A Sotchi, les sacrifiés des Jeux Olympiques
JEANNE CAVELIER
CRÉÉ LE 22/01/2014 / MODIFIÉ LE 23/01/2014 À 11H03
Coupures d’électricité, pollution de l’eau, expulsions… A Sotchi et aux alentours, la population locale souffre des conséquences des chantiers olympiques. Reportage dans le village d’Akhshtyr, perché dans les montagnes du Caucase.
On accède difficilement au village d’Akhshtyr, à 15 km de l’aéroport de Sotchi, via une petite route cabossée par le passage des camions. « Nous pensions que les Jeux Olympiques allaient nous apporter la civilisation… Les déchets, la saleté, le bruit, c’est tout ce que nous avons eu ! », lance en guise d’accueil Alexander Koropov, l’un des anciens du village. L’euphorie des premiers temps a fait place à la réalité. Les quelque 160 habitants de cette bourgade montagnarde ont assisté impuissants à la dégradation de leurs conditions de vie.
Un village pollué par une décharge de déchets
Déçus, en colère, ils pâtissent depuis plus de cinq ans des travaux de l’autoroute et de la ligne de chemin de fer reliant l’aéroport de Sotchi au site olympique de montagne Krasnaya Poliana. Deux carrières ont été ouvertes à proximité afin de fournir les matériaux nécessaires à la construction, ainsi qu’une décharge de déchets de chantier au-dessus du village.
« Les autorités ont confisqué une partie de mon jardin, affirme Alexander. Ces terrains m’appartiennent depuis 25 ans, j’ai tous les documents… Mais je n’ai encore reçu aucune compensation ! En plus, je ne peux plus vendre mes fruits au marché : ils sont couverts de poussière, personne n’en veut. » Sa maison se situe à quelques centaines de mètres seulement de l’« Avto-olimpik » et de la voie ferrée, qui ont coûté 5,7 milliards d’euros pour 48 kilomètres, soit l’infrastructure la plus chère des JO les plus chers de l’histoire (37 milliards d’euros).
Le village d’Akhshtyr a été coupé de l’ancienne route sans qu’aucune rampe d’accès n’ait été construite vers la nouvelle, ni de passage aménagé pour les piétons - pourtant prévus dans les plans fournis par les autorités en amont du projet. Résultat : un détour de plus d’une heure en voiture pour aller à l’école par exemple. Suite aux nombreuses réclamations, un autobus passe prendre les enfants dans le village depuis la mi-janvier.
Plus d’eau potable
Père d’un garçon de 2 ans et d’une fillette de 8 ans, Ilya constate : « Voyez la rue du village : il n’y a pas de trottoirs et les camions passent sans cesse. C’est dangereux, j’ai peur à chaque fois que mes enfants sortent de la maison. » A long terme, le père de famille craint aussi pour leur santé, à cause de la poussière qu’ils respirent et de la pollution. « Un jour, les déchets ont disparu sous de la terre fraîche, raconte-t-il en montrant la décharge. La terre et l’eau de la rivière seront contaminées, à coup sûr. »
Les principaux puits d’où les habitants tiraient leur eau potable ont d’ailleurs été détruits en 2008 à cause des travaux. Suite aux plaintes, un camion vient chaque semaine approvisionner les maisonnées, dans des cuves en plastique. Informé depuis 2009 et pressé par le CIO, le Comité olympique de Sotchi a assuré que ce problème d’accès à l’eau serait rapidement résolu – sans résultat.
En novembre 2010, les autorités avaient ouvert une nouvelle usine de traitement de l’eau, reliée à une pompe. « Elle n’a fonctionné que le jour de l’inauguration ! », assure Lena en maniant désespérément la pompe. L’usine a ensuite été fermée parce qu’elle ne répondait pas aux normes de protection sanitaire, selon une lettre officielle adressée aux habitants. Ceux-ci ont reçu le soutien d’ONG comme Human Rights Watch et espèrent que la mauvaise publicité internationale poussera les autorités à réagir d’ici le 7 février, jour d’ouverture des JO.
