La part de lumière
JEAN-CLAUDE GUILLEBAUD, JOURNALISTE, ÉCRIVAIN ET ESSAYISTE
CRÉÉ LE 17/06/2015
Vivant le plus clair de mon temps à la campagne (en Charente), je suis bien placé pour voir de près certaines détresses. Une misère parfois très noire continue de rôder un peu partout. Des SDF de 20 ou 25 ans ont fait leur apparition sur les places de village ou le parvis des églises. Le pourcentage de RMistes est affolant dans de nombreuses communes rurales. Quant à la fameuse « désertification », elle est bien à l’œuvre : fermeture des écoles, des bureaux de poste, de certaines maternités. Je vois tout cela et je n’en minimise pas la gravité.
Il n’empêche que, jour après jour, je vois aussi l’autre face de la médaille, lumineuse celle-là. Ce que j’appelle la part de lumière. Au cours des 20 dernières années, nos campagnes ont plus changé qu’elles ne l’avaient fait en un demi-siècle. Une transformation qui s’est faite sans bruit. Changement d’apparence d’abord. Bien des paysans sont encore pauvres, mais la campagne française est devenue riche. Sauf dans les départements très reculés, on ne trouve plus guère de ces fouillis de masures branlantes, bicoques aux toits percés ou hameaux mangés par les broussailles. On ne voit plus beaucoup de ces taudis ruraux ou baraques noirâtres qui jadis bordaient les chemins.
Globalement, la campagne française affiche un niveau d’enrichissement – collectif – qu’elle n’a jamais connu dans toute son histoire. Sur les plus petits chemins vicinaux, les bas-côtés sont désormais fauchés (à la machine) plusieurs fois par an. Les forêts domaniales – sauf les désastres des tempêtes – n’ont jamais été aussi bien entretenues, avec allées cavalières, bancs de bois, parcours santé, sentiers découverte et fléchages. La même remarque vaut pour les berges des rivières ou le pourtour des étangs, qui font l’objet de soins permanents et dont les eaux – le dit-on assez ? – sont de moins en moins polluées.
Dans les villages, on enfouit peu à peu ces lignes électriques ou téléphoniques qui défiguraient le paysage. Les nouvelles habitations et les jardinets qui les flanquent sont mieux tenus, fleuris, tondus. Quant aux maisons anciennes, la plupart d’entre elles sont restaurées, ravalées, retapées, comme le sont les églises, châteaux, prieurés ou moulins à eau. Le patrimoine rural, entendu au sens large, avait-il jamais été aussi bien mis en valeur ? Sûrement pas.
Paradoxe : alors même que disparaissent peu à peu un certain monde et une culture paysanne, avec ses traditions, ses métiers, ses équilibres gagne-petit et ses géographies minuscules, une formidable entreprise de réappropriation de ce même passé est à l’œuvre un peu partout. On ne compte plus les démarches associatives organisées dans un but de sauvegarde, de résurrection, de réapprentissage : remise en service des anciens moulins à eau, réinvention des métiers oubliés, refabrication de produits traditionnels, renouveau des foires thématiques, brocantes ou rassemblements divers. Face au proche passé et aux traditions disparues, on dépasse le stade de la complainte nostalgique au profit d’une volonté plus active de retrouvailles, de réactivation.
Ne sombrons pas dans l’angélisme. Mais que de temps en temps ces choses soient dites.
JEAN-CLAUDE GUILLEBAUD, JOURNALISTE, ÉCRIVAIN ET ESSAYISTE
CRÉÉ LE 17/06/2015
Vivant le plus clair de mon temps à la campagne (en Charente), je suis bien placé pour voir de près certaines détresses. Une misère parfois très noire continue de rôder un peu partout. Des SDF de 20 ou 25 ans ont fait leur apparition sur les places de village ou le parvis des églises. Le pourcentage de RMistes est affolant dans de nombreuses communes rurales. Quant à la fameuse « désertification », elle est bien à l’œuvre : fermeture des écoles, des bureaux de poste, de certaines maternités. Je vois tout cela et je n’en minimise pas la gravité.
Il n’empêche que, jour après jour, je vois aussi l’autre face de la médaille, lumineuse celle-là. Ce que j’appelle la part de lumière. Au cours des 20 dernières années, nos campagnes ont plus changé qu’elles ne l’avaient fait en un demi-siècle. Une transformation qui s’est faite sans bruit. Changement d’apparence d’abord. Bien des paysans sont encore pauvres, mais la campagne française est devenue riche. Sauf dans les départements très reculés, on ne trouve plus guère de ces fouillis de masures branlantes, bicoques aux toits percés ou hameaux mangés par les broussailles. On ne voit plus beaucoup de ces taudis ruraux ou baraques noirâtres qui jadis bordaient les chemins.
