D'une foi à l'autre, le mystère de la conversion
Matthieu Mégevand - publié le 04/04/2011
Dans l'ouvrage D’une foi à l’autre, portraits de convertis, Béatrice Guélpa tente de cerner un peu mieux le chemin parcouru par des convertis de toutes religions, de toutes origines, de toutes cultures. A chaque fois, cette même interrogation : qu’est-ce qui pousse quelqu’un à renier sa foi d’origine - ou son absence de foi - pour se tourner vers une nouvelle voie religieuse?
C’est un sujet énigmatique, que les religions n’évoquent que dans un sens : du point de vue de ceux qui rejoignent la foi concernée. Alors pourquoi se convertir? Peut-être qu’à l’origine, il s’agit toujours de la même quête : le besoin de retrouver du sens, de se donner un but, d’interroger ce qui fonde son existence. Les conversions ont toutes en commun cette recherche spirituelle, l’envie de retrouver le fil de la transcendance qui s’est, pour de multiples raisons, peu à peu distendu.
On retrouve dans tous les portraits de Béatrice Guélpa cette quête identitaire du sacré, qui étonnent et interpellent à la fois par leur diversité et leurs ressemblances. Il y a, par exemple, ce musulman français devenu pasteur qui raconte son histoire dans un one-man-show ; ce Kurde passé au protestantisme et qui, consécration relative, devient gardien de la cathédrale de Genève ; cette Juive convertie à l’islam reniée par sa famille.
A chaque fois, des parcours uniques, des histoires lumineuses mais aussi terriblement sombres, et une remise en question profonde de leur identité. Car on sent chez les convertis ce même espoir déçu, cette même réalisation de soi inaboutie qui, sans l’avoir vraiment cherché, se ranime par une nouvelle quête spirituelle.
Du vaudou à l'hindouisme
Des exemples frappent plus que d’autres : Olivier Zappelli, ce Suisse d’une quarantaine d’années, n’a pas vécu une mais plusieurs conversions. Artiste, peintre, il commence par se rendre en Haïti s’initier aux rites vaudous. Trop "primitifs et directs", ils ne le satisfont pas totalement. Il rentre en Suisse puis, après de nouvelles recherches, se passionne pour l’hindouisme, et part en Inde vivre dans la jungle avec un sadhû pendant plus de deux ans.
Retourné à Fribourg pour un problème de visa, il renonce finalement à l’hindouisme et traverse pendant plusieurs années une période de vide spirituel. Puis vient le catholicisme, qui semble enfin lui donner les réponses aux questions qu’il se pose. Chrétien, il le restera cinq ans, toujours avec la même ferveur que lors de ses précédentes conversions. Mais à nouveau, sa foi s’étiole et il préfère finalement quitter l’Eglise.
Solitude et souffrance
Olivier est aujourd’hui dans un second moment de désert spirituel, toujours en quête de sens. Il est l’exemple condensé de cette recherche fondamentale de spiritualité que vivent la plupart des convertis. Mais il existe des histoires beaucoup plus sombres. Celle de Yamina, musulmane marocaine mariée de force à 18 ans par son père et qui décida de s’enfuir pour rejoindre l’Europe, illustre bien cette tragédie religieuse.
Battue par son mari, cloîtrée de force chez elle, Yamina quitte le Maroc pour se rendre en Suisse à l’âge de 23 ans. Elle se convertit au protestantisme, coupe les ponts avec sa famille et reste convaincue aujourd’hui que l’islam, avec ses obligations et son pouvoir dominateur, est la première cause de ses malheurs. Conversion différente mais résultats similaires.
Charlotte, Juive française convertie à l’islam, a également vécu une rupture radicale avec ses parents. Persuadée pendant les premières années de sa vie d’adulte de "faire partie intégrante du peuple élu", elle va, presque contre sa volonté, remettre en question sa foi juive après la lecture d’un livre de théologie musulmane. Secrètement, et après de longs questionnements, elle va changer de nom, porter le voile, épouser un musulman. Aujourd’hui, Charlotte demeure convaincue de la justesse de son choix. Mais la douleur de la séparation familiale et la solitude que sa nouvelle foi lui impose restent pour elle, aujourd’hui encore, une souffrance terrible.
