ISLAM
Anouar Kbibech : "La sauvegarde de la nature doit devenir un acte d'adoration"
Élise Saint-Jullian - publié le 01/06/2015
La Conférence des Responsables de Culte en France (CRCF), organisait à Paris le 21 mai un colloque sur le climat et les religions. À cette occasion, Anouar Kbibech, président du Rassemblement des musulmans de France (RMF) et vice-président du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), a invité la communauté musulmane française à se mobiliser pour la préservation de l'environnement.
Comment expliquez-vous cette attention tardive à l'écologie dans le monde musulman ?
Je pense que les pays musulmans dans leur ensemble sont peut être confrontés à d'autres priorités, telles que le développement économique. Les problèmes qui se posent aux pays industrialisés ne sont pas encore les leurs, ce qui explique ce retard d'engagement sur cette question. Mais aujourd'hui, les pays musulmans prennent conscience de la nécessité de préserver leurs ressources et des mouvements politiques avec une dimension écologique commencent à émerger. Au Maroc, deux partis politiques et une ONG de la société civile ont été créés, dédiés à la question de l'environnement. Dans d'autres pays du Moyen-Orient, cela se met en place aussi.
Comment sensibiliser les musulmans de France à cette question ?
Dans la religion musulmane, l'homme et la nature sont des créations de Dieu. Je pense que la sauvegarde de la nature doit devenir un acte d'adoration au même titre que la prière, que le jeûne, que le pèlerinage. Donner cette dimension d'adoration, la faire entrer dans les prescriptions religieuses, permettra aux musulmans de France de se mobiliser. Ils sont d'ailleurs déjà réceptifs à ce sujet.
Quel rôle les imams peuvent-ils jouer?
Je pense qu'il y a un vrai travail à faire auprès de la communauté, pour qu'elle prenne conscience de l'importance de l'écologie. Et cela peut passer par les prêches du vendredi. Je souhaite faire un appel, pour qu'à la veille du 1er juillet – date à laquelle le CRCF rencontrera François Hollande pour la remise d'un texte interreligieux sur la question climatique –, l'ensemble des imams des mosquées de France traitent de ce sujet lors du prêche. Des colloques ou des conférences pourront également être organisés au sein de la communauté sur cette thématique. Le Rassemblement des musulmans de France (RMF), que je préside, va en tout cas accompagner ce mouvement et le pousser.
Quelles sont vos propositions concernant la préservation de l'environnement ?
Je souhaiterais lancer des campagnes d'affichage à ce propos dans les boucheries, restaurants et épiceries halal qui sont très fréquentés, pour que cela ait un impact fort. Nous pensons également publier un petit dépliant récapitulant tous les versets coraniques ou des hadiths (paroles du Prophète) qui traitent de la question, pour l'ensemble de la communauté musulmane de France. La création d'un clip vidéo interreligieux à ce sujet contribuerait aussi à la sensibilisation des jeunes. Mais, déjà, dans les salles d'ablution de certaines mosquées, on commence à voir des affiches contre le gaspillage de l'eau. L'éclairage avec des lampes LED à basse consommation est aussi une pratique qui se généralise dans les mosquées.
Existe-t-il des livres qui traitent de la nature dans l’islam ou des associations musulmanes écologistes ?
La production de livres sur cette question est faible. Les conférences sur l'islam en France foisonnent, mais elles traitent peu des questions environnementales. Aujourd'hui, quelques théologiens commencent à s'intéresser à ce sujet. En France, à ma connaissance, il n'y a pas d'associations musulmanes écologistes. Mais une dynamique se lance, notamment depuis deux ans avec la notion de mosquée verte.
Y aura-t-il des Assises musulmanes de l'écologie ?
Quelques projets émergent, mais le CFCM devra se saisir de cette question. Déjà, dans la convention citoyenne des musulmans de France, publiée en juin 2014, un passage traite de la relation à l'environnement, à la bioéthique. Il y aura d'autres rendez-vous d'ici COP21 – la 21e Conférence des parties contre le réchauffement climatique, à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015 –, mais au sein-même de la CRCF, pour que les musulmans coordonnent leurs actions avec les autres religions. Cela aura plus d'impact auprès des pouvoirs politiques.
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