Galère des bac+5: les jeunes diplômés sans emploi témoignent
Par Charles-Alexandre Louaas Publié le 06/05/2016 à 18:52
Alors que les derniers chiffres du chômage annoncent une baisse du nombre de demandeurs d’emploi, la génération actuelle des bac +5 ne semble pas bénéficier de cette embellie.
«Je savais très bien que je n’allais pas diriger France Télécom en sortant de l’école! Mais je m’attendais encore moins à me retrouver au chômage» Grégoire*, 26 ans est titulaire d’une licence d’administration publique complétée par un master de management des unités culturelles. Il fait partie de cette génération de bac+5 qui n’arrive pas à trouver de travail dans son secteur. Selon une étude de l’Apec, en 2015 près de 40 % des jeunes bac +5 sont sans emploi un an après leur diplôme. Et ce ne sont pas les «bons» résultats des derniers chiffres du chômage qui jouent en leur faveur. Car si aujourd’hui le président François Hollande assure que «ça va mieux», le nombre de jeunes chômeurs a augmenté de 0,5% à la fin février 2016. «Dans la plupart des pays, le taux de chômage des 15-24 ans représente plus du double du taux de chômage global», déclare la Direction de l’animation de la recherche des études des statistiques (Dares), contactée par le Figaro Etudiant.
Grégoire ne passe pas son temps à se prélasser dans son lit
Contrairement aux idées reçues, Grégoire ne passe pas son temps à se prélasser dans son lit en attendant de toucher des aides sociales, loin de là. «Cela fait 6 mois que je cherche. Dès que je me lève je vais sur les sites dédiés à la recherche d’emploi, ProfilCulture, Irmawork, il y en a une vingtaine, je fais le tour de ce qu’il y a. J’envoie aussi des candidatures spontanées. Ensuite, je liste les demandes que j’ai faites la semaine précédente et je relance les recruteurs. Et je fais ça tous les jours de la semaine».
Des efforts sans récompense qui commencent à peser sur le moral du jeune homme. «Moralement ce n’est pas tellement le fait de ne pas avoir de travail qui est dur. Le plus dur est de voir que des personnes moins impliquées que moi qui en ont trouvé, des jeunes qui n’ont pas fait autant d’études et qui bossent, car ils connaissent du monde. Moi je suis marseillais et à Paris je ne connais personne. Je pensais que ça serait plus facile de trouver du travail ici, mais il faut se rendre à l’évidence, ce n’est pas vrai...En tout cas me concernant».
«Pôle emploi ne sait pas répondre aux questions»
Grégoire, 26 ans
Et pas question pour le jeune diplômé de faire appel à Pôle emploi. «C’est la plus grosse arnaque qui existe sur terre! C’est le ‘pôle non-emploi’. J’y suis allé deux fois, et ils ne savent pas répondre aux questions, il y a pas mal de jeunes qui épaulent les conseillers, mais c’est à se demander s’ils connaissent la différence entre un CDI et un CDD» accuse Grégoire.
«Plus de 150 candidatures et toujours rien...Ah si, 3 entretiens».
Comme la culture, la communication est un secteur difficile. Et même avec un diplôme obtenu dans une école prestigieuse, la quête d’un travail se révèle compliquée. Marlène* 23 ans est titulaire d’une licence en communication obtenue à Sciences Po ainsi que d’un master professionnel en communication internationale passé au Celsa. «La majorité des offres demandent 3 à 5 ans d’expérience. Je suis diplômée depuis décembre 2015 , et depuis janvier je cherche un boulot...en vain. J’ai envoyé 150 candidatures et toujours rien...Ah si, 3 entretiens». La jeune femme comprend que la recherche d’emploi est délicate, mais plus qu’à la conjoncture, c’est à son école qu’elle en veut. «L’école nous a dit que l’on commencerait à 2000 euros net, c’est dur de voir la vérité en face. La vérité c’est 1700 euros brut par mois pour 5 ans d’études , parfois moins... Pour ne pas rabaisser leur diplôme, ils nous font miroiter des choses, je ne suis pas la seule dans ce cas» fulmine Marlène.
