Pau : le missionnaire mormon implore le pardon de ses belles-filles
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Par Renée Mourgues
Publié le 16/11/2011 à 04h00
Mise à jour : 16/11/2011 à 07h51
Les avocats des parties civiles, Me Etcheverry et Me Hardouin.© N.Sabathier
L'homme à la barbe discrète s'exprime posément. Le cheveu court, l'air docte, on lui donnerait le bon dieu sans confession. D'ailleurs, François Le Corguillé appartient à l'Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours plus communément assimilée aux Mormons.
Baptisé en 1994 dans les Landes, il y a progressé jusqu'à la prêtrise compatible avec le mariage. C'est en dispensant la bonne parole que le prosélyte en mission a, en février 1996, rencontré Brigitte, une femme en miettes avec trois filles à charge rescapée d'une union malheureuse. Sous l'effet d'un «coup de foudre réciproque», il l'épouse le 22 mars suivant. Jusqu'en juillet 2009, la famille recomposée vivra dans les Pyrénées-Atlantiques et les Landes sous l'emprise de son chef qui aura régulièrement abusé de ses belles-filles sans que personne ne pipe mot. «Ce que je veux, c'est comprendre pourquoi j'ai fait ça et être soigné» proclame l'accusé qui dit profiter de son incarcération - dont il ne doute pas qu'elle sera longue- pour «écrire un livre» et se livrer à un travail d'introspection.
Un mariage chaste
Comparaissant pour viols et atteintes sexuelles depuis hier devant la cour d'assises des Pyrénées-Atlantiques , François Le Corguillé, 57 ans, admet «un parcours de vie lamentable». Quatrième de huit enfants, orphelin de père à six ans, il délaisse l'école à 14 ans, essaie des petits boulots, embrasse l'armée puis la quitte dans d'obscures circonstances. Il dit avoir été violé au cours d'une permission militaire, s'attribue un braquage assorti d'une condamnation dont le casier judiciaire ne porte pas trace et confesse une tentative de suicide. Il avoue surtout s'être «interdit de relations sexuelles jusqu'à l'âge de 30 ans».
Avec Brigitte, le conjungo sera presque platonique: quatre ou cinq rapports charnels en quinze ans de mariage! «Elle avait peur des hommes. J'ai dérapé parce que je n'avais pas ce qu'il fallait» s'explique-t-il. En contradiction avec le Livre de Mormon qui condamne l'adultère, il assume ses crimes: «Je savais que c'étaient des interdits mais j'ai réagi autrement».
Pourtant, le membre de la communauté chrétienne parallèle se voulait parfait disciple. Il bannit ce qui pollue la santé du corps (alcool, drogue, tabac) et celle de l'esprit. Il porte un sous-vêtement de chasteté. Il régente la vie de tous. «Tous les lundis, on se réunissait pour distribuer les tâches et les programmes de télévision. Je supprimais les films sexuels ou de guerre». Ne restaient plus que «La petite maison dans la prairie» et «Joséphine ange gardien»... «Je ne décidais pas seul» oppose-t-il à ceux qui brossent de lui le portrait d'un «gourou manipulateur» tenant les siens dans l'isolement en milieu rural. «Jardiner et élever des poules n'est pas possible en ville» rétorque-t-il. Les filles suivront un enseignement à distance. «C'est un choix consenti. Les enfants avaient leur liberté. Elles connaissaient beaucoup de monde. Je ne suis pas méchant».
L'ombre de la mère plane
Aujourd'hui âgée de 26 ans, c'est Amélie qui révéla les turpitudes de son beau-père. Elle a subi les assauts du pervers dès 1999 mais beaucoup moins souvent que ses cadettes Camille dont l'accusé se disait amoureux (on évoque 150 agressions et viols sur elle) et Christelle, jeune fille handicapée à 80% désormais sous curatelle. L'ombre de la mère plane sur le noir dossier. «Mon épouse me pardonne parce que je l'ai beaucoup aidée. Elle veut m'assister à son tour» suppose François Le Corguillé.
Si le mari de Brigitte hurle sa culpabilité en des termes abrupts («J'ai fait des choses affreuses. Je devrais être puni pour la vie» soutient-il), il n'en va pas de même pour sa compagne qui a résolument pris le parti du prédateur contre les trois soeurs. «Mon épouse n'a pas réalisé ce qui se passe. Je lui dis de se rapprocher de ses filles» affirme l'accusé qui exprime ses regrets aux victimes, allant jusqu'à remercier Amélie d'avoir osé déposer plainte à la gendarmerie de Cambo-les-Bains.
«Je n'ai pas fait ça pour détruire une famille. C'est dommage car il aurait pu faire quelque chose de sa vie» sanglote l'aînée. L'ancien prêtre implore aussi le pardon de son Eglise, avec le secret espoir de pouvoir retrouver un jour son statut.
===> L'épouse de l'accusé sera entendue à 14h
Les débats reprennent ce matin à 9h. Au programme: audition des experts, des soeurs de l'accusé et celle, tout particulièrement attendue, de l'épouse Brigitte Le Corguillé, citée à la barre à 14h. L'audience est présidée par Michel Le Maître. Avocat général: M. Dominique Jeol. Les parties civiles (les trois soeurs et l'Udaf des Landes) sont représentées par Me Jean-Baptiste Etcheverry et Laurence Hardouin, du barreau de Bayonne. La défense de François Le Corguillé est assurée par Me Sophie Bussière.
