaise interprétation de ce mot ». En effet, le terme « djihad » est souvent compris comme étant un combat par les armes pour combattre ceux qui ne prétendent pas à la religion musulmane. « En réalité, le sens premier, c'est le combat contre l'égo », explique Rachid Kechidi.

De la même manière, « oumma » ne renvoie pas à la première communauté des musulmans, a-t-il assuré, mais à « celle qui a été instaurée par le prophète à Médine et qui intégrait juifs et chrétiens ». « La première responsabilité des musulmans, c'est de rétablir le sens étymologiques des mots, qui ont été complètement dénaturés, voire dévoyés », a-t-il insisté. Un travail d'autant plus garanti « dans le cadre de la République laïque, ou chaque religion peut travailler en synergie avec les autres ».

Un manque de modèles ?

Souvent, la modération, notamment en politique, est perçue comme une source de faiblesse, a fait remarquer Jean-Christophe Bas : « Pour beaucoup, être modéré équivaut à ne pas avoir de convictions. Pourtant, je me définis souvent comme un radicalement modéré ! ». Emmanuel Michel, de l'association Coexister, s'est lui aussi défini comme « radical » dans son engagement pour le dialogue inter-religieux. Selon lui, « les jeunes sont en manque de radicalité, qu'on ne leur offre pas à l'école ou dans la République. C'est orienter cette radicalité dans le bon sens qui est important ».

Pierre-Yves Pecqueux, de la Conférence des évêques de France, a jugé que la démarche de modération ne devait pas être uniquement privée mais aussi publique, pointant le manque de modèles de modération en politique. Jamel El Hamri, encourageant une « modération dans l'action », a lui évoqué deux modèles d'hommes politiques appartenant au passé : celui de l'émir Abd el-Kader, résistant au colonialisme en Algérie (de 1832 à 1847) et protecteur des chrétiens de Syrie en 1860, et celui d'Aristide Briand, qui permit une application mesurée de la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1905. Pas sûr que les candidats actuels à l'élection présidentielle soient convaincus par cet appel à la modération...
http://www.lemondedesreligions.fr/une/peut-on-eduquer-a-la-moderation-en-religion-22-12-2016-5978_115.php

Josué

Josué
Administrateur

Enseigner les faits religieux à l’école: un projet laïque!
Isabelle Saint-Martin — 19.03.2017 - 23 h 33, mis à jour le 19.03.2017 à 23 h 33
Pour développer à l’école la laïcité et le respect mutuel, parions que le progrès des connaissances est le meilleur rempart contre les peurs et les préjugés. Enseigner les faits religieux n’est pas une entorse à la laïcité mais la pleine application de son principe. Il faudrait compléter une approche historique pour ouvrir au monde contemporain et présenter les systèmes de représentation du monde en situant également la place de l’athéisme et de l’agnosticisme.
Enseigner les faits religieux à l’école, la proposition n’est pas neuve! Pourtant elle revient régulièrement dans les discours des politiques ou de personnalités de la société civile, comme si rien n’avait été fait, ou comme s'il y avait là une solution miracle pour améliorer «le vivre ensemble» face aux attentats, ou aux tensions suscités par les réaffirmations religieuses. D’autres au contraire s’inquiètent d’un projet qui remettrait «Dieu» à l’école sous couvert de découverte des religions ou de prise en compte du spirituel. Clarifier les attentes, préciser ce qui est vraiment fait ou reste à faire doit permettre de passer d’une formule incantatoire à une mise en œuvre dans le cadre de l’école laïque.

Enseigner les faits religieux: de quoi parle-t-on?
Le rapport de Régis Debray sur l’enseignement du fait religieux à l’école laïque est porté par le contexte des attentats du 11 septembre 2001 mais ne propose pas une révolution! Il s’inscrit dans une série de réflexions qui depuis les années quatre-vingt soulignent l’inculture croissante des élèves en ce domaine. La perte de sens d’une partie du patrimoine culturel, la difficulté à comprendre les soubresauts d’un monde contemporain où les religions sont partie prenante de conflits, comme la capacité à prendre en compte la pluralité religieuse de la société française, sont en jeu.