Un coquelicot sur un mur blanc
D’autres portraits sont moins tourmentés, plus simples, presque poétiques. Celui de Gérard, chef d’entreprise converti au zen, apporte un peu de légèreté à ces d’histoires plus pénibles. C’est un récit comme on en voit dans les films, la vie d’un homme qui n’a aucun lien spirituel particulier et qui consacre son existence à sa réussite personnelle.
Et puis un jour, l’image d’un coquelicot devant un mur blanc l’ébranle. C’est la première étape d’un long cheminement qui va durer quinze ans et aboutir à son installation comme maître zen dans un centre genevois. Une suite de lâcher-prise et de cohérences de plus en plus complètes, une réelle attention aux désirs spirituels traversent l’histoire de conversion de Gérard.
Au fur et à mesure des portraits, on constate qu’en fait, à l’opposé d’une certaine image romantique ou idéalisée, la conversion n’est jamais un acte simple ou évident. Il ne s’agit que très rarement d’une illumination soudaine, d’une décision brutale. Le ou la converti(e) passe par plusieurs étapes, une longue quête spirituelle avant de se tourner vers la religion ou spiritualité nouvelle. C’est d’ailleurs le plus souvent une rupture douloureuse, que l’on sent parfois presque dépassée la volonté du converti.
Cela ressemble à une espèce de vague inexorable qui fait dériver un homme ou une femme d’une foi à une autre, d’une croyance à une autre. Et l’on peut être frappé de toutes les difficultés, parfois les drames qui entourent une conversion - surtout lorsque les proches la nient ou la refusent - et de la solitude qu’impose un tel choix. Ce sont des parcours qui parlent en fait de l’insatisfaction, et du cœur d’un être qui peu à peu se remplit d’une transcendance nouvelle et d’un accomplissement jusqu’alors inédit. Une quête dont l’aboutissement ne cesse de surprendre, et un besoin farouche de vérité qui force l’admiration.
A lire
- Béatrice Guélpa, D’une foi à l’autre, portraits de convertis
Matthieu Mégevand - publié le 04/04/2011
Dans l'ouvrage D’une foi à l’autre, portraits de convertis, Béatrice Guélpa tente de cerner un peu mieux le chemin parcouru par des convertis de toutes religions, de toutes origines, de toutes cultures. A chaque fois, cette même interrogation : qu’est-ce qui pousse quelqu’un à renier sa foi d’origine - ou son absence de foi - pour se tourner vers une nouvelle voie religieuse?
C’est un sujet énigmatique, que les religions n’évoquent que dans un sens : du point de vue de ceux qui rejoignent la foi concernée. Alors pourquoi se convertir? Peut-être qu’à l’origine, il s’agit toujours de la même quête : le besoin de retrouver du sens, de se donner un but, d’interroger ce qui fonde son existence. Les conversions ont toutes en commun cette recherche spirituelle, l’envie de retrouver le fil de la transcendance qui s’est, pour de multiples raisons, peu à peu distendu.
On retrouve dans tous les portraits de Béatrice Guélpa cette quête identitaire du sacré, qui étonnent et interpellent à la fois par leur diversité et leurs ressemblances. Il y a, par exemple, ce musulman français devenu pasteur qui raconte son histoire dans un one-man-show ; ce Kurde passé au protestantisme et qui, consécration relative, devient gardien de la cathédrale de Genève ; cette Juive convertie à l’islam reniée par sa famille.
A chaque fois, des parcours uniques, des histoires lumineuses mais aussi terriblement sombres, et une remise en question profonde de leur identité. Car on sent chez les convertis ce même espoir déçu, cette même réalisation de soi inaboutie qui, sans l’avoir vraiment cherché, se ranime par une nouvelle quête spirituelle.
Du vaudou à l'hindouisme
Des exemples frappent plus que d’autres : Olivier Zappelli, ce Suisse d’une quarantaine d’années, n’a pas vécu une mais plusieurs conversions. Artiste, peintre, il commence par se rendre en Haïti s’initier aux rites vaudous. Trop "primitifs et directs", ils ne le satisfont pas totalement. Il rentre en Suisse puis, après de nouvelles recherches, se passionne pour l’hindouisme, et part en Inde vivre dans la jungle avec un sadhû pendant plus de deux ans.
