voila un article
« NUIT ET BROUILLARD » Le devoir de mémoire
fév 1, 2015 by Christian Paturel
Les camps de concentration : exutoires d’une pensée unique
nuit_et_brouillard_1Il y a 70 ANS les survivants des camps de concentration nazis étaient libérés par les troupes alliées. Le nombre de victimes est impossible à chiffrer avec exactitude. En tout état de cause, il est certainement supérieur à 6 millions de femmes, d’enfants et d’hommes.
En réalité, le premier camp est libéré le 24 juillet 1944 par les troupes soviétiques. Il s’agit de Majdanek.
Puis, le 23 novembre 1944, Natzweiler-Struthof… en Alsace. Les autres, aux noms tout aussi dramatiquement connus, révèlent au cours des premiers mois de 1945 les mêmes horreurs : Auschwitz, Gross-Rozen, Buchenwald, Begen-Belsen, Sachsenhausen, Flossenbürg, Dachau, Ravensbrück, Neuengamm, Mauthausen, Theresienstadt, Stutthof… On dénombrera 42500 sites d’internement à la fin de la guerre.
Ces sinistres installations étaient construites, organisées et programmées pour faire souffrir, humilier, détruire, éliminer tous les groupes, ethnies, confessions, individus… considérés comme gênants ou indésirables pour la doctrine nazie. De véritables génocides ont été perpétrés.
Une chanson qui dérange…
« Nuit et brouillard », est le titre de la chanson de Jean Ferrat sortie en 1963. Il fait référence à la directive de Hitler du 7 décembre 1941 « Nacht und Nebel » (« Nuit et Brouillard ») ordonnant la déportation et l’élimination, dans le secret absolu, de toutes les personnes gênantes pour le régime nazi. En 1963, dix huit ans après la fin de la guerre, le sujet des camps d’extermination est entouré d’un silence pudique. Les victimes, du moins celles qui sont revenues, gardent le silence. La société préfère oublier ou se voiler la face en feignant l’indifférence.
La chanson de Jean Ferrat est interdite à la radio et à la télévision car elle nuit à la politique française qui désormais, sous l’impulsion du général de Gaulle, est tournée vers la réconciliation franco-allemande. Jean Ferrat est à contre-courant de la société et la chanson est jugée, par les milieux bien pensants comme « non convenable », « inopportune ». Cette hostilité, cette opposition des milieux dirigeants et l’indifférence d’une partie des Français se retrouvent dans les paroles de cette chanson qui connaitra néanmoins un très grand succès :
« La lune se taisait comme vous vous taisiez » (…)
« On me dit à présent que ces mots n’ont plus cours et qu’il ne sert à rien de prendre une guitare »
« Qu’il vaut mieux me chanter que des chansons d’amour (…)
«Je twisterais les mots s’il fallait les twister
Pour qu’un jour les enfants sachent qui vous étiez »
Ainsi, à l’époque, 18 ans après la fin de la guerre, les jeunes ignorent tout des camps de la mort. Inquiétant, anormal, incroyable !
Comment dès lors s’étonner qu’aujourd’hui:
Tant de personnes ignorent la Shoa et l’assassinat programmé de nombreuses autres catégories de victimes (c’est le cas pour les Témoins de Jéhovah, notamment allemands, qui ont payé un lourd tribut).
Un pourcentage appréciable de la population française est inculte sur le plan historique.
Les actes antisémites se multiplient de façon inquiétante.
La liste des victimes du nazisme fait frémir : Juifs, Slaves, Tziganes, Témoins de Jéhovah, Francs-maçons, homosexuels, prisonniers politiques, résistants, syndicalistes, mendiants, ivrognes, clochards, malades mentaux allemands, chômeurs, récidivistes de la petite délinquance et criminels… Au-delà de leurs origines diverses, leur commun dénominateur était de gêner le régime nazi.
nuit_et_brouillard_2Comme le chantait Jean Ferrat, ils connaissent tous le même enfer :
« Certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vishnou
D’autres ne priaient pas mais qu’importe le ciel »
(Voir articles : « Salut Jeannot » et « Certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vishnou »).
Aujourd’hui, à l’occasion des commémorations, d’aucuns évoquent la nécessité de maintenir le souvenir, de graver dans la mémoire collective ce drame universel qui de 1933 à 1945 a ensanglanté l’humanité. Et, face à la multiplication des actes discriminatoires en France (les Juifs ne sont pas les seules victimes, nous aurons l’occasion d’en reparler), d’instruire les nouvelles générations.
nuit_et_brouillard_3La volonté politique est noble et généreuse. Le programme annoncé est plein de promesses. Encore faut-il s’entendre sur son contenu et la façon de le dispenser. Les enseignants devront satisfaire certaines exigences, notamment celles d’honnêteté, d’exhaustivité, d’impartialité, de sérieux et de tolérance.
La réussite d’une telle entreprise implique qu’elle soit menée sur trois plans :
1 L’enseignement de l’histoire : la Vraie et non celle destinée à entretenir des mythes voire à falsifier les réalités et à déformer les faits au nom de « la raison d’Etat ».
2 L’enseignement des croyances religieuses : expliquer et comprendre « la religion de l’autre ». Une véritable formation dépouillée de tout préjugé, de tout esprit partisan, de toute tentative discriminatoire. Pas évident ! La France traîne un lourd passé qui ne plaide pas en faveur d’une telle tolérance cultuelle.