Il s’agit alors de promouvoir une connaissance des religions comme faits de civilisation. Hors d’une approche confessionnelle, c’est au sein des disciplines scolaires existantes que le choix français veut saisir les références au religieux dans une approche distanciée et critique.

Des craintes qui font obstacle
Si l’expression «fait religieux» s’est imposée, elle suscite une double crainte. Certains y voient une essentialisation du religieux, vu comme une norme dans laquelle chacun aurait à s’inscrire. Or, il n’existe pas de «fait religieux» à l’état pur – indépendant d’un contexte historique, sociologique, anthropologique toujours complexe. Privilégier l’emploi du pluriel, comme l’a fait l’IESR, voudrait souligner la pluralité de ces manifestations et la nécessité d’une approche interdisciplinaire et contextualisée.

D’autres redoutent par cet aspect «factuel» une approche très réductrice. Il ne s’agit certes pas de se contenter de statistiques mais bien de donner sens à l’examen des mythes, rites, expressions symboliques et artistiques des religions sans considérer qu’il y a là un domaine réservé ou tabou. Cet enseignement ne relève pas du témoignage mais de l’analyse. Il n’est pas une entorse à la laïcité, mais la pleine application de son principe dans un esprit de connaissance.

Le choix français reste peu lisible: une portée réelle mais limitée
Les faits religieux sont abordés essentiellement en histoire avec une réelle présentation des trois monothéismes au collège mais dans une approche ponctuelle qui reste très centrée sur les origines. Cantonnées à un passé lointain, les religions risquent d’apparaître toute constituées de rites et pratiques qui évoluent peu dans l’histoire et disparaissent quasiment après la Révolution. Ceci n’aide guère à comprendre le présent et tend à renforcer les discours identitaires.

Tout en assumant le refus d’une discipline spécifique, cet enseignement serait plus lisible et mieux étayé scientifiquement en s’inscrivant dans une dimension curriculaire avec un programme pluridisciplinaire échelonné selon les niveaux à l’instar de ce qui a été proposé en histoire des arts. Il pourrait ainsi:

Développer l’approche historique pour souligner les évolutions et la pluralité interne à chaque tradition afin de lutter contre les lectures fondamentalistes et ouvrir la perspective sur le monde contemporain.
Associer davantage la littérature et l’histoire des arts qui permettent de saisir, par la médiation des œuvres, différents univers symboliques et de distinguer mythe et histoire.
Prendre en compte une dimension anthropologique présentant les rites, pratiques et croyances dans une approche comparée des systèmes de représentation du monde qui gagnerait à aborder la place des religions d’Asie et doit intégrer les convictions humanistes par l’histoire et l’actualité de l’agnosticisme et de l’athéisme .
Pourquoi l’aborder à l’école?
Alors que la France est l’un des pays les plus sécularisés du monde, il est tentant de penser que la question du religieux disparaîtra d’elle-même avec la baisse continue de la pratique et de suspecter d’arrière-pensée prosélyte ceux qui veulent renforcer l’enseignement des faits religieux. Pourtant l’actualité ne cesse de le rappeler, la référence au religieux n’a pas disparu du champ social, politique ou culturel au sens large. Pour en comprendre la place, il faut faire le pari que le progrès des connaissances est toujours la meilleure réponse contre les peurs et les préjugés afin de faire advenir une société où, selon l’espoir de Gabriel Séailles, à la veille de la loi de 1905, on puisse «être athée sans être traité de scélérat et croire en Dieu sans être traité d’imbécile».
http://www.slate.fr/story/140546/enseigner-les-faits-religieux-lecole-un-projet-laique

papy

papy

Quand a l'époque des fêtes les enfants sont invité a dessiner des pères Noël ou des oeufs de Pâques , c'est bien là une sorte d'enseignement religieux qu'il leur est donné dans ce cas présent ?

Mikael

Mikael
MODERATEUR
MODERATEUR

Enseigner le fait religieux n'est pas enseigner la religion , petite nuance.
Enfin à mes yeux.

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