Les affabulations d'un évangéliste
HENRIK LINDELL
Dans les milieux évangéliques, Tony Anthony avait un témoignage extraordinaire. Véritable héros des adolescents, cet Anglais de 42 ans donnait des conférences dans des écoles et des prisons à travers le monde en mettant en avant son histoire personnelle, racontée dans sa biographie, L'oeil du Tigre. Celle-ci s'est vendue à pas moins de 1,5 million d'exemplaires dans 25 pays. L'auteur s'y présente notamment comme « trois fois champion du monde de kung-fu » et ancien garde du corps d'élite pour « les grands de ce monde » avant de se convertir au Christ. Il aurait alors renoncé à la violence.
Il n'y a qu'un problème : tout ou presque est faux. Une commission d'enquête indépendante, dont les membres ont été nommés par l'Alliance évangélique britannique (qui représente quelques 2 millions d'évangéliques britanniques), vient de rendre ses conclusions accablantes. Apparemment, ils n'ont pas trouvé trace d'une seule compétition de kung-fu gagnée par le « champion », et certainement pas de championnat du monde.
A en croire une enquête d'un journaliste anglais, on ne sait même pas si Tony Anthony a vraiment travaillé comme garde du corps (lire notamment ce long article de Paul Ohlott, du site évangélique Actu-chrétienne).
Dans un communiqué du 11 juillet, l'Alliance britannique explique qu'elle retire son soutien au livre de Tony Anthony puisque des « grandes parties » ne racontent pas la vraie histoire. Le conseil d'administration de l'organisation d'évangélisation créée par Tony Anthony a co-signé ce communiqué.
L'affabulateur venait souvent en France, où son livre caracolait en tête des ventes dans toutes les librairies évangéliques. Il était un conférencier apprécié alors que des églises assuraient sa promotion.
Son livre a été traduit par la Société biblique de Genève, une fondation missionnaire de référence qui édite notamment la Bible à 1,5 euro. « C'est désolant et nous avons évidemment arrêté de diffuser le livre, soupire Jean-Pierre Bezin, directeur de cette société. Avant de l'éditer, nous avons essayé de nous renseigner sur l'auteur. Mais ses représentants disaient qu'il voulait garder la confidentialité des informations pour des raisons de sécurité. Son éditeur – Authentic Medias (sic !) – est très sérieux et Tony Anthony était entouré par des gens respectés. »
Mais, tout de même, comment « des gens sérieux » peuvent-ils croire à une histoire pareille pendant des années avant de se rendre compte de l'escroquerie ? L'éditeur et responsable de la librairie protestante 7ici Denis Guillaume suggère quelques éléments de réflexion : « Quand quelqu'un se présente comme chrétien, on a tendance à lui faire confiance. Je pense aussi que le désir de voir du merveilleux, un phénomène fréquent dans certains milieux chrétiens, rend finalement aveugle. Cette histoire atteste du besoin du merveilleux. Et elle montre qu'un pervers peut ainsi exploiter l'univers chrétien, si on n'y prend garde. »
HENRIK LINDELL
Dans les milieux évangéliques, Tony Anthony avait un témoignage extraordinaire. Véritable héros des adolescents, cet Anglais de 42 ans donnait des conférences dans des écoles et des prisons à travers le monde en mettant en avant son histoire personnelle, racontée dans sa biographie, L'oeil du Tigre. Celle-ci s'est vendue à pas moins de 1,5 million d'exemplaires dans 25 pays. L'auteur s'y présente notamment comme « trois fois champion du monde de kung-fu » et ancien garde du corps d'élite pour « les grands de ce monde » avant de se convertir au Christ. Il aurait alors renoncé à la violence.
Il n'y a qu'un problème : tout ou presque est faux. Une commission d'enquête indépendante, dont les membres ont été nommés par l'Alliance évangélique britannique (qui représente quelques 2 millions d'évangéliques britanniques), vient de rendre ses conclusions accablantes. Apparemment, ils n'ont pas trouvé trace d'une seule compétition de kung-fu gagnée par le « champion », et certainement pas de championnat du monde.
A en croire une enquête d'un journaliste anglais, on ne sait même pas si Tony Anthony a vraiment travaillé comme garde du corps (lire notamment ce long article de Paul Ohlott, du site évangélique Actu-chrétienne).
Dans un communiqué du 11 juillet, l'Alliance britannique explique qu'elle retire son soutien au livre de Tony Anthony puisque des « grandes parties » ne racontent pas la vraie histoire. Le conseil d'administration de l'organisation d'évangélisation créée par Tony Anthony a co-signé ce communiqué.
L'affabulateur venait souvent en France, où son livre caracolait en tête des ventes dans toutes les librairies évangéliques. Il était un conférencier apprécié alors que des églises assuraient sa promotion.
Son livre a été traduit par la Société biblique de Genève, une fondation missionnaire de référence qui édite notamment la Bible à 1,5 euro. « C'est désolant et nous avons évidemment arrêté de diffuser le livre, soupire Jean-Pierre Bezin, directeur de cette société. Avant de l'éditer, nous avons essayé de nous renseigner sur l'auteur. Mais ses représentants disaient qu'il voulait garder la confidentialité des informations pour des raisons de sécurité. Son éditeur – Authentic Medias (sic !) – est très sérieux et Tony Anthony était entouré par des gens respectés. »
Mais, tout de même, comment « des gens sérieux » peuvent-ils croire à une histoire pareille pendant des années avant de se rendre compte de l'escroquerie ? L'éditeur et responsable de la librairie protestante 7ici Denis Guillaume suggère quelques éléments de réflexion : « Quand quelqu'un se présente comme chrétien, on a tendance à lui faire confiance. Je pense aussi que le désir de voir du merveilleux, un phénomène fréquent dans certains milieux chrétiens, rend finalement aveugle. Cette histoire atteste du besoin du merveilleux. Et elle montre qu'un pervers peut ainsi exploiter l'univers chrétien, si on n'y prend garde. »