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Par Renée Mourgues
Publié le 16/11/2011 à 04h00
Mise à jour : 16/11/2011 à 07h51
Les avocats des parties civiles, Me Etcheverry et Me Hardouin.© N.Sabathier
L'homme à la barbe discrète s'exprime posément. Le cheveu court, l'air docte, on lui donnerait le bon dieu sans confession. D'ailleurs, François Le Corguillé appartient à l'Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours plus communément assimilée aux Mormons.
Baptisé en 1994 dans les Landes, il y a progressé jusqu'à la prêtrise compatible avec le mariage. C'est en dispensant la bonne parole que le prosélyte en mission a, en février 1996, rencontré Brigitte, une femme en miettes avec trois filles à charge rescapée d'une union malheureuse. Sous l'effet d'un «coup de foudre réciproque», il l'épouse le 22 mars suivant. Jusqu'en juillet 2009, la famille recomposée vivra dans les Pyrénées-Atlantiques et les Landes sous l'emprise de son chef qui aura régulièrement abusé de ses belles-filles sans que personne ne pipe mot. «Ce que je veux, c'est comprendre pourquoi j'ai fait ça et être soigné» proclame l'accusé qui dit profiter de son incarcération - dont il ne doute pas qu'elle sera longue- pour «écrire un livre» et se livrer à un travail d'introspection.
Un mariage chaste
Comparaissant pour viols et atteintes sexuelles depuis hier devant la cour d'assises des Pyrénées-Atlantiques , François Le Corguillé, 57 ans, admet «un parcours de vie lamentable». Quatrième de huit enfants, orphelin de père à six ans, il délaisse l'école à 14 ans, essaie des petits boulots, embrasse l'armée puis la quitte dans d'obscures circonstances. Il dit avoir été violé au cours d'une permission militaire, s'attribue un braquage assorti d'une condamnation dont le casier judiciaire ne porte pas trace et confesse une tentative de suicide. Il avoue surtout s'être «interdit de relations sexuelles jusqu'à l'âge de 30 ans».
Avec Brigitte, le conjungo sera presque platonique: quatre ou cinq rapports charnels en quinze ans de mariage! «Elle avait peur des hommes. J'ai dérapé parce que je n'avais pas ce qu'il fallait» s'explique-t-il. En contradiction avec le Livre de Mormon qui condamne l'adultère, il assume ses crimes: «Je savais que c'étaient des interdits mais j'ai réagi autrement».
Pourtant, le membre de la communauté chrétienne parallèle se voulait parfait disciple. Il bannit ce qui pollue la santé du corps (alcool, drogue, tabac) et celle de l'esprit. Il porte un sous-vêtement de chasteté. Il régente la vie de tous. «Tous les lundis, on se réunissait pour distribuer les tâches et les programmes de télévision. Je supprimais les films sexuels ou de guerre». Ne restaient plus que «La petite maison dans la prairie» et «Joséphine ange gardien»... «Je ne décidais pas seul» oppose-t-il à ceux qui brossent de lui le portrait d'un «gourou manipulateur» tenant les siens dans l'isolement en milieu rural. «Jardiner et élever des poules n'est pas possible en ville» rétorque-t-il. Les filles suivront un enseignement à distance. «C'est un choix consenti. Les enfants avaient leur liberté. Elles connaissaient beaucoup de monde. Je ne suis pas méchant».
L'ombre de la mère plane
Aujourd'hui âgée de 26 ans, c'est Amélie qui révéla les turpitudes de son beau-père. Elle a subi les assauts du pervers dès 1999 mais beaucoup moins souvent que ses cadettes Camille dont l'accusé se disait amoureux (on évoque 150 agressions et viols sur elle) et Christelle, jeune fille handicapée à 80% désormais sous curatelle. L'ombre de la mère plane sur le noir dossier. «Mon épouse me pardonne parce que je l'ai beaucoup aidée. Elle veut m'assister à son tour» suppose François Le Corguillé.
Si le mari de Brigitte hurle sa culpabilité en des termes abrupts («J'ai fait des choses affreuses. Je devrais être puni pour la vie» soutient-il), il n'en va pas de même pour sa compagne qui a résolument pris le parti du prédateur contre les trois soeurs. «Mon épouse n'a pas réalisé ce qui se passe. Je lui dis de se rapprocher de ses filles» affirme l'accusé qui exprime ses regrets aux victimes, allant jusqu'à remercier Amélie d'avoir osé déposer plainte à la gendarmerie de Cambo-les-Bains.
«Je n'ai pas fait ça pour détruire une famille. C'est dommage car il aurait pu faire quelque chose de sa vie» sanglote l'aînée. L'ancien prêtre implore aussi le pardon de son Eglise, avec le secret espoir de pouvoir retrouver un jour son statut.
===> L'épouse de l'accusé sera entendue à 14h
Les débats reprennent ce matin à 9h. Au programme: audition des experts, des soeurs de l'accusé et celle, tout particulièrement attendue, de l'épouse Brigitte Le Corguillé, citée à la barre à 14h. L'audience est présidée par Michel Le Maître. Avocat général: M. Dominique Jeol. Les parties civiles (les trois soeurs et l'Udaf des Landes) sont représentées par Me Jean-Baptiste Etcheverry et Laurence Hardouin, du barreau de Bayonne. La défense de François Le Corguillé est assurée par Me Sophie Bussière.