François demande aux évêques coréens de retrouver l'élan évangélique
JEAN MERCIER
CRÉÉ LE 14/08/2014 / MODIFIÉ LE 14/08/2014 À 14H33
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© /AP/SIPA
Ne pas s’endormir sur ses lauriers ni s’assoupir dans le confort, mais se mettre en état intérieur de conversion. C’est, en résumé, le message exigeant que François a adressé à l’Eglise catholique coréenne devant les évêques du pays, dans un discours qui témoigne d’une connaissance fine et précise de la situation sur le terrain.[/size]
Prenant acte de la force impressionnante d’une Eglise certes minoritaire mais extrêmement dynamique (30% de croissance depuis l’an 2000), le pape a appelé à dépasser la posture du “triomphalisme”. Celui ci se nourrit de l’idéalisation identitaire du passé glorieux des martyrs du XIXe siècle, de la force de frappe des missionnaires coréens à travers le monde, mais aussi d’une réelle puissance institutionnelle : “La vie et la mission de l’Église en Corée ne se mesurent pas, en dernier ressort, en termes extérieurs, quantitatifs et institutionnels ; elles doivent plutôt être jugées à la claire lumière de l’Évangile et de son appel à une conversion à la personne de Jésus Christ”.
Le pape, apparemment bien informé, sait que la réussite extérieure de l’Eglise coréenne cache une difficulté à vivre réellement les valeurs évangéliques. C’est pourquoi il a mis sévèrement rappelé à l’ordre les évêques sur le risque de la mondanisation, conscient que les catholiques se sont laissé volontiers gagner par les valeurs d 'efficacité et de profit de la société globale : “Un témoignage évangélique prophétique présente des défis particuliers pour l’Église en Corée, puisqu’elle vit et agit dans une société prospère, mais toujours plus sécularisée et matérialiste. En de telles circonstances, les agents pastoraux sont tentés d’adopter non seulement des modèles efficaces de gestion, de programmation et d’organisation issus du monde des affaires, mais aussi un style de vie et une mentalité guidés plus par des critères mondains de succès, voire de pouvoir, que par les critères énoncés par Jésus dans l’Évangile. Malheur à nous si la croix est vidée de son pouvoir de juger la sagesse de ce monde. Je vous exhorte ainsi que vos frères prêtres à rejeter cette tentation sous toutes ses formes. Puissions-nous être sauvés de cette mondanité spirituelle et pastorale, qui étouffe l’esprit, remplace la conversion par la complaisance, et finit par dissiper toute ferveur missionnaire !”
En contrepoint de cet appel à la conversion pastorale, le pape n’a pas hésité à mettre le doigt là sur deux points douloureux de la société coréenne : les enfants et les plus vieux, où les catholiques sont loin de faire la différence par leur comportement. Les enfants sont sur-investis par les parents en vue d’une performance scolaire sans limites, alors que les personnes âgées connaissent l’abandon, puisque non performants : “Comment pouvons-nous être des gardiens d’espérance si nous négligeons la mémoire, la sagesse et l’expérience des anciens et les aspirations des jeunes ?”
Le drame du ferry de l’île de Jeju, où ont péri de très nombreux adolescents en avril dernier, a révélé les failles d’une société qui contraint les enfants à ne pas vivre leur jeunesse, en les obligeant à entrer dès le plus jeune âge dans une compétition sans merci. Sur ce plan, les catholiques peinent souvent à éduquer les jeunes selon d’autres valeurs que celles de la société ambiante, ce qu’a pointé le pape en appelant les évêques à réinvestir le champ de l’éducation.
François a aussi voulu mettre en garde contre un engagement social auprès des pauvres qui serait séparé de la foi, et se réduirait à un pur activisme sous forme de prestations de service :“Nous risquons de réduire notre engagement au service des nécessiteux à sa seule dimension d’assistance, oubliant le besoin de chaque individu de croître comme personne et de pouvoir exprimer d’une manière digne sa personnalité, sa créativité et sa culture. La solidarité avec les pauvres doit être vue comme un élément essentiel de la vie chrétienne : à travers la prédication et la catéchèse enracinées dans le riche patrimoine de la doctrine sociale de l’Église, elle doit pénétrer les cœurs et les esprits des fidèles et se refléter dans chaque aspect de la vie ecclésiale”.
