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Les digital natives seront plus performants que nous

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Josué

Josué
Administrateur

"Les digital natives seront plus performants que nous"
PROPOS RECUEILLIS PAR STÉPHANIE COMBE 
Nos enfants seront-ils des mutants ? Si le cerveau est capable de s’adapter, le neuropsychologue Francis Eustache explique tout l’enjeu d’un usage raisonné du numérique.

Depuis une trentaine d’années, grâce au développement des neurosciences cognitives et de l’imagerie cérébrale, la neuropsychologie est en plein essor. Connaître les différents systèmes de mémoires est un enjeu important pour l’apprentissage.

Les nouvelles technologies bouleversent-elles notre faculté de mémorisation ?

Les « mémoires externes » ont toujours existé. Nul ne sait tout. Avant Google, on s’adressait aux sibylles (dans l’Antiquité), à son grand-oncle (spécialiste de l’équipe de foot de Barcelone), etc. Ces mémoires externes se sont progressivement matérialisées par l’écriture, et répandues via l’imprimerie, les livres et les bibliothèques. Internet a rendu accessible une connaissance quasi illimitée et évolutive. Avec une certaine brutalité : en moins d’une génération. L’effet sur notre mémoire est certain, car notre cerveau est très plastique.

Et quel est cet impact ?

Notre mémoire interne, elle, réalise un travail de synthèse : elle travaille les informations, conserve des souvenirs, façonne de nouvelles connaissances. Elle est en lien avec les mémoires externes, mais tout l’enjeu d’une « neuroéducation » serait précisément que notre mémoire interne garde la main. Nous devons inventer une nouvelle « mnémotechnie » afin de trouver une harmonie entre elles.

A-t-on déjà des pistes ?

La taille du cerveau, les facteurs génétiques, sociaux et culturels n’expliquent pas tout à eux seuls. On a découvert l’existence d’une « réserve cognitive ». Une personne peut agir sur ses propres capacités cognitives pour les amplifier et les renforcer. Autrement dit, la façon dont nous utilisons notre cerveau a une action sur son devenir. Cette réserve cognitive se constitue tout au long de notre vie. Elle se renforce lorsque notre mémoire interne garde la maîtrise de la synthèse. Si Internet appauvrit le fonctionnement de notre cerveau, elle diminuera. Or elle joue un rôle dans la cognition et la mémoire, notamment pour amenuiser les effets de l’âge ou retarder la survenue des symptômes des maladies dégénératives, comme Alzheimer.

Précisément, Internet peut-il atrophier notre cerveau ?

On a besoin de temps pour traiter en profondeur une information, la comprendre et l’assimiler. Sur Internet, nous sommes entraînés à passer rapidement d’une information à l’autre. Le terme « surfer » évoque d’ailleurs bien ce fonctionnement. Or, notre cerveau assimile des connaissances, mais a plus de mal à en retenir la source. Internet donne accès à de multiples sources, qui ne sont pas hiérarchisées, pas toujours pertinentes, parfois même fausses. Un balayage rapide est donc un biais potentiel dans l’apprentissage. Car le cerveau mémorise, même si la source n’est pas validée, même si elle est fausse.

Y a-t-il une clé pour un usage intelligent des nouvelles technologies ?

Un usage modéré ! Notre cerveau est toujours actif. Mais, lorsqu’il n’est pas stimulé, il est capable d’activer un réseau « par défaut ». Il se déconnecte, en quelque sorte et se met en veille. C’est ce que l’on nomme en neuropsychologie la « capacité de sentinelle » du cerveau. Cet état nous permet de rentrer en nous-mêmes, de laisser vagabonder nos pensées, de rêver. Il est capital pour la formation de la synthèse. C’est ainsi que l’on mémorise, que l’on tire une leçon de ses expériences, que l’on anticipe des scénarios. Voilà pourquoi on conseille de préserver aux enfants du temps libre, propice à l’ennui et à la rêverie. C’est un enjeu pour l’apprentissage et pour l’équilibre psychique. On a observé que ce fonctionnement est perturbé dans de multiples maladies psychiatriques.

Si plastique soit-il, le cerveau peut-il assumer le comportement multitâche des digital natives (écouter le prof tout en envoyant un texto…) ?

Notre cerveau se modifie en permanence, en fonction de nos interactions avec notre environnement. Par exemple, jouer du violon exige une motricité fine de la main gauche inhabituelle chez le droitier. Lors de son apprentissage, l’enfant développe les aires cérébrales correspondantes. Pour l’écriture, le psychologue Stanislas Dehaene a montré que notre cerveau ne possédait pas, à l’origine, de région dévolue. Il s’est adapté au fil des siècles et, aujourd’hui, plusieurs régions correspondent à cette tâche. Je crois que les digital natives seront plus efficaces que nous pour traiter des informations multiples.

Par le clavier ou le stylo ?

On apprend mieux dans l’action, surtout si la signification est proche de l’effet de l’action. Que vous preniez des notes avec un stylo ou un clavier, vous comprendrez mieux un cours que vous suivez attentivement, en cherchant la logique du raisonnement, qu’en le suivant distraitement. Le sens fait toute la différence entre un encodage superficiel et un encodage profond, qui permet de s’approprier l’information.

Si notre cerveau est moins sollicité peut-il s’atrophier ?

Contrairement à une idée répandue, on n’est pas vieux à 30 ans ! Il existe une neurogenèse : notre cerveau fabrique des neurones. Seulement, ces derniers sont fragiles. Pour se maintenir et prospérer, ils ont besoin d’un bain physiologique favorable (hygiène de vie, alimentation pas trop grasse, activité physique, etc.). Ils ont aussi besoin d’une finalité : faute d’être stimulés, ils dépérissent.

Il faut donc continuer à apprendre durant toute la vie ?

Un cerveau dont toutes les connaissances seraient extérieures, hormis les chemins pour y accéder, relève de la science-fiction. On aura toujours besoin d’un bagage minimum, plus ou moins important selon notre niveau d’expertise. À tout âge, il faut continuer à assimiler des informations pour se reposer sur des faits et des automatismes. Argumenter nécessite une capacité à être cohérent, pertinent, de la culture générale, des références.

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