Le pape François condamne "l'inquisition" de la Curie romaine
Une "pesante douane bureaucratique", un esprit "d'inquisition et d'inspection" : le diagnostic du pape est sans appel face à la bureaucratie du Vatican.
Présenter ses voeux aux collaborateurs de la Curie : l’exercice, pour un pape, pourrait n’être qu’une simple formalité, une occasion de paroles aimables et lénifiantes. Pourtant, dès son premier Noël de 2005, Benoît XVI avait fait de ce moment un rendez-vous très politique, en évoquant son “herméneutique” du Concile Vatican II (celle de la continuité, contre celle de la rupture). Une préoccupation très personnelle. Huit ans plus tard, le 21 décembre 2013, François a aussi parlé du fond du coeur, centrant aussi son message sur un souci primordial. Même s’il n’a pas évoqué directement le dossier de la réforme de la Curie, placée sous la responsabilité d’un groupe de huit cardinaux, c’est bien elle qui était dans toutes les têtes.
Le pape n’a pas mâché ses mots face à ses collaborateurs. Certes, il a loué ceux qui travaillent “avec compétence, avec précision, avec abnégation, accomplissant avec soin leur devoir quotidien” en suivant “le modèle des vieux curialistes, personnes exemplaires.” Mais il a étrillé les fonctionnaires qui manquent de professionnalisme et d’esprit de service : “Quand il n’y pas de professionnalisme, lentement on glisse vers le terrain de la médiocrité. Les dossiers deviennent des "clichés" et des communications sans levain de vie, incapables de produire de larges horizons. D’autre part, quand on n'a pas une attitude de service des Églises particulières et de leurs Évêques, alors la structure de la Curie grandit comme une pesante douane bureaucratique, d’inspection et d’inquisition et qui ne permet pas l’action du Saint Esprit et la croissance du peuple de Dieu”.
La Curie, une lourde bureaucratie inquisitoriale qui entrave la mission de la base et l’action du Saint Esprit ? La critique est virulente. Elle rejoint la plainte souvent émise en “off” par des évêques ou des responsables d’ordre religieux, qui critiquent l’incompétence, la lenteur ou l’arrogance des apparatchiks romains, même si d’autres se félicitent parfois qu’une instance tierce impose des décisions difficiles qu’ils peinent à assumer par eux-mêmes. Cette critique, François la verbalise d’autant plus clairement qu’il la partage. Du temps où Jorge Mario Bergoglio était archevêque de Buenos Aires, il a eu maille à partir avec les instances de la Curie, par exemple pour des nominations relevant de sa compétence mais nécessitant l’aval préalable du Vatican. On retrouve une fois de plus, dans sa bouche, l’image de la “douane” pastorale, récurrente pour fustiger l’abus de pouvoir des clercs.
Soucieux d’équilibrer cette critique avec un regard plus bienveillant, le pape a loué la “sainteté de vie” de ses collaborateurs : “ Je voudrais dire ici que dans la Curie romaine il y a eu et il y a des saints. Je l’ai dit publiquement plus d’une fois, pour remercier le Seigneur. Sainteté signifie vie immergée dans l’Esprit, ouverture du cœur à Dieu, prière constante, humilité profonde, charité fraternelle dans les relations avec les collègues. Elle signifie aussi apostolat, service pastoral discret, fidèle, accompli avec zèle au contact direct du peuple de Dieu.”
Mais, dans la foulée, le pape a dénoncé une attitude négative : “La sainteté dans la Curie signifie aussi objection de conscience. Oui, objection de conscience aux bavardages ! Nous insistons beaucoup à juste titre sur la valeur de l’objection de conscience, mais peut-être devons-nous l’exercer aussi pour nous défendre d’une loi non écrite de notre environnement, qui est malheureusement celle des bavardages. Alors faisons tous objection de conscience ; mais attention je ne veux pas faire seulement un discours moral ! Parce que les bavardages abîment la qualité des personnes, abîment la qualité du travail et de l’environnement.”
L’allusion est claire aux “murmures” qui hantent les couloirs du Vatican, face aux rumeurs d’évolutions possibles, comme la fusion de dicastères, les réductions d'équipes, l’exil de certains mandarins ecclésiastiques. Et la crainte ressentie suite au lancement d’audits sous la férule de professionnels. Le 19 décembre, le Vatican a fait savoir qu’il demandait au cabinet KPMG un audit de ses rouages financiers, et chargeait le groupe américain McKinsey d’une mise à plat de sa communication médiatique. Deux autres cabinets internationaux, Ernst & Young, Promontory Financial Group, sont en train d’éplucher les comptes du gouvernorat du Vatican et de la banque du Saint-Siège, l’IOR.