JEAN MERCIER
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Ne pas s’endormir sur ses lauriers ni s’assoupir dans le confort, mais se mettre en état intérieur de conversion. C’est, en résumé, le message exigeant que François a adressé à l’Eglise catholique coréenne devant les évêques du pays, dans un discours qui témoigne d’une connaissance fine et précise de la situation sur le terrain.[/size]
Prenant acte de la force impressionnante d’une Eglise certes minoritaire mais extrêmement dynamique (30% de croissance depuis l’an 2000), le pape a appelé à dépasser la posture du “triomphalisme”. Celui ci se nourrit de l’idéalisation identitaire du passé glorieux des martyrs du XIXe siècle, de la force de frappe des missionnaires coréens à travers le monde, mais aussi d’une réelle puissance institutionnelle : “La vie et la mission de l’Église en Corée ne se mesurent pas, en dernier ressort, en termes extérieurs, quantitatifs et institutionnels ; elles doivent plutôt être jugées à la claire lumière de l’Évangile et de son appel à une conversion à la personne de Jésus Christ”.
Le pape, apparemment bien informé, sait que la réussite extérieure de l’Eglise coréenne cache une difficulté à vivre réellement les valeurs évangéliques. C’est pourquoi il a mis sévèrement rappelé à l’ordre les évêques sur le risque de la mondanisation, conscient que les catholiques se sont laissé volontiers gagner par les valeurs d 'efficacité et de profit de la société globale : “Un témoignage évangélique prophétique présente des défis particuliers pour l’Église en Corée, puisqu’elle vit et agit dans une société prospère, mais toujours plus sécularisée et matérialiste. En de telles circonstances, les agents pastoraux sont tentés d’adopter non seulement des modèles efficaces de gestion, de programmation et d’organisation issus du monde des affaires, mais aussi un style de vie et une mentalité guidés plus par des critères mondains de succès, voire de pouvoir, que par les critères énoncés par Jésus dans l’Évangile. Malheur à nous si la croix est vidée de son pouvoir de juger la sagesse de ce monde. Je vous exhorte ainsi que vos frères prêtres à rejeter cette tentation sous toutes ses formes. Puissions-nous être sauvés de cette mondanité spirituelle et pastorale, qui étouffe l’esprit, remplace la conversion par la complaisance, et finit par dissiper toute ferveur missionnaire !”
En contrepoint de cet appel à la conversion pastorale, le pape n’a pas hésité à mettre le doigt là sur deux points douloureux de la société coréenne : les enfants et les plus vieux, où les catholiques sont loin de faire la différence par leur comportement. Les enfants sont sur-investis par les parents en vue d’une performance scolaire sans limites, alors que les personnes âgées connaissent l’abandon, puisque non performants : “Comment pouvons-nous être des gardiens d’espérance si nous négligeons la mémoire, la sagesse et l’expérience des anciens et les aspirations des jeunes ?”
Le drame du ferry de l’île de Jeju, où ont péri de très nombreux adolescents en avril dernier, a révélé les failles d’une société qui contraint les enfants à ne pas vivre leur jeunesse, en les obligeant à entrer dès le plus jeune âge dans une compétition sans merci. Sur ce plan, les catholiques peinent souvent à éduquer les jeunes selon d’autres valeurs que celles de la société ambiante, ce qu’a pointé le pape en appelant les évêques à réinvestir le champ de l’éducation.
François a aussi voulu mettre en garde contre un engagement social auprès des pauvres qui serait séparé de la foi, et se réduirait à un pur activisme sous forme de prestations de service :“Nous risquons de réduire notre engagement au service des nécessiteux à sa seule dimension d’assistance, oubliant le besoin de chaque individu de croître comme personne et de pouvoir exprimer d’une manière digne sa personnalité, sa créativité et sa culture. La solidarité avec les pauvres doit être vue comme un élément essentiel de la vie chrétienne : à travers la prédication et la catéchèse enracinées dans le riche patrimoine de la doctrine sociale de l’Église, elle doit pénétrer les cœurs et les esprits des fidèles et se refléter dans chaque aspect de la vie ecclésiale”.