JEANNE CAVELIER
CRÉÉ LE 22/01/2014 / MODIFIÉ LE 23/01/2014 À 11H03
Coupures d’électricité, pollution de l’eau, expulsions… A Sotchi et aux alentours, la population locale souffre des conséquences des chantiers olympiques. Reportage dans le village d’Akhshtyr, perché dans les montagnes du Caucase.
On accède difficilement au village d’Akhshtyr, à 15 km de l’aéroport de Sotchi, via une petite route cabossée par le passage des camions. « Nous pensions que les Jeux Olympiques allaient nous apporter la civilisation… Les déchets, la saleté, le bruit, c’est tout ce que nous avons eu ! », lance en guise d’accueil Alexander Koropov, l’un des anciens du village. L’euphorie des premiers temps a fait place à la réalité. Les quelque 160 habitants de cette bourgade montagnarde ont assisté impuissants à la dégradation de leurs conditions de vie.
Un village pollué par une décharge de déchets
Déçus, en colère, ils pâtissent depuis plus de cinq ans des travaux de l’autoroute et de la ligne de chemin de fer reliant l’aéroport de Sotchi au site olympique de montagne Krasnaya Poliana. Deux carrières ont été ouvertes à proximité afin de fournir les matériaux nécessaires à la construction, ainsi qu’une décharge de déchets de chantier au-dessus du village.
« Les autorités ont confisqué une partie de mon jardin, affirme Alexander. Ces terrains m’appartiennent depuis 25 ans, j’ai tous les documents… Mais je n’ai encore reçu aucune compensation ! En plus, je ne peux plus vendre mes fruits au marché : ils sont couverts de poussière, personne n’en veut. » Sa maison se situe à quelques centaines de mètres seulement de l’« Avto-olimpik » et de la voie ferrée, qui ont coûté 5,7 milliards d’euros pour 48 kilomètres, soit l’infrastructure la plus chère des JO les plus chers de l’histoire (37 milliards d’euros).
Le village d’Akhshtyr a été coupé de l’ancienne route sans qu’aucune rampe d’accès n’ait été construite vers la nouvelle, ni de passage aménagé pour les piétons - pourtant prévus dans les plans fournis par les autorités en amont du projet. Résultat : un détour de plus d’une heure en voiture pour aller à l’école par exemple. Suite aux nombreuses réclamations, un autobus passe prendre les enfants dans le village depuis la mi-janvier.
Plus d’eau potable
Père d’un garçon de 2 ans et d’une fillette de 8 ans, Ilya constate : « Voyez la rue du village : il n’y a pas de trottoirs et les camions passent sans cesse. C’est dangereux, j’ai peur à chaque fois que mes enfants sortent de la maison. » A long terme, le père de famille craint aussi pour leur santé, à cause de la poussière qu’ils respirent et de la pollution. « Un jour, les déchets ont disparu sous de la terre fraîche, raconte-t-il en montrant la décharge. La terre et l’eau de la rivière seront contaminées, à coup sûr. »
Les principaux puits d’où les habitants tiraient leur eau potable ont d’ailleurs été détruits en 2008 à cause des travaux. Suite aux plaintes, un camion vient chaque semaine approvisionner les maisonnées, dans des cuves en plastique. Informé depuis 2009 et pressé par le CIO, le Comité olympique de Sotchi a assuré que ce problème d’accès à l’eau serait rapidement résolu – sans résultat.
En novembre 2010, les autorités avaient ouvert une nouvelle usine de traitement de l’eau, reliée à une pompe. « Elle n’a fonctionné que le jour de l’inauguration ! », assure Lena en maniant désespérément la pompe. L’usine a ensuite été fermée parce qu’elle ne répondait pas aux normes de protection sanitaire, selon une lettre officielle adressée aux habitants. Ceux-ci ont reçu le soutien d’ONG comme Human Rights Watch et espèrent que la mauvaise publicité internationale poussera les autorités à réagir d’ici le 7 février, jour d’ouverture des JO.