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Vers une redécouverte du jeûne chrétien
JEAN-CLAUDE NOYÉ
CRÉÉ LE 03/03/2014 / MODIFIÉ LE 05/03/2014 À 11H25
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© Patrice THEBAULT/CIRIC © Patrice THEBAULT/CIRIC
Le jeûne a le vent en poupe ! Les sessions Jeûne et Bible ou Jeûne et prière se multiplient et affichent complet. Les livres consacrés à la question se vendent bien. La presse catholique elle-même n’est pas en reste et multiplie les articles. Quant au documentaire Le Jeûne : une nouvelle thérapie ?, diffusé sur Arte, il a reçu un tel accueil que la chaîne l’a diffusé à plusieurs reprises. On observe également que les « jeûnes » du mercredi des Cendres et du Vendredi saint sont davantage observés par les catholiques.
Le lien entre le corps et l’esprit
Que manifeste ce retour en grâce de la privation volontaire de nourriture ? À l’évidence, le besoin que chacun ressent désormais avec acuité de s’arrêter, de faire retour sur soi, de retrouver une spiritualité qui n’occulte pas le corps mais qui, au contraire, s’appuie sur lui. Il accompagne aussi notre redécouverte de la grande tradition de l’Église. Ce mouvement de réappropriation d’une pratique millénaire va-t-il à l’avenir s’amplifier ? Il y a fort à parier que oui. Ascèse du besoin fondamental, éducation du désir, le jeûne échappe, de fait, aux frontières spatio-temporelles de l’humanité et il a toujours joué un rôle important dans les religions. Dans la perspective spirituelle, dans la tradition monastique en particulier, il se mêle étroitement à la rétention de la parole ainsi qu’à la réduction du sommeil et au contrôle de la sexualité. Mais le jeûne n’a de sens que s’il nous ouvre aux autres et suscite en nous une plus grande compassion. Aussi n’est-il pas surprenant que les grandes religions, les trois monothéismes particulièrement, aient associé étroitement le jeûne, la prière et le partage.
Jeûner revenait initialement, dans l’Église primitive, à se priver de nourriture et de boisson jusque tard dans l’après-midi. Jeûnes hebdomadaires du mercredi et du vendredi. Jeûne des quatre temps visant à solenniser, une fois par trimestre, les quatre saisons. Jeûne de l’Avent, d’une durée de quatre semaines avant Noël. Sans oublier ceux des veilles des grandes fêtes religieuses, ou ceux des trois jours de rogations (ou d’intercession précédant l’Ascension).
Aujourd’hui, il faut regarder du côté des Églises d’Orient pour avoir un écho de cette intensité dans la pratique du jeûne. Ainsi, en Égypte, les coptes « jeûnent » (tantôt en adoptant un régime végétalien, tantôt en s’abstenant de nourriture) pendant 260 jours, un peu plus des deux tiers de l’année. L’Église catholique, elle, n’exige plus guère de jeûner, sinon le mercredi des Cendres et le Vendredi saint, sans préciser comment. Ces prescriptions a minima sont la résultante d’un long et progressif abandon du jeûne en Occident.
Une expérience libératrice
En cause, un spiritualisme désincarné, qui a trop longtemps prévalu et qui fait l’impasse sur les interactions profondes entre le mouvements du corps et ceux de la vie intérieure. En cause encore, une conception « pénale » du jeûne, en réparation des péchés. Le terme de pénitence, substitué au mot ascèse, en dit long à ce sujet. Pendant des siècles, il a fallu jeûner sans que l’on sache bien pourquoi, sans en connaître tout le bénéfice – physique, psychique et spirituel. Autant de raisons négatives qui n’ont plus cours aujourd’hui, le renoncement temporaire à la nourriture, devenu facultatif, étant désiré et vécu comme une expérience avant tout libératrice.