«Mes parents ont payé près de 20 000 euros de frais de scolarité»
Les diplômés des grandes écoles de commerce ne sont pas épargnés, même s’ils sont statistiquement moins touchés par le chômage que les diplômés de l’université. A 25 ans, Hugo est diplômé d’une licence de management international et d’un master de management obtenu à Skema business school. Il lui est de plus en plus difficile d’accepter sa situation. Au manque d’argent, il faut souvent allier la honte. «Franchement ça devient insupportable. Le matin je cherche, je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour trouver mais je ne peux pas rester caché chez moi! Parfois, je me dis que ça serait la bonne solution car dès que je mets un pied dehors et que je m’amuse je me sens coupable. Mes parents ont payé près de 20 000 euros de frais de scolarité. Ce n’est pas pour me voir errer dans la rue. J’ai honte, ça me fait de la peine pour eux».
«J’hésite à aller faire ma vie à l’étranger, en Espagne ou à Cuba»
Pour reprendre confiance en lui, Hugo pense à une décision radicale. «J’hésite à aller faire ma vie à l’étranger, en Espagne ou à Cuba. Il n’y a pas forcément plus de boulot là-bas mais au moins je me sentirai libre. Je serai prêt à être serveur ou autre, mais je veux juste ne plus me sentir coupable d’une situation contre laquelle je ne peux rien... Passer de 6 mois d’échecs répétés à l’aventure, franchement il n’y a pas photo!», se convainc Hugo. Il n’est pas le seul à y penser. Selon l’enquête menée par la plateforme qapa.fr, les diplômés sont toujours plus nombreux à vouloir s’expatrier. Un quart des sondés souhaitant travailler à l’étranger ont au moins un niveau master. Un chiffre en augmentation, puisqu’ils n’étaient que 20% en 2014.
*Les noms des intervenants ont été modifiés dans un souci de discrétion
http://etudiant.lefigaro.fr/stage-emploi/actu/detail/article/galere-des-bac-5-les-jeunes-diplomes-sans-emploi-temoignent-20351/
Par Charles-Alexandre Louaas Publié le 06/05/2016 à 18:52
Alors que les derniers chiffres du chômage annoncent une baisse du nombre de demandeurs d’emploi, la génération actuelle des bac +5 ne semble pas bénéficier de cette embellie.
«Je savais très bien que je n’allais pas diriger France Télécom en sortant de l’école! Mais je m’attendais encore moins à me retrouver au chômage» Grégoire*, 26 ans est titulaire d’une licence d’administration publique complétée par un master de management des unités culturelles. Il fait partie de cette génération de bac+5 qui n’arrive pas à trouver de travail dans son secteur. Selon une étude de l’Apec, en 2015 près de 40 % des jeunes bac +5 sont sans emploi un an après leur diplôme. Et ce ne sont pas les «bons» résultats des derniers chiffres du chômage qui jouent en leur faveur. Car si aujourd’hui le président François Hollande assure que «ça va mieux», le nombre de jeunes chômeurs a augmenté de 0,5% à la fin février 2016. «Dans la plupart des pays, le taux de chômage des 15-24 ans représente plus du double du taux de chômage global», déclare la Direction de l’animation de la recherche des études des statistiques (Dares), contactée par le Figaro Etudiant.
Grégoire ne passe pas son temps à se prélasser dans son lit
Contrairement aux idées reçues, Grégoire ne passe pas son temps à se prélasser dans son lit en attendant de toucher des aides sociales, loin de là. «Cela fait 6 mois que je cherche. Dès que je me lève je vais sur les sites dédiés à la recherche d’emploi, ProfilCulture, Irmawork, il y en a une vingtaine, je fais le tour de ce qu’il y a. J’envoie aussi des candidatures spontanées. Ensuite, je liste les demandes que j’ai faites la semaine précédente et je relance les recruteurs. Et je fais ça tous les jours de la semaine».