3 et, peut être le plus difficile, l’exemple qu’il faut donner aux jeunes générations. Et sur ce plan, la tâche est de taille compte tenu de l’importance et du poids de la xénophobie, du racisme, des haines intercommunautaires… qui polluent les rapports sociaux au sein de la population française.
L’ENSEIGNEMENT DE L’HISTOIRE
nuit_et_brouillard_4Et « Les oubliés de l’histoire »
La Deuxième guerre mondiale, telle qu’elle est racontée dans nos écoles, comporte de fâcheux oublis, zones d’ombre quand ce ne sont pas des mensonges purs et simples. Le tout procède d’une véritable manipulation destinée à accréditer une version falsifiée de l’histoire.
La compréhension de la Shoa nécessite une information qui ne doit pas se limiter à la période 1933-1945. Il convient d’être exhaustif et honnête et d’évoquer :
la responsabilité des démocraties, notamment de la France, de l’Angleterre et de la Russie dans l’ascension de Hitler et du nazisme
nuit_et_brouillard_5Hitler, dès 1926, avait pourtant parfaitement annoncé son plan démoniaque et criminel dans « Mein Kampf 1» ! Les premiers camps de concentration sont crées dès mars 1933, à peine deux mois après l’arrivée au pouvoir de Hitler. Dès cette époque une quarantaine de camps, dans lesquels on torture et on assassine, fonctionnent.
Par la suite, c’est une succession de reculades et de capitulations devant les ambitions expansionnistes de l’Etat nazi : remilitarisation de la Rhénanie (7 mars 1936), l’Anscluss (12 mars 1938), la capitulation de Munich (30 septembre 1938), le pacte germano-soviétique de non-agression (23 août 1939)
– Le caractère démoniaque des thèses véhiculées par la doctrine nazie :
Les origines et les aberrations de la doctrine nazie n’ont jamais été enseignées aux jeunes générations. Les quelques explications données se limitent aux thèmes « bateaux » : « supériorité de la race aryenne », « totalitarisme », « le fuhrer », «les SS », « la svastika », la notion de « sous-hommes » qui seraient privés de tout droit, « les criminels fous », « les médecins maudits »…
Personne n’a évoqué les courants souterrains qui animaient le nazisme : l’occultisme, la magie noire, l’influence de sociétés initiatiques (la Société du Vril, le groupe Thulé…). Le 8 mai 1945 le régime nazi a été abattu, mais faute de volonté politique, de solides racines demeurent.
L’enseignement, l’information, la mise en garde des jeunes générations n’ont jamais été dispensés pour prévenir un retour de la « bête immonde », une résurgence de cette idéologie.
Les racines profondes de l’antisémitisme qui remontent à l’antiquité, son inconsistance et ses terribles conséquences avec la Shoa sont ignorées chez la plupart de nos contemporains.
En France, l’antisémitisme a toujours été présent. Sans remonter « à la nuit des temps », voici succinctement quelques rappels :
Ce n’est qu’après de longs débats à la Constituante que la citoyenneté est reconnue à tous les Juifs, deux ans après la révolution du 14 juillet 1789 (décret du 27 septembre 1791)
Napoléon, le 17 mars 1808, prend un décret, qualifié « d’infâme», visant exclusivement les Juifs dans leur personne et leurs biens.
Bien avant l’affaire du capitaine Dreyfus (1894-1906), injustement condamné au bagne à vie à Cayenne, les publications antisémitiques sont nombreuses et particulièrement agressives.
L’antisémitisme, compte tenu de la participation active des Juifs à la Grande guerre de 1914-1918 (la communauté perdra l’équivalent d’une génération durant ce conflit), se calme durant quelques années pour revenir avec une virulence accrue dans les années 1930.
De nombreux éléments sont à l’origine de ce regain de haine : la Grande crise de 1929 qui touche tardivement la France, la prise du pouvoir par les nazis le 31 janvier 1933 qui entraîne l’arrivée en France de nombreux Juifs allemands, le gouvernement du Front populaire qui en 1936 est dirigé par le Juif Léon Blum…
L’extrême droite se déchaîne. Maurras dénonce l’existence « d’un cabinet juif ». Une partie de la gauche n’arrive pas à s’affranchir de cet antisémitisme ambiant.
Avec la défaite de juin 1940, l’occupation allemande et l’instauration du régime de Vichy sous la direction du maréchal Pétain marquent le début d’une période dramatique pour les Juifs français et étrangers :
nuit_et_brouillard_6*Lois discriminatoires instaurant un « statut des Juifs », confiscation des biens, interdiction d’exercer certaines fonctions, port de l’étoile jaune…
*Arrestations et déportation vers les camps d’extermination dans le cadre de l’odieuse politique de la « Solution finale »
Durant toute cette période, les polices française et allemande coopèrent avec efficacité. L’administration française est particulièrement zélée dans l’application de la législation antisémite.
75000 Juifs sont déportés, la plupart vers le camp d’extermination d’Auschwitz.
225000 échappent aux battues organisées par les nazis et la Milice grâce à la complicité et au soutien de nombreux Français.
Aujourd’hui, l’antisémitisme est toujours présent. Le rapport Rufin (2004) et l’enquête menée par Dominique Reynié (2014) le confirment.
L’antisémitisme traditionnel d’extrême droite demeure même s’il s’est atténué.
Il s’est élargi vers d’autres couches de la population avec le conflit entre Israël et les Palestiniens.
Le tout se traduit par une augmentation considérable, depuis une quinzaine d’années, du nombre des agressions antijuives visant les personnes physiques et leurs biens
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