Qu'est-ce qu'une "guerre juste" ?
JEAN-CLAUDE GUILLEBAUD, JOURNALISTE, ÉCRIVAIN ET ESSAYISTE
Les répétitions de l’histoire donnent à penser. Profitons-en. Les chrétiens se retrouvent aujourd’hui devant une difficulté comparable à celle qu’affronta saint Augustin (le théoricien de la guerre juste) au moment où les envahisseurs menaçaient Rome et l’empire. Devant les assassins et terroristes islamistes, face à l’extermination insensée des chrétiens d’Orient, l’émotion compassionnelle est nécessaire. Elle n’est pas suffisante. Pourquoi ? Parce que la réponse à la guerre et à la violence est aussi une question théologique. On connaît le dilemme. Faudrait-il, pour rester fidèle aux valeurs évangéliques, camper dans la non-violence et laisser du même coup le champ libre à la barbarie ? Devons-nous, au contraire, consentir à une violence défensive, limitée mais résolue ? Et si oui, à quelles conditions.
Le 18 août 2014, le pape François a déclaré à des journalistes qu’il était licite « d’arrêter » l’agression des djihadistes. Il se référait clairement au concept de « guerre juste » élaboré au Ve siècle, et précisé au XIIIe siècle par saint Thomas d’Aquin. D’autres voix se sont élevées au Vatican, parmi les proches collaborateurs du pape, comme Mgr Silvano Tomasi, pour prôner une intervention contre ceux qui « détruisent et tuent sans miséricorde ».
Le choix du pape François me semble légitime et courageux. Dans les médias, j’ai pourtant entendu ou lu plusieurs donneurs de leçons se fonder sur leur ignorance crasse, pour ironiser sur le prétendu « embarras » ou la « contradiction » de la position chrétienne. Certes, il s’était trouvé au XVIIe siècle certains théologiens protestants comme Pierre Bayle qui refusaient le concept de guerre juste. Le faire aujourd’hui, c’est oublier un détail devenu troublant. À l’époque d’Augustin, bien sûr, l’islam n’existait pas. Il n’empêche que l’évêque d’Hippone (Annaba en Algérie) affrontait déjà un parfait équivalent du terrorisme. Il était le fait des représentants les plus radicaux de l’hérésie donatiste, ceux qu’on appela les circoncellions. Dans les campagnes, ils déchaînaient leur violence contre les membres du clergé et multipliaient les assassinats.
La position d’Augustin s’explique mieux. Celle du pape François aussi. Notre confrère, Antoine Nouis, directeur de l’hebdomadaire Réforme nous rappelait à ce sujet l’exemple que donna au monde entier le pasteur Dietrich Bonhoeffer. Résolument non violent, initiateur de l’Église confessante en Allemagne (hostile au nazisme), Bonhoeffer accepta malgré tout d’apporter son aide à la préparation d’un attentat contre Hitler. « Je préfère prendre ce risque, expliqua-t-il, que de laisser massacrer des gens. Et j’espère en la grâce (ultérieure) de Dieu. » Il fut pendu par les nazis, le 9 avril 1945, au camp de concentration de Flossenbürg en Bavière.
Tout comme lui, le théologien protestant Jacques Ellul assumait cette contradiction. Il pensait qu’on pouvait, dans certains cas, accepter une violence défensive, mais qu’il n’en fallait pas moins continuer d’affirmer la fécondité de la non-violence. Elle ne se confond d’ailleurs pas avec le pacifisme intégral.
Laissons ricaner les imbéciles…
JEAN-CLAUDE GUILLEBAUD, JOURNALISTE, ÉCRIVAIN ET ESSAYISTE
Les répétitions de l’histoire donnent à penser. Profitons-en. Les chrétiens se retrouvent aujourd’hui devant une difficulté comparable à celle qu’affronta saint Augustin (le théoricien de la guerre juste) au moment où les envahisseurs menaçaient Rome et l’empire. Devant les assassins et terroristes islamistes, face à l’extermination insensée des chrétiens d’Orient, l’émotion compassionnelle est nécessaire. Elle n’est pas suffisante. Pourquoi ? Parce que la réponse à la guerre et à la violence est aussi une question théologique. On connaît le dilemme. Faudrait-il, pour rester fidèle aux valeurs évangéliques, camper dans la non-violence et laisser du même coup le champ libre à la barbarie ? Devons-nous, au contraire, consentir à une violence défensive, limitée mais résolue ? Et si oui, à quelles conditions.