Retourné à Fribourg pour un problème de visa, il renonce finalement à l’hindouisme et traverse pendant plusieurs années une période de vide spirituel. Puis vient le catholicisme, qui semble enfin lui donner les réponses aux questions qu’il se pose. Chrétien, il le restera cinq ans, toujours avec la même ferveur que lors de ses précédentes conversions. Mais à nouveau, sa foi s’étiole et il préfère finalement quitter l’Eglise.
Solitude et souffrance
Olivier est aujourd’hui dans un second moment de désert spirituel, toujours en quête de sens. Il est l’exemple condensé de cette recherche fondamentale de spiritualité que vivent la plupart des convertis. Mais il existe des histoires beaucoup plus sombres. Celle de Yamina, musulmane marocaine mariée de force à 18 ans par son père et qui décida de s’enfuir pour rejoindre l’Europe, illustre bien cette tragédie religieuse.
Battue par son mari, cloîtrée de force chez elle, Yamina quitte le Maroc pour se rendre en Suisse à l’âge de 23 ans. Elle se convertit au protestantisme, coupe les ponts avec sa famille et reste convaincue aujourd’hui que l’islam, avec ses obligations et son pouvoir dominateur, est la première cause de ses malheurs. Conversion différente mais résultats similaires.
Charlotte, Juive française convertie à l’islam, a également vécu une rupture radicale avec ses parents. Persuadée pendant les premières années de sa vie d’adulte de "faire partie intégrante du peuple élu", elle va, presque contre sa volonté, remettre en question sa foi juive après la lecture d’un livre de théologie musulmane. Secrètement, et après de longs questionnements, elle va changer de nom, porter le voile, épouser un musulman. Aujourd’hui, Charlotte demeure convaincue de la justesse de son choix. Mais la douleur de la séparation familiale et la solitude que sa nouvelle foi lui impose restent pour elle, aujourd’hui encore, une souffrance terrible.
Un coquelicot sur un mur blanc
D’autres portraits sont moins tourmentés, plus simples, presque poétiques. Celui de Gérard, chef d’entreprise converti au zen, apporte un peu de légèreté à ces d’histoires plus pénibles. C’est un récit comme on en voit dans les films, la vie d’un homme qui n’a aucun lien spirituel particulier et qui consacre son existence à sa réussite personnelle.
Et puis un jour, l’image d’un coquelicot devant un mur blanc l’ébranle. C’est la première étape d’un long cheminement qui va durer quinze ans et aboutir à son installation comme maître zen dans un centre genevois. Une suite de lâcher-prise et de cohérences de plus en plus complètes, une réelle attention aux désirs spirituels traversent l’histoire de conversion de Gérard.
Au fur et à mesure des portraits, on constate qu’en fait, à l’opposé d’une certaine image romantique ou idéalisée, la conversion n’est jamais un acte simple ou évident. Il ne s’agit que très rarement d’une illumination soudaine, d’une décision brutale. Le ou la converti(e) passe par plusieurs étapes, une longue quête spirituelle avant de se tourner vers la religion ou spiritualité nouvelle. C’est d’ailleurs le plus souvent une rupture douloureuse, que l’on sent parfois presque dépassée la volonté du converti.
Cela ressemble à une espèce de vague inexorable qui fait dériver un homme ou une femme d’une foi à une autre, d’une croyance à une autre. Et l’on peut être frappé de toutes les difficultés, parfois les drames qui entourent une conversion - surtout lorsque les proches la nient ou la refusent - et de la solitude qu’impose un tel choix. Ce sont des parcours qui parlent en fait de l’insatisfaction, et du cœur d’un être qui peu à peu se remplit d’une transcendance nouvelle et d’un accomplissement jusqu’alors inédit. Une quête dont l’aboutissement ne cesse de surprendre, et un besoin farouche de vérité qui force l’admiration.
A lire
- Béatrice Guélpa, D’une foi à l’autre, portraits de convertis