Maladie neuromusculaire : un "médicament orphelin" bien particulier
Le Point.fr - Publié le 23/06/2014 à 08:51
Les agences américaine et européenne du médicament ont donné leur feu vert à une combinaison médicamenteuse issue d'une méthode de recherche très
Par Guerric Poncet
"La monothérapie - le fait de traiter une maladie avec un seul médicament -, c'est terminé. Toutes les affections ont pour origine la perturbation d'une fonction. Et chaque fonction dépend d'un réseau très complexe de molécules variées. C'est à ce niveau qu'il faut agir en utilisant un mélange de médicaments." Il y a presque cinq ans, le professeur Daniel Cohen, généticien talentueux et P-DG de la start-up Pharnext, énonçait tranquillement dans Le Point ce qui devrait être, selon lui, la prochaine révolution thérapeutique. Une évidence pour ce spécialiste qui n'a réalisé la carte du génome humain que dans le but d'identifier ces fameux réseaux.
Aujourd'hui, c'est chose faite. L'Agence européenne des médicaments (Ema) et la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis viennent d'ailleurs d'accorder le statut de "médicament orphelin" au produit PXT-3003 dans le traitement de la maladie de Charcot-Marie-Tooth de type 1A. Cette annonce mérite quelques explications. Sur la maladie, d'abord. Il s'agit d'une affection génétique neuromusculaire rare, caractérisée par une atrophie musculaire progressive des extrémités (pieds, jambes, mains et bras) pouvant entraîner un handicap important. Il n'existe actuellement aucun médicament curatif ou symptomatique pour combattre son évolution.
Reconstruire l'ensemble du réseau perturbé
Quant au PXT-3003, c'est une nouvelle combinaison fixe à faible dose de baclofène, de naltrexone (tous deux servant notamment à lutter contre la dépendance alcoolique) et de sorbitol (un substitut de sucre) administrée par voie orale. C'est à la suite des résultats positifs des premiers essais chez l'homme que ce produit a obtenu le statut de "médicament orphelin". Ce statut octroie dix années d'exclusivité marketing en Europe et sept années aux États-Unis, si l'autorisation de mise sur le marché est accordée pour le traitement de la maladie de Charcot-Marie-Tooth, et un certain nombre d'autres avantages.
En pratique, pour découvrir le réseau perturbé par une affection donnée, l'équipe de Pharnext compare les gènes de nombreuses personnes atteintes et de sujets contrôles. Cela lui permet d'identifier les gènes en cause et les protéines correspondantes. Ensuite, par des méthodes complexes, les chercheurs trouvent les "partenaires" de ces protéines, avec lesquels elles sont en contact direct ou indirect. Cela leur permet de reconstruire l'ensemble du réseau perturbé, avant de passer au crible tous les médicaments, déjà utilisés pour une maladie ou une autre, susceptibles d'agir sur les chaînons manquants. Reste enfin à concevoir les bonnes combinaisons thérapeutiques. L'avantage est triple : les molécules testées sont bien connues, hors brevet et utilisées à faible dose.
Cette première reconnaissance est une étape majeure "qui renforce notre engagement à développer et à mettre rapidement sur le marché de nouvelles thérapies efficaces et qui accroît encore davantage notre confiance dans nos autres programmes en développement", affirme Daniel Cohen. Ces autres programmes concernent notamment la maladie d'Alzheimer (des essais sont en cours chez l'homme), la sclérose latérale amyotrophique et la maladie de Parkinson. Inutile de préciser que les prochains résultats sont attendus avec impatience.