Gallium, tantale, indium, germanium, scandium… Ces atomes aux noms exotiques ont beau être qualifiés de terres ou de métaux rares, ils sont toujours plus présents dans les objets de notre quotidien. Les circuits électroniques des téléphones mobiles ou des ordinateurs mais aussi des lave-vaisselle ou des automobiles ne fonctionneraient pas sans eux.
Depuis la fin des années 1960, le recours à ces éléments aux propriétés particulières a ouvert de nouveaux horizons à l’industrie, non seulement en électronique mais aussi en métallurgie, en chimie ou en optique.
Le scandium, par exemple, lorsqu’il est mélangé en infime quantité à l’aluminium, lui confère une résistance mécanique qui en fait un alliage très prisé par l’aéronautique militaire. Mais le scandium entre aussi dans la fabrication d’ampoules halogènes. Le néodyme permet de fabriquer des aimants très puissants utilisés dans les éoliennes et les véhicules électriques. Quant au germanium, il est utilisé dans l’électronique, les cellules photovoltaïques ou encore pour des verres perméables aux infrarouges.
La production d’oxydes de terres rares est passée de moins d’une dizaine de milliers de tonnes par an jusqu’au milieu des années 1960 à près de 150 000 tonnes aujourd’hui. Principal extracteur, la Chine assure 90% de ce total. L’importance des métaux rares est telle que ces éléments sont considérés comme stratégiques par les pays industrialisés. Et ces derniers ont senti le vent du boulet lorsqu’en 2011 la Chine a décidé d’imposer des quotas d’exportation afin de préserver ses réserves et de donner la priorité à sa puissante économie. La décision, qui a fait flamber les prix, a été levée au début de cette année seulement.
Gestion durable
En Suisse, les industriels et les chercheurs n’ont pas attendu cette crise pour se préoccuper du problème. En 2005 déjà, le Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (Empa) à Dübendorf (ZH) évoquait la récupération de ces métaux. Depuis, le sujet est revenu à l’ordre du jour. A fin janvier, l’Empa a présenté diverses stratégies pour une gestion plus durable des matériaux critiques.
Selon Patrick Wäger, de la division Technologie et société, l’inquiétude est réelle dans certaines entreprises. «En collaboration avec Ernst Basler + Partner et l’association faîtière de l’industrie des machines Swissmem, nous avons développé une méthode pour étudier les risques encourus par des sociétés qui utilisent des métaux rares.» La recherche aboutira à un outil Web qui permettra aux industriels d’évaluer les risques pour plus de 30 métaux, les conséquences écologiques et sociales de leur production, et la vulnérabilité de l’entreprise en cas de pénurie. Cet outil sera mis à disposition sur le site Internet de Swissmem.
En 2010 déjà, Swissmem a lancé une enquête portant sur 17 matériaux critiques: 75% de ses membres ont répondu qu’ils y recouraient directement ou indirectement pour leur production. D’ailleurs, 65% des entreprises concernées ont indiqué qu’elles prenaient déjà des mesures ou qu’elles prévoyaient d’en prendre. Parmi ces mesures figurent la conclusion de contrats d’approvisionnement à long terme, la recherche de produits de substitution ou l’optimisation de l’utilisation des matériaux rares.
En Europe comme aux Etats-Unis, les études se multiplient sur la vulnérabilité de l’économie. L’an passé, un rapport a recensé 20 matériaux critiques sur 54. «C’est surtout la concentration de la production dans quelques pays qui préoccupe, ainsi que le fait que ces matériaux ne sont pas recyclés et qu’il est difficile de trouver des substituts. Mais il y a aussi un problème écologique», explique Patrick Wäger. Si, à court terme, un épuisement des réserves n’est pas à l’ordre du jour, la production massive se traduit par l’exploitation de gisements plus pauvres. «Cela entraîne un accroissement de la consommation d’énergie et de la pollution», indique le chercheur de l’Empa. Et la prospection s’étend à des zones intactes comme l’Arctique ou les fonds des océans.
A l’instar des «diamants de sang», certains métaux comme le tungstène, l’étain, le tantale ou l’or proviennent aussi de régions en conflit, comme la République démocratique du Congo, par exemple. Leur extraction peut alors servir à financer des groupes armés. Avec le Dodd Frank Act, les Etats-Unis ont instauré une obligation de déclaration pour de tels matériaux.
Récupération nécessaire
Dans ces conditions, la question de la récupération des métaux rares, et plus seulement de l’or, de l’argent ou du cuivre, apparaît comme une nécessité. «C’est une question d’abord éthique, estime Patrick Wäger. Il s’agit de maintenir dans le circuit de production des matériaux qui ont été tirés de la nature.» Les recycleurs se heurtent cependant à de nombreuses difficultés techniques et économiques. Il n’est pas évident de séparer les métaux rares lorsqu’on ne sait pas très bien ce que l’on cherche. Et les cours fluctuants ne permettent pas de garantir la rentabilité de l’opération. La taxe de recyclage perçue en Suisse lors de la vente des appareils électriques pourrait permettre de soutenir les entreprises actives dans ce secteur.
Au niveau européen, l’Empa collabore avec d’autres institutions pour créer une banque de données sur la présence de matières premières critiques dans les produits mis sur le marché et les déchets. Ce même projet vise aussi à une meilleure prise en compte du recyclage lors de la conception et de la fabrication. Avec la difficulté qu’une bonne partie de la production est située en Extrême-Orient, ce qui ne facilite pas la concertation.
