L’Apôtre : chemin de foi
Guilherme Ringuenet - publié le 29/01/2015
Sorti en septembre 2014 dans une salle à Paris, L'Apôtre de la réalisatrice Cheyenne Carron narre le chemin compliqué de la conversion au christianisme d'un musulman destiné à devenir imam. Des projections en Province ont été annulées suite aux attentats de début janvier. Ce film est désormais disponible en DVD.
L’Apôtre : chemin de foi
Cheyenne Carron est une figure atypique du monde du cinéma. Ses cinq précédentes réalisations ont toutes la particularité de ne pas avoir été financées par le Centre national du cinéma. Dans son dernier film, L'Apôtre, la réalisatrice raconte à la conversion d'un jeune musulman, Akim (« Dieu est promesse », en hébreu) au christianisme. Un élan de curiosité est à l’origine de la révélation d’Akim. Convié au baptême de la fille d'un ami, il découvre pour la première fois les rites chrétiens. L'émotion liée à la lecture de la Bible s’ajoute à l'histoire du prêtre qui, malgré l'assassinat de sa sœur, décide de rester dans la même ville pour que sa présence « aide à vivre les parents musulmans du meurtrier ». Ce point important du film est inspiré d'une histoire vraie.
C'est donc la notion universelle de charité chrétienne qui va faire basculer Akim – que sa famille destine à devenir imam comme son oncle – vers le christianisme. Sa situation d'apostat ne sera pas sans créer de difficultés. Rejeté violemment par son frère et ses anciens camarades, Akim va vivre un calvaire que seul l'amour du Christ va rendre supportable. Le nœud gordien de son dessein musulman sera tranché par l'arrêt de ses relations avec sa famille (son frère en particulier).
De très belles scènes nous montrent Akim retrouver d'autres convertis au catholicisme dans une forêt où chacun peut raconter librement son parcours. Outre l'écho très contemporain et délibéré à la situation des chrétiens d'Orient, l'image de ces rencontres n'est pas, d'une certaine manière, sans rappeler les débuts du christianisme à Rome, quand les croyants se réunissaient en cachette.
L’intime subtilement révélé
Ce n'est pas un film militant que propose la réalisatrice. La conversion d'Akim est un simple élément romanesque. Si Cheyenne Carron ne fait pas mystère de son engagement chrétien (elle a été baptisée récemment), elle sait filmer avec talent, au plus près, la trajectoire de son personnage, sans faire de son travail une œuvre prosélyte. La foi de la cinéaste n’écrase pas son âme d'artiste. Les deux sont complémentaires, se nourrissent l'un l'autre.
Le film est parcouru des tressaillements de la nouvelle croyance d'Akim. Les chemins qui mènent à la foi sont de l'ordre de l'intime, pourtant L'Apôtre arrive à nous faire vivre cette révélation. Cela tient en partie à l'excellent Faycal Safi, qui sans tomber dans la caricature du nouveau converti, irise les différents élans par lesquels passe son personnage.
Depuis les attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper Casher de la porte de Vincennes à Paris, la projection du long-métrage de Cheyenne Carron se complique. Une présentation à Nantes a été annulée à la demande de la Direction générale de la sécurité intérieure. C'est regrettable car le film, en ces temps troublés, se termine par une très belle scène de communion religieuse où catholiques et musulmans prient ensemble. À aucun moment L'Apôtre ne cherche à monter une religion contre une autre.
> Sorti dans une salle à Paris, le long-métrage de Cheyenne Carron n'en a pas moins été un succès. Il est disponible en DVD sur le site http://www.cheyennecarron.com/