Le 18 août 2014, le pape François a déclaré à des journalistes qu’il était licite « d’arrêter » l’agression des djihadistes. Il se référait clairement au concept de « guerre juste » élaboré au Ve siècle, et précisé au XIIIe siècle par saint Thomas d’Aquin. D’autres voix se sont élevées au Vatican, parmi les proches collaborateurs du pape, comme Mgr Silvano Tomasi, pour prôner une intervention contre ceux qui « détruisent et tuent sans miséricorde ».
Le choix du pape François me semble légitime et courageux. Dans les médias, j’ai pourtant entendu ou lu plusieurs donneurs de leçons se fonder sur leur ignorance crasse, pour ironiser sur le prétendu « embarras » ou la « contradiction » de la position chrétienne. Certes, il s’était trouvé au XVIIe siècle certains théologiens protestants comme Pierre Bayle qui refusaient le concept de guerre juste. Le faire aujourd’hui, c’est oublier un détail devenu troublant. À l’époque d’Augustin, bien sûr, l’islam n’existait pas. Il n’empêche que l’évêque d’Hippone (Annaba en Algérie) affrontait déjà un parfait équivalent du terrorisme. Il était le fait des représentants les plus radicaux de l’hérésie donatiste, ceux qu’on appela les circoncellions. Dans les campagnes, ils déchaînaient leur violence contre les membres du clergé et multipliaient les assassinats.
La position d’Augustin s’explique mieux. Celle du pape François aussi. Notre confrère, Antoine Nouis, directeur de l’hebdomadaire Réforme nous rappelait à ce sujet l’exemple que donna au monde entier le pasteur Dietrich Bonhoeffer. Résolument non violent, initiateur de l’Église confessante en Allemagne (hostile au nazisme), Bonhoeffer accepta malgré tout d’apporter son aide à la préparation d’un attentat contre Hitler. « Je préfère prendre ce risque, expliqua-t-il, que de laisser massacrer des gens. Et j’espère en la grâce (ultérieure) de Dieu. » Il fut pendu par les nazis, le 9 avril 1945, au camp de concentration de Flossenbürg en Bavière.
Tout comme lui, le théologien protestant Jacques Ellul assumait cette contradiction. Il pensait qu’on pouvait, dans certains cas, accepter une violence défensive, mais qu’il n’en fallait pas moins continuer d’affirmer la fécondité de la non-violence. Elle ne se confond d’ailleurs pas avec le pacifisme intégral.
Laissons ricaner les imbéciles…
JEAN-CLAUDE GUILLEBAUD, JOURNALISTE, ÉCRIVAIN ET ESSAYISTE
Les répétitions de l’histoire donnent à penser. Profitons-en. Les chrétiens se retrouvent aujourd’hui devant une difficulté comparable à celle qu’affronta saint Augustin (le théoricien de la guerre juste) au moment où les envahisseurs menaçaient Rome et l’empire. Devant les assassins et terroristes islamistes, face à l’extermination insensée des chrétiens d’Orient, l’émotion compassionnelle est nécessaire. Elle n’est pas suffisante. Pourquoi ? Parce que la réponse à la guerre et à la violence est aussi une question théologique. On connaît le dilemme. Faudrait-il, pour rester fidèle aux valeurs évangéliques, camper dans la non-violence et laisser du même coup le champ libre à la barbarie ? Devons-nous, au contraire, consentir à une violence défensive, limitée mais résolue ? Et si oui, à quelles conditions.
Le 18 août 2014, le pape François a déclaré à des journalistes qu’il était licite « d’arrêter » l’agression des djihadistes. Il se référait clairement au concept de « guerre juste » élaboré au Ve siècle, et précisé au XIIIe siècle par saint Thomas d’Aquin. D’autres voix se sont élevées au Vatican, parmi les proches collaborateurs du pape, comme Mgr Silvano Tomasi, pour prôner une intervention contre ceux qui « détruisent et tuent sans miséricorde ».
Le choix du pape François me semble légitime et courageux. Dans les médias, j’ai pourtant entendu ou lu plusieurs donneurs de leçons se fonder sur leur ignorance crasse, pour ironiser sur le prétendu « embarras » ou la « contradiction » de la position chrétienne. Certes, il s’était trouvé au XVIIe siècle certains théologiens protestants comme Pierre Bayle qui refusaient le concept de guerre juste. Le faire aujourd’hui, c’est oublier un détail devenu troublant. À l’époque d’Augustin, bien sûr, l’islam n’existait pas. Il n’empêche que l’évêque d’Hippone (Annaba en Algérie) affrontait déjà un parfait équivalent du terrorisme. Il était le fait des représentants les plus radicaux de l’hérésie donatiste, ceux qu’on appela les circoncellions. Dans les campagnes, ils déchaînaient leur violence contre les membres du clergé et multipliaient les assassinats.