Et pourtant, une récupération bien organisée et méthodique pourrait valoir la peine. Dans une précédente communication, l’Empa rappelait que les matériaux bruts extraits dans une mine naturelle contiennent en moyenne 5 grammes d’or par tonne, alors que cette teneur s’élève à 280 grammes pour une tonne de téléphones mobiles usagés. Pour les seuls circuits imprimés, la quantité atteint même 1,4 kilo par tonne. (TDG)
Depuis la fin des années 1960, le recours à ces éléments aux propriétés particulières a ouvert de nouveaux horizons à l’industrie, non seulement en électronique mais aussi en métallurgie, en chimie ou en optique.
Le scandium, par exemple, lorsqu’il est mélangé en infime quantité à l’aluminium, lui confère une résistance mécanique qui en fait un alliage très prisé par l’aéronautique militaire. Mais le scandium entre aussi dans la fabrication d’ampoules halogènes. Le néodyme permet de fabriquer des aimants très puissants utilisés dans les éoliennes et les véhicules électriques. Quant au germanium, il est utilisé dans l’électronique, les cellules photovoltaïques ou encore pour des verres perméables aux infrarouges.
La production d’oxydes de terres rares est passée de moins d’une dizaine de milliers de tonnes par an jusqu’au milieu des années 1960 à près de 150 000 tonnes aujourd’hui. Principal extracteur, la Chine assure 90% de ce total. L’importance des métaux rares est telle que ces éléments sont considérés comme stratégiques par les pays industrialisés. Et ces derniers ont senti le vent du boulet lorsqu’en 2011 la Chine a décidé d’imposer des quotas d’exportation afin de préserver ses réserves et de donner la priorité à sa puissante économie. La décision, qui a fait flamber les prix, a été levée au début de cette année seulement.
Gestion durable
En Suisse, les industriels et les chercheurs n’ont pas attendu cette crise pour se préoccuper du problème. En 2005 déjà, le Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (Empa) à Dübendorf (ZH) évoquait la récupération de ces métaux. Depuis, le sujet est revenu à l’ordre du jour. A fin janvier, l’Empa a présenté diverses stratégies pour une gestion plus durable des matériaux critiques.
Selon Patrick Wäger, de la division Technologie et société, l’inquiétude est réelle dans certaines entreprises. «En collaboration avec Ernst Basler + Partner et l’association faîtière de l’industrie des machines Swissmem, nous avons développé une méthode pour étudier les risques encourus par des sociétés qui utilisent des métaux rares.» La recherche aboutira à un outil Web qui permettra aux industriels d’évaluer les risques pour plus de 30 métaux, les conséquences écologiques et sociales de leur production, et la vulnérabilité de l’entreprise en cas de pénurie. Cet outil sera mis à disposition sur le site Internet de Swissmem.
En 2010 déjà, Swissmem a lancé une enquête portant sur 17 matériaux critiques: 75% de ses membres ont répondu qu’ils y recouraient directement ou indirectement pour leur production. D’ailleurs, 65% des entreprises concernées ont indiqué qu’elles prenaient déjà des mesures ou qu’elles prévoyaient d’en prendre. Parmi ces mesures figurent la conclusion de contrats d’approvisionnement à long terme, la recherche de produits de substitution ou l’optimisation de l’utilisation des matériaux rares.
En Europe comme aux Etats-Unis, les études se multiplient sur la vulnérabilité de l’économie. L’an passé, un rapport a recensé 20 matériaux critiques sur 54. «C’est surtout la concentration de la production dans quelques pays qui préoccupe, ainsi que le fait que ces matériaux ne sont pas recyclés et qu’il est difficile de trouver des substituts. Mais il y a aussi un problème écologique», explique Patrick Wäger. Si, à court terme, un épuisement des réserves n’est pas à l’ordre du jour, la production massive se traduit par l’exploitation de gisements plus pauvres. «Cela entraîne un accroissement de la consommation d’énergie et de la pollution», indique le chercheur de l’Empa. Et la prospection s’étend à des zones intactes comme l’Arctique ou les fonds des océans.
A l’instar des «diamants de sang», certains métaux comme le tungstène, l’étain, le tantale ou l’or proviennent aussi de régions en conflit, comme la République démocratique du Congo, par exemple. Leur extraction peut alors servir à financer des groupes armés. Avec le Dodd Frank Act, les Etats-Unis ont instauré une obligation de déclaration pour de tels matériaux.
Récupération nécessaire
Dans ces conditions, la question de la récupération des métaux rares, et plus seulement de l’or, de l’argent ou du cuivre, apparaît comme une nécessité. «C’est une question d’abord éthique, estime Patrick Wäger. Il s’agit de maintenir dans le circuit de production des matériaux qui ont été tirés de la nature.» Les recycleurs se heurtent cependant à de nombreuses difficultés techniques et économiques. Il n’est pas évident de séparer les métaux rares lorsqu’on ne sait pas très bien ce que l’on cherche. Et les cours fluctuants ne permettent pas de garantir la rentabilité de l’opération. La taxe de recyclage perçue en Suisse lors de la vente des appareils électriques pourrait permettre de soutenir les entreprises actives dans ce secteur.
Au niveau européen, l’Empa collabore avec d’autres institutions pour créer une banque de données sur la présence de matières premières critiques dans les produits mis sur le marché et les déchets. Ce même projet vise aussi à une meilleure prise en compte du recyclage lors de la conception et de la fabrication. Avec la difficulté qu’une bonne partie de la production est située en Extrême-Orient, ce qui ne facilite pas la concertation.
Et pourtant, une récupération bien organisée et méthodique pourrait valoir la peine. Dans une précédente communication, l’Empa rappelait que les matériaux bruts extraits dans une mine naturelle contiennent en moyenne 5 grammes d’or par tonne, alors que cette teneur s’élève à 280 grammes pour une tonne de téléphones mobiles usagés. Pour les seuls circuits imprimés, la quantité atteint même 1,4 kilo par tonne. (TDG)