Globalement, la campagne française affiche un niveau d’enrichissement – collectif – qu’elle n’a jamais connu dans toute son histoire. Sur les plus petits chemins vicinaux, les bas-côtés sont désormais fauchés (à la machine) plusieurs fois par an. Les forêts domaniales – sauf les désastres des tempêtes – n’ont jamais été aussi bien entretenues, avec allées cavalières, bancs de bois, parcours santé, sentiers découverte et fléchages. La même remarque vaut pour les berges des rivières ou le pourtour des étangs, qui font l’objet de soins permanents et dont les eaux – le dit-on assez ? – sont de moins en moins polluées.
Dans les villages, on enfouit peu à peu ces lignes électriques ou téléphoniques qui défiguraient le paysage. Les nouvelles habitations et les jardinets qui les flanquent sont mieux tenus, fleuris, tondus. Quant aux maisons anciennes, la plupart d’entre elles sont restaurées, ravalées, retapées, comme le sont les églises, châteaux, prieurés ou moulins à eau. Le patrimoine rural, entendu au sens large, avait-il jamais été aussi bien mis en valeur ? Sûrement pas.
Paradoxe : alors même que disparaissent peu à peu un certain monde et une culture paysanne, avec ses traditions, ses métiers, ses équilibres gagne-petit et ses géographies minuscules, une formidable entreprise de réappropriation de ce même passé est à l’œuvre un peu partout. On ne compte plus les démarches associatives organisées dans un but de sauvegarde, de résurrection, de réapprentissage : remise en service des anciens moulins à eau, réinvention des métiers oubliés, refabrication de produits traditionnels, renouveau des foires thématiques, brocantes ou rassemblements divers. Face au proche passé et aux traditions disparues, on dépasse le stade de la complainte nostalgique au profit d’une volonté plus active de retrouvailles, de réactivation.
Ne sombrons pas dans l’angélisme. Mais que de temps en temps ces choses soient dites.
j'aime bien cet article.
JEAN-CLAUDE GUILLEBAUD, JOURNALISTE, ÉCRIVAIN ET ESSAYISTE
CRÉÉ LE 17/06/2015
Vivant le plus clair de mon temps à la campagne (en Charente), je suis bien placé pour voir de près certaines détresses. Une misère parfois très noire continue de rôder un peu partout. Des SDF de 20 ou 25 ans ont fait leur apparition sur les places de village ou le parvis des églises. Le pourcentage de RMistes est affolant dans de nombreuses communes rurales. Quant à la fameuse « désertification », elle est bien à l’œuvre : fermeture des écoles, des bureaux de poste, de certaines maternités. Je vois tout cela et je n’en minimise pas la gravité.
Il n’empêche que, jour après jour, je vois aussi l’autre face de la médaille, lumineuse celle-là. Ce que j’appelle la part de lumière. Au cours des 20 dernières années, nos campagnes ont plus changé qu’elles ne l’avaient fait en un demi-siècle. Une transformation qui s’est faite sans bruit. Changement d’apparence d’abord. Bien des paysans sont encore pauvres, mais la campagne française est devenue riche. Sauf dans les départements très reculés, on ne trouve plus guère de ces fouillis de masures branlantes, bicoques aux toits percés ou hameaux mangés par les broussailles. On ne voit plus beaucoup de ces taudis ruraux ou baraques noirâtres qui jadis bordaient les chemins.
Globalement, la campagne française affiche un niveau d’enrichissement – collectif – qu’elle n’a jamais connu dans toute son histoire. Sur les plus petits chemins vicinaux, les bas-côtés sont désormais fauchés (à la machine) plusieurs fois par an. Les forêts domaniales – sauf les désastres des tempêtes – n’ont jamais été aussi bien entretenues, avec allées cavalières, bancs de bois, parcours santé, sentiers découverte et fléchages. La même remarque vaut pour les berges des rivières ou le pourtour des étangs, qui font l’objet de soins permanents et dont les eaux – le dit-on assez ? – sont de moins en moins polluées.