La position d’Augustin s’explique mieux. Celle du pape François aussi. Notre confrère, Antoine Nouis, directeur de l’hebdomadaire Réforme nous rappelait à ce sujet l’exemple que donna au monde entier le pasteur Dietrich Bonhoeffer. Résolument non violent, initiateur de l’Église confessante en Allemagne (hostile au nazisme), Bonhoeffer accepta malgré tout d’apporter son aide à la préparation d’un attentat contre Hitler. « Je préfère prendre ce risque, expliqua-t-il, que de laisser massacrer des gens. Et j’espère en la grâce (ultérieure) de Dieu. » Il fut pendu par les nazis, le 9 avril 1945, au camp de concentration de Flossenbürg en Bavière.
Tout comme lui, le théologien protestant Jacques Ellul assumait cette contradiction. Il pensait qu’on pouvait, dans certains cas, accepter une violence défensive, mais qu’il n’en fallait pas moins continuer d’affirmer la fécondité de la non-violence. Elle ne se confond d’ailleurs pas avec le pacifisme intégral.
Laissons ricaner les imbéciles…
JEAN-CLAUDE GUILLEBAUD, JOURNALISTE, ÉCRIVAIN ET ESSAYISTE
Les répétitions de l’histoire donnent à penser. Profitons-en. Les chrétiens se retrouvent aujourd’hui devant une difficulté comparable à celle qu’affronta saint Augustin (le théoricien de la guerre juste) au moment où les envahisseurs menaçaient Rome et l’empire. Devant les assassins et terroristes islamistes, face à l’extermination insensée des chrétiens d’Orient, l’émotion compassionnelle est nécessaire. Elle n’est pas suffisante. Pourquoi ? Parce que la réponse à la guerre et à la violence est aussi une question théologique. On connaît le dilemme. Faudrait-il, pour rester fidèle aux valeurs évangéliques, camper dans la non-violence et laisser du même coup le champ libre à la barbarie ? Devons-nous, au contraire, consentir à une violence défensive, limitée mais résolue ? Et si oui, à quelles conditions.
Le 18 août 2014, le pape François a déclaré à des journalistes qu’il était licite « d’arrêter » l’agression des djihadistes. Il se référait clairement au concept de « guerre juste » élaboré au Ve siècle, et précisé au XIIIe siècle par saint Thomas d’Aquin. D’autres voix se sont élevées au Vatican, parmi les proches collaborateurs du pape, comme Mgr Silvano Tomasi, pour prôner une intervention contre ceux qui « détruisent et tuent sans miséricorde ».
Le choix du pape François me semble légitime et courageux. Dans les médias, j’ai pourtant entendu ou lu plusieurs donneurs de leçons se fonder sur leur ignorance crasse, pour ironiser sur le prétendu « embarras » ou la « contradiction » de la position chrétienne. Certes, il s’était trouvé au XVIIe siècle certains théologiens protestants comme Pierre Bayle qui refusaient le concept de guerre juste. Le faire aujourd’hui, c’est oublier un détail devenu troublant. À l’époque d’Augustin, bien sûr, l’islam n’existait pas. Il n’empêche que l’évêque d’Hippone (Annaba en Algérie) affrontait déjà un parfait équivalent du terrorisme. Il était le fait des représentants les plus radicaux de l’hérésie donatiste, ceux qu’on appela les circoncellions. Dans les campagnes, ils déchaînaient leur violence contre les membres du clergé et multipliaient les assassinats.
La position d’Augustin s’explique mieux. Celle du pape François aussi. Notre confrère, Antoine Nouis, directeur de l’hebdomadaire Réforme nous rappelait à ce sujet l’exemple que donna au monde entier le pasteur Dietrich Bonhoeffer. Résolument non violent, initiateur de l’Église confessante en Allemagne (hostile au nazisme), Bonhoeffer accepta malgré tout d’apporter son aide à la préparation d’un attentat contre Hitler. « Je préfère prendre ce risque, expliqua-t-il, que de laisser massacrer des gens. Et j’espère en la grâce (ultérieure) de Dieu. » Il fut pendu par les nazis, le 9 avril 1945, au camp de concentration de Flossenbürg en Bavière.
Tout comme lui, le théologien protestant Jacques Ellul assumait cette contradiction. Il pensait qu’on pouvait, dans certains cas, accepter une violence défensive, mais qu’il n’en fallait pas moins continuer d’affirmer la fécondité de la non-violence. Elle ne se confond d’ailleurs pas avec le pacifisme intégral.
Laissons ricaner les imbéciles…