L’affaire corse
L’auteur de la destruction par explosifs de la porte de la salle du Royaume des Témoins de Jéhovah d’Ajaccio a été appréhendé, jugé et condamné. La police judiciaire a fait preuve d’une particulière efficacité et la justice d’une grande célérité. L’infraction a été commise le 31 juillet dernier, le coupable arrêté le 9 octobre et le jugement du tribunal correctionnel rendu le 11 octobre. La sanction est tombée : 18 mois d’emprisonnement ferme, une amende de 1800 euros et une indemnisation de 300 euros pour la partie civile aux fins de réparer la porte d’entrée.
L’auteur de l’attentat pour sa défense a avancé des arguments fallacieux qui sont autant de mensonges et de diffamations : « manipulation des esprits faibles ou des gens en état de faiblesse », appréhension « de l’argent des retraités et des handicapés », le tout, sans oublier l’incontournable mot épouvantail… « secte ». Cette tentative de diversion a échoué et n’a pas abusé la religion du tribunal qui a refusé de faire le procès des Témoins de Jéhovah. Le déroulement et le dénouement de cette affaire sont satisfaisants, il s’agit d’un regrettable acte isolé qui ne remet nullement en cause le statut des Témoins de Jéhovah auprès de la population ajaccienne depuis 50 ans.
N’oublions pas que chaque année les salles du Royaume des Témoins de Jéhovah sont victimes d’une centaine d’agressions, dégradations, détériorations.
Aussi, ce procès laisse un goût amer d’inachevé.
L’auteur matériel et l’auteur moral
Le condamné évoquait « la manipulation des esprits faibles » sans se rendre compte qu’il était lui même un esprit faible (son avocat a évoqué « le parcours difficile de son client, sous anxiolytique ») et manipulé.
Depuis 1974, naissance de l’ADFI, l’opinion publique a été matraquée par des messages visant à la discrimination contre les Témoins de Jéhovah, les Scientologues et de nombreux autres groupes religions, spirituels et philosophiques (voir l’article en trois parties sur « L’ennemi aux cent visages »). L’incitation à la haine, relayée par les pouvoirs publics avec les subventionnements et la création d’organes officiels (dont la Miviludes qui relève du Premier ministre), agit sans aucun doute sur certaines personnes. De même que la politique odieuse de Vichy a suscité de sinistres vocations, aujourd’hui ces campagnes indignes d’un Pays qui se veut le fer de lance des libertés produit ses fruits, des fruits pourris.
Le droit pénal distingue :
« l’auteur matériel » qui a commis directement l’infraction
et « l’auteur moral ou intellectuel » qui a incité l’auteur matériel à perpétrer un crime ou un délit.
L’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse écrite traite de la « provocation des crimes et délits » dans des termes très explicites :
« Seront punis comme complices d’une action qualifiée crime ou délit ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique, auront directement provoqué l’auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d’effet.
Cette disposition est également applicable lorsque la provocation n’aura été suivie que d’une tentative de crime (…) »
Les actions, rapports et interventions médiatiques de l’unadfi, de la Miviludes, de l’assemblée nationale et de leurs représentants pourraient fort bien relever de cet article dans la mesure où ils visent à jeter le discrédit sur des groupes de personnes, à les marginaliser...
L’article 24 de cette loi sanctionne de 5 ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende « ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article précédent, auront directement provoqué (…) à commettre l’une des infractions suivantes :
(…) les destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes » (ce qui est le cas d’un attentat avec des explosifs)
(…) provoqué à la haine où à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée
(…) à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap »
Ces articles, pourraient être appliqués, non seulement aux personnes physiques, mais aussi compte tenu de l’article L 121-2 du code pénal, aux personnes morales.
Toutefois, l’Etat Français, en tant que personne morale, échappe à la mise en œuvre de l’article précité, seules les personnes morales de droit privé sont visées. Cette exclusion légale assure l’immunité de la Miviludes et de l’Assemblée nationale (mais non de leurs représentants personnes physiques)
La jurisprudence française a déjà fait application de ces textes :
Ainsi, un directeur d’un périodique qui tente de persuader ses lecteurs que les travailleurs étrangers sont nuisibles au développement de l’économie a été condamné pour discrimination raciale
Un article relatant différents faits divers mettant en cause des personnes originaires d’Afrique du Nord et d’Afrique noire, ou appartenant à la communauté Tzigane, visées en raison de leur appartenance à une ethnie, une race ou une religion déterminéeLe candidat à une élection qui diffuse une profession de foi intitulée « Islamistes, remettons de l’ordre en France »
Le texte intitulé « Villefontaine, c’est Minguettes sur Isère », qui tant par son sens que par sa portée tend à susciter un sentiment d’hostilité ou de rejet envers un groupe de personnes à raison d’une origine ou d’une religion déterminée »
Assisterons-nous à une extension de cette jurisprudence au bénéfice des minorités spirituelles et religieuses ?
Dans cette attente, l’affaire ajaccienne est inachevée, le gros des troupes a échappé à la justice
Le crime se reflète toujours sur les esprits des témoins et des proches.
Il faut les considérer comme des miroirs.
Le meurtrier se cache toujours dans les angles morts »
(film « Les rivières pourpres »)