Une "pesante douane bureaucratique", un esprit "d'inquisition et d'inspection" : le diagnostic du pape est sans appel face à la bureaucratie du Vatican.
Présenter ses voeux aux collaborateurs de la Curie : l’exercice, pour un pape, pourrait n’être qu’une simple formalité, une occasion de paroles aimables et lénifiantes. Pourtant, dès son premier Noël de 2005, Benoît XVI avait fait de ce moment un rendez-vous très politique, en évoquant son “herméneutique” du Concile Vatican II (celle de la continuité, contre celle de la rupture). Une préoccupation très personnelle. Huit ans plus tard, le 21 décembre 2013, François a aussi parlé du fond du coeur, centrant aussi son message sur un souci primordial. Même s’il n’a pas évoqué directement le dossier de la réforme de la Curie, placée sous la responsabilité d’un groupe de huit cardinaux, c’est bien elle qui était dans toutes les têtes.
Le pape n’a pas mâché ses mots face à ses collaborateurs. Certes, il a loué ceux qui travaillent “avec compétence, avec précision, avec abnégation, accomplissant avec soin leur devoir quotidien” en suivant “le modèle des vieux curialistes, personnes exemplaires.” Mais il a étrillé les fonctionnaires qui manquent de professionnalisme et d’esprit de service : “Quand il n’y pas de professionnalisme, lentement on glisse vers le terrain de la médiocrité. Les dossiers deviennent des "clichés" et des communications sans levain de vie, incapables de produire de larges horizons. D’autre part, quand on n'a pas une attitude de service des Églises particulières et de leurs Évêques, alors la structure de la Curie grandit comme une pesante douane bureaucratique, d’inspection et d’inquisition et qui ne permet pas l’action du Saint Esprit et la croissance du peuple de Dieu”.
La Curie, une lourde bureaucratie inquisitoriale qui entrave la mission de la base et l’action du Saint Esprit ? La critique est virulente. Elle rejoint la plainte souvent émise en “off” par des évêques ou des responsables d’ordre religieux, qui critiquent l’incompétence, la lenteur ou l’arrogance des apparatchiks romains, même si d’autres se félicitent parfois qu’une instance tierce impose des décisions difficiles qu’ils peinent à assumer par eux-mêmes. Cette critique, François la verbalise d’autant plus clairement qu’il la partage. Du temps où Jorge Mario Bergoglio était archevêque de Buenos Aires, il a eu maille à partir avec les instances de la Curie, par exemple pour des nominations relevant de sa compétence mais nécessitant l’aval préalable du Vatican. On retrouve une fois de plus, dans sa bouche, l’image de la “douane” pastorale, récurrente pour fustiger l’abus de pouvoir des clercs.
Soucieux d’équilibrer cette critique avec un regard plus bienveillant, le pape a loué la “sainteté de vie” de ses collaborateurs : “ Je voudrais dire ici que dans la Curie romaine il y a eu et il y a des saints. Je l’ai dit publiquement plus d’une fois, pour remercier le Seigneur. Sainteté signifie vie immergée dans l’Esprit, ouverture du cœur à Dieu, prière constante, humilité profonde, charité fraternelle dans les relations avec les collègues. Elle signifie aussi apostolat, service pastoral discret, fidèle, accompli avec zèle au contact direct du peuple de Dieu.”
Mais, dans la foulée, le pape a dénoncé une attitude négative : “La sainteté dans la Curie signifie aussi objection de conscience. Oui, objection de conscience aux bavardages ! Nous insistons beaucoup à juste titre sur la valeur de l’objection de conscience, mais peut-être devons-nous l’exercer aussi pour nous défendre d’une loi non écrite de notre environnement, qui est malheureusement celle des bavardages. Alors faisons tous objection de conscience ; mais attention je ne veux pas faire seulement un discours moral ! Parce que les bavardages abîment la qualité des personnes, abîment la qualité du travail et de l’environnement.”
L’allusion est claire aux “murmures” qui hantent les couloirs du Vatican, face aux rumeurs d’évolutions possibles, comme la fusion de dicastères, les réductions d'équipes, l’exil de certains mandarins ecclésiastiques. Et la crainte ressentie suite au lancement d’audits sous la férule de professionnels. Le 19 décembre, le Vatican a fait savoir qu’il demandait au cabinet KPMG un audit de ses rouages financiers, et chargeait le groupe américain McKinsey d’une mise à plat de sa communication médiatique. Deux autres cabinets internationaux, Ernst & Young, Promontory Financial Group, sont en train d’éplucher les comptes du gouvernorat du Vatican et de la banque du Saint-Siège, l’IOR.