Dans les villages, on enfouit peu à peu ces lignes électriques ou téléphoniques qui défiguraient le paysage. Les nouvelles habitations et les jardinets qui les flanquent sont mieux tenus, fleuris, tondus. Quant aux maisons anciennes, la plupart d’entre elles sont restaurées, ravalées, retapées, comme le sont les églises, châteaux, prieurés ou moulins à eau. Le patrimoine rural, entendu au sens large, avait-il jamais été aussi bien mis en valeur ? Sûrement pas.
Paradoxe : alors même que disparaissent peu à peu un certain monde et une culture paysanne, avec ses traditions, ses métiers, ses équilibres gagne-petit et ses géographies minuscules, une formidable entreprise de réappropriation de ce même passé est à l’œuvre un peu partout. On ne compte plus les démarches associatives organisées dans un but de sauvegarde, de résurrection, de réapprentissage : remise en service des anciens moulins à eau, réinvention des métiers oubliés, refabrication de produits traditionnels, renouveau des foires thématiques, brocantes ou rassemblements divers. Face au proche passé et aux traditions disparues, on dépasse le stade de la complainte nostalgique au profit d’une volonté plus active de retrouvailles, de réactivation.
Ne sombrons pas dans l’angélisme. Mais que de temps en temps ces choses soient dites.
JEAN-CLAUDE GUILLEBAUD, JOURNALISTE, ÉCRIVAIN ET ESSAYISTE
CRÉÉ LE 17/06/2015
Vivant le plus clair de mon temps à la campagne (en Charente), je suis bien placé pour voir de près certaines détresses. Une misère parfois très noire continue de rôder un peu partout. Des SDF de 20 ou 25 ans ont fait leur apparition sur les places de village ou le parvis des églises. Le pourcentage de RMistes est affolant dans de nombreuses communes rurales. Quant à la fameuse « désertification », elle est bien à l’œuvre : fermeture des écoles, des bureaux de poste, de certaines maternités. Je vois tout cela et je n’en minimise pas la gravité.
Il n’empêche que, jour après jour, je vois aussi l’autre face de la médaille, lumineuse celle-là. Ce que j’appelle la part de lumière. Au cours des 20 dernières années, nos campagnes ont plus changé qu’elles ne l’avaient fait en un demi-siècle. Une transformation qui s’est faite sans bruit. Changement d’apparence d’abord. Bien des paysans sont encore pauvres, mais la campagne française est devenue riche. Sauf dans les départements très reculés, on ne trouve plus guère de ces fouillis de masures branlantes, bicoques aux toits percés ou hameaux mangés par les broussailles. On ne voit plus beaucoup de ces taudis ruraux ou baraques noirâtres qui jadis bordaient les chemins.
Globalement, la campagne française affiche un niveau d’enrichissement – collectif – qu’elle n’a jamais connu dans toute son histoire. Sur les plus petits chemins vicinaux, les bas-côtés sont désormais fauchés (à la machine) plusieurs fois par an. Les forêts domaniales – sauf les désastres des tempêtes – n’ont jamais été aussi bien entretenues, avec allées cavalières, bancs de bois, parcours santé, sentiers découverte et fléchages. La même remarque vaut pour les berges des rivières ou le pourtour des étangs, qui font l’objet de soins permanents et dont les eaux – le dit-on assez ? – sont de moins en moins polluées.
Dans les villages, on enfouit peu à peu ces lignes électriques ou téléphoniques qui défiguraient le paysage. Les nouvelles habitations et les jardinets qui les flanquent sont mieux tenus, fleuris, tondus. Quant aux maisons anciennes, la plupart d’entre elles sont restaurées, ravalées, retapées, comme le sont les églises, châteaux, prieurés ou moulins à eau. Le patrimoine rural, entendu au sens large, avait-il jamais été aussi bien mis en valeur ? Sûrement pas.
Paradoxe : alors même que disparaissent peu à peu un certain monde et une culture paysanne, avec ses traditions, ses métiers, ses équilibres gagne-petit et ses géographies minuscules, une formidable entreprise de réappropriation de ce même passé est à l’œuvre un peu partout. On ne compte plus les démarches associatives organisées dans un but de sauvegarde, de résurrection, de réapprentissage : remise en service des anciens moulins à eau, réinvention des métiers oubliés, refabrication de produits traditionnels, renouveau des foires thématiques, brocantes ou rassemblements divers. Face au proche passé et aux traditions disparues, on dépasse le stade de la complainte nostalgique au profit d’une volonté plus active de retrouvailles, de réactivation.
Ne sombrons pas dans l’angélisme. Mais que de temps en temps ces choses soient dites.
j'aime bien cet article.