Des efforts sans récompense qui commencent à peser sur le moral du jeune homme. «Moralement ce n’est pas tellement le fait de ne pas avoir de travail qui est dur. Le plus dur est de voir que des personnes moins impliquées que moi qui en ont trouvé, des jeunes qui n’ont pas fait autant d’études et qui bossent, car ils connaissent du monde. Moi je suis marseillais et à Paris je ne connais personne. Je pensais que ça serait plus facile de trouver du travail ici, mais il faut se rendre à l’évidence, ce n’est pas vrai...En tout cas me concernant».
«Pôle emploi ne sait pas répondre aux questions»
Grégoire, 26 ans
Et pas question pour le jeune diplômé de faire appel à Pôle emploi. «C’est la plus grosse arnaque qui existe sur terre! C’est le ‘pôle non-emploi’. J’y suis allé deux fois, et ils ne savent pas répondre aux questions, il y a pas mal de jeunes qui épaulent les conseillers, mais c’est à se demander s’ils connaissent la différence entre un CDI et un CDD» accuse Grégoire.
«Plus de 150 candidatures et toujours rien...Ah si, 3 entretiens».
Comme la culture, la communication est un secteur difficile. Et même avec un diplôme obtenu dans une école prestigieuse, la quête d’un travail se révèle compliquée. Marlène* 23 ans est titulaire d’une licence en communication obtenue à Sciences Po ainsi que d’un master professionnel en communication internationale passé au Celsa. «La majorité des offres demandent 3 à 5 ans d’expérience. Je suis diplômée depuis décembre 2015 , et depuis janvier je cherche un boulot...en vain. J’ai envoyé 150 candidatures et toujours rien...Ah si, 3 entretiens». La jeune femme comprend que la recherche d’emploi est délicate, mais plus qu’à la conjoncture, c’est à son école qu’elle en veut. «L’école nous a dit que l’on commencerait à 2000 euros net, c’est dur de voir la vérité en face. La vérité c’est 1700 euros brut par mois pour 5 ans d’études , parfois moins... Pour ne pas rabaisser leur diplôme, ils nous font miroiter des choses, je ne suis pas la seule dans ce cas» fulmine Marlène.
«Mes parents ont payé près de 20 000 euros de frais de scolarité»
Les diplômés des grandes écoles de commerce ne sont pas épargnés, même s’ils sont statistiquement moins touchés par le chômage que les diplômés de l’université. A 25 ans, Hugo est diplômé d’une licence de management international et d’un master de management obtenu à Skema business school. Il lui est de plus en plus difficile d’accepter sa situation. Au manque d’argent, il faut souvent allier la honte. «Franchement ça devient insupportable. Le matin je cherche, je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour trouver mais je ne peux pas rester caché chez moi! Parfois, je me dis que ça serait la bonne solution car dès que je mets un pied dehors et que je m’amuse je me sens coupable. Mes parents ont payé près de 20 000 euros de frais de scolarité. Ce n’est pas pour me voir errer dans la rue. J’ai honte, ça me fait de la peine pour eux».
«J’hésite à aller faire ma vie à l’étranger, en Espagne ou à Cuba»
Pour reprendre confiance en lui, Hugo pense à une décision radicale. «J’hésite à aller faire ma vie à l’étranger, en Espagne ou à Cuba. Il n’y a pas forcément plus de boulot là-bas mais au moins je me sentirai libre. Je serai prêt à être serveur ou autre, mais je veux juste ne plus me sentir coupable d’une situation contre laquelle je ne peux rien... Passer de 6 mois d’échecs répétés à l’aventure, franchement il n’y a pas photo!», se convainc Hugo. Il n’est pas le seul à y penser. Selon l’enquête menée par la plateforme qapa.fr, les diplômés sont toujours plus nombreux à vouloir s’expatrier. Un quart des sondés souhaitant travailler à l’étranger ont au moins un niveau master. Un chiffre en augmentation, puisqu’ils n’étaient que 20% en 2014.
*Les noms des intervenants ont été modifiés dans un souci de discrétion
http://etudiant.lefigaro.fr/stage-emploi/actu/detail/article/galere-des-bac-5-les-jeunes-diplomes-sans-emploi-